Li fat mat, ou quand le passé est omniprésent

16/03/2025 mis à jour: 01:30
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Li fat mat est un feuilleton que diffuse chaque soir la chaîne One Tv. Il est du cru du réalisateur Karim Moussaoui, celui à qui on doit le feuilleton Aïn El Djenna, diffusé pendant le Ramadhan 2023, ainsi que deux longs métrages.

 En attendant les hirondelles (2017) et L’effacement, attendu, en principe, cette année. Avec Lit fat mat, Karim Moussaoui revient avec un casting de choix : Samia Meziane, Slimane Benaissa, Mustapha Laribi, Nidal El Melouhi, Sarah Laalama, Mounia Ben Feghoul, Ali Namous, Zakaria Ben Mohamed, Yasmine Amari, Kenza Moussous, Fadil Ajaâymi, Abdelkader Affak, et enfin la révélation de cette année tant elle a bluffé tout le monde par ses performances de comédienne : Meriem Aït Hadj. 

Dans ce feuilleton, Karim Moussaoui utilise ce qu’on nomme dans la littérature «la technique du plantage» en ce sens que l’histoire, dans les premiers épisodes, est parsemée de petits détails, en apparence anodins, mais qui prépareront le spectateur, doucement mais sûrement, au développement de l’intrigue, avec son lot de rebondissements et de coups de théâtre. Si l’histoire se a lieu en 2019, pendant la période du hirak, à chaque épisode, une scène introductive, avant le défilement du générique, se déroule dans un passé relativement lointain, soit pendant les événements d’Octobre 1988 ou les années 1990, quand le pays était à feu et à sang. Feuilleton-chorale, si on peut le qualifier ainsi, Li fat mat recense plusieurs histoires, chacune ayant sa propre thématique et son propre développement, mais liées néanmoins les unes aux autres par le truchement des personnages. Zineb (interprétée par Meriem Aït Hadj) est une lycéenne qui va bientôt passer son examen du baccalauréat. Elle a un amoureux qu’elle cache à ses parents, à plus forte raison que son père Saïd, vieil homme acariâtre et aigri, veut la faire épouser par son neveu, une fois qu’elle aura atteint sa majorité et obtenu son baccalauréat. Elle s’adonne alors aux mensonges, parfois éhontés parfois par omission, en affirmant à ses parents qu’elle se rend chez sa cousine, tandis qu’elle se permettait, en vrai, des escapades jusqu’à Tipasa avec une amie à elle et celui dont elle est amoureuse. 

Quand son père l’apprend, elle reçoit des mandales à discrétion. En proie à la nausée et aux vomissements, un jour, sa cousine lui propose d’aller lui chercher un test de grossesse, mais cela était sans compter sur la présence, au sein de l’échoppe pharmaceutique, d’une voisine fouineuse qui va tout rapporter à son père, croyant que ledit test lui était destiné. Il y aussi Hassiba, cette émigrée, habitant Paris, qui décide de rentrer en Algérie, avec son époux et sa fille, après trois décennies passées dans l’exil. Son lourd passé la rend sujette à une instabilité émotionnelle et une dépression en dents de scie. On apprendra plus tard qu’elle devait, à la fin des années 1980, se marier avec Amar qui fut tué lors des événements d’Octobre 1988. Après sa mort, elle fait appel aux services d’un avocat pour défendre les droits de la mère et de la sœur d’Amar contre Saïd (le père de Zineb) et son frère (interprété par Slimane Benaissa), – ancien journaliste et à présent vieux patriarche fatigué  et se déplaçant en fauteuil roulant –, car le père du défunt était leur collaborateur dans un grand magasin, aujourd’hui loué par Salim et Rabah, deux autres antagonistes de l’histoire. 

Après des mois au tribunal, elle a obtenu gain de cause et Saïd l’a eu dans son collimateur et s’est ingénié à lui faire des crasses dans le collège où elle enseignait. Elle l’a dénoncé aux autorités du fait qu’il collaborait avec les terroristes (nous étions alors dans les années 90) et Saïd a pris la tangente chez un Emir. Elle s’est rendue chez son frère, interprété par Slimane Benaissa, pour qu’il lui vienne en aide, mais ce dernier, alors journaliste, ne pouvait rien faire pour elle, car lui-même, qui écrivait dans son journal des papiers incendiaires sur l’émir en question, était dans le collimateur de ce dernier. 

L’histoire met en scène également le personnage d’un repenti, interprété par Abdelkader Affak, terroriste pendant les années noires, et devenu à présent une personne effacée, limite blasée, parlant sans emportement. Si le passé est omniprésent dans cette histoire, en filigrane, l’histoire traite également de sujets en rapport avec l’émancipation de la femme, et le conflit générationnel, entre une jeunesse voulant croquer la vie à pleines dents et des parents, souvent conservateurs, ne comprenant rien aux velléités émancipatrices de leurs progénitures. 

Il y a donc le conflit répétitif entre Zineb et son père Saïd, et un autre, certes beaucoup moins violent, entre Hassiba et sa fille, qui a grandi à Paris et qui, pendant son séjour algérois, tombe sur un homme qui s’amourache d’elle dans un café et qu’elle se met à voir une fois de temps en temps. Pour l’épisode 8 de ce feuilleton, projeté le 8 mars (Journée internationale des droits de la femme), les spectateurs ont même eu droit à cette épigraphe : «A toute femme à qui on a étouffé la voix, on te voit, on t’entend et on lutte pour toi !» 

Si on n’a pas connaissance de l’audience quotidienne de ce feuilleton sur la chaîne One TV, pour ce qui est de Youtube, elle oscille entre 1 million et 1,2 d’internautes par épisode, ce qui est pour le moins un franc succès. 

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