- Vous venez de proposer la désignation de la mer Méditerranée dans son ensemble en tant que zone de contrôle des émissions (ECA) de SOX, mieux connue sous le nom d’ECA SOX Med… Un moment fort ?
C’est un moment historique, notamment pour la santé des Méditerranéens ! Une fois mise en place, l’ECA SOx Med pourrait éviter chaque année plus de 1100 décès prématurés et 2300 cas d’asthme de l’enfant. Mais ce n’est pas nous qui avons proposé cette désignation, ce sont les 21 pays du pourtour méditerranéen et l’Union européenne qui se sont mis d’accord pour soumettre à l’OMI la proposition de désignation de l’ECA SOx Med.
Cette décision a été prise conjointement à Antalya (Turquie) en décembre 2021 lors de la dernière Conférence des parties de la Convention de Barcelone, dont ces 21 pays et l’Union européenne sont les parties contractantes. Dans le cadre du système de la Convention de Barcelone, le travail du Plan Bleu, du REMPEC et de MedPol a contribué à éclairer les pays sur la faisabilité et les coûts et avantages d’une potentielle ECA SOx Med.
- Quel avantage apportera cette nouvelle démarche à la Méditerranée ?
Les avantages sont liés à la diminution des émissions de 79% pour le soufre et de 24% pour les particules fines. Ces avantages sont multiples : d’abord moins de brume et plus de visibilité, réduisant les incidents maritimes (collisions avec les navires) et améliorant l’attractivité touristique ; moins d’acidification, ce qui réduira les dommages aux cultures, aux forêts et aux espèces aquatiques et marins, ainsi qu’aux bâtiments et monuments.
Ainsi, on s’attend à des gains dans l’agriculture/ la sylviculture, la productivité des écosystèmes et à des coûts évités au niveau des ravalements de monuments et bâtiments. Finalement, une meilleure santé humaine, en évitant chaque année plus de 1100 décès prématurés dus au cancer du poumon, aux maladies cardiovasculaires et aux AVC, ainsi qu’en évitant plus de 2300 cas d’asthme chez les enfants.
Tous ces avantages n’ont pas été évalués de manière monétaire, mais le gain sanitaire, c’est-à-dire les coûts évités liés à la santé humaine dégradée en absence de l’ECA SOx Med, sont évalués entre 8 et 14 milliards d’€ par an. Si on compare ce gain sanitaire avec les coûts liés à l’ECA SOx Med, on constate que les avantages sont plus de 5 fois plus élevés que les coûts ! Et cela sans même prendre en compte les avantages liés à la réduction de l’acidification et la brume.
- Bien que la mer Méditerranée constitue moins d’1% des océans du monde, elle reste l’une des mers les plus fréquentées au monde, quel état de lieux peut-faire aujourd’hui sur sa qualité d’eau et la santé ?
Le Plan Bleu a récemment passé en revue l’état de la Méditerranée et a élaboré le rapport sur l’état de l’environnement et du développement en Méditerranée. Globalement, la Méditerranée n’est pas en bonne voie pour atteindre ses objectifs de durabilité, et c’est également vrai pour la qualité de l’eau et la santé humaine.
La Méditerranée est une des mers les plus polluées au monde, notamment par les plastiques avec une concentration de microplastiques à la surface de la mer Méditerranée qui dépasse les 64 millions de particules flottantes par km2.
Du côté de la santé humaine, nous constatons que 15% des décès dans les pays méditerranéens sont imputables à des facteurs environnementaux modifiables, dont le premier est la pollution de l’air. Il est nécessaire d’agir rapidement, de manière intégrée et à tous les niveaux pour redresser la barre!
- En 2020, l’Organisation maritime internationale (OMI) a décidé de la réduction des émissions de SOX provenant des navires, avec l’entrée en vigueur d’une nouvelle réglementation mondiale limitant la teneur en soufre du carburant utilisé à bord des navires à 0,50%. Un commentaire ?
C’était également une décision historique qui a permis de réduire la teneur en soufre des carburants de 3,50% à 0,50% et qui, depuis son entrée en vigueur, a déjà dû sauver des milliers de vies dans le monde.
L’ECA SOx Med s’inscrit exactement dans cette dynamique, en proposant d’aller encore plus loin pour réduire la teneur en soufre des carburants de 0,50% à 0,10%. Nous allons continuer à accompagner les pays méditerranéens pour aller toujours plus loin dans la réduction de la pollution en Méditerranée pour une Méditerranée durable.
Bioexpresse
Lina Tode est diplômée en management international de Kedge Business School (Marseille, France), puis en économie de l’environnement d’Aix-Marseille Université, elle rejoint le Plan Bleu en 2011 et suit les questions d’analyse socio-économique pour le développement durable en Méditerranée.
Elle coordonne l’élaboration du Rapport 2020 sur l’Etat de l’environnement et du développement en Méditerranée et pilote les analyses économiques pour le projet de désignation de la Méditerranée en tant que zone à basses émissions de soufre. Depuis 2021, elle occupe le poste de directrice adjointe du Plan Bleu