Les petits calculs de commerçants ne tuent pas toujours l’amour pour le livre. Saïd Cherief, ce libraire de Tigzirt, nous confirme bien ce constat. Car, situé sur la grande artère de cette charmante ville, son local aurait pu engranger beaucoup plus de profits avec n’importe quelle autre activité que celle d’une librairie.
Mais lui, défiant la tendance générale, il ferme un restaurant pour vendre des choses qui nourrissent l’esprit. «Le seul métier où je pourrais travailler 12 heures par jour sans se lasser», nous dira-t-il avec un sourire chaleureux. Pourtant, il n’est pas sans savoir que le livre aujourd’hui connaît des moments difficiles. Il sait que la priorité des citoyens est d’aller d’abord à la boulangerie ou à l’épicier du coin plutôt que de feuilleter un roman ou se faufiler entre les rayons garnis de romans ou d’autres ouvrages.
Mais avec son sourire aux traits généreux, il continue d’ouvrir chaque matin. Il continue de le faire avec cette allure de testament renouvelé quotidiennement. Pour lui, la joie ne vient pas que des gains engrangés à la fin d’une journée de travail. La joie est celle aussi de fructifier le savoir, d’accompagner le lecteur dans le choix d’un titre à acheter.
Elle est dans celle de combattre les voies de l’ignorance à commencer par tous ces penchants d’aujourd’hui qui réduisent le livre jusqu’à le considérer comme un produit banal sans grande utilité pour la société.
Et cela exige des sacrifices, un engagement et de l’amour pour la lecture et le livre d’une façon générale. Saïd Cherief rythme ses journées par sa grande motivation se nourrissant d’espoir pour compenser tout ce qu’il pourrait gagner en pécule s’il avait choisi ou tout simplement s’il avait continué à servir des sandwichs à la place des livres. Surtout dans une ville de province comme Tigzirt où les lecteurs ne se comptent pas par milliers.
Lounès Ghezali