- Cinq cabinets étrangers viennent d’être fermés pour deux mois. Il leur est reproché une «opposition au contrôle» après avoir confirmé «l’exercice illégal» de leur activité. Qu’entend-on par exercice illégal ? Cette sanction, dite préliminaire, peut-elle aller jusqu’à la fermeture définitive ?
La décision du ministre du Commerce, quoique justifiée, est un tant soit peu cocasse : si cette activité et cette existence sont illégales et que l’illégalité est confirmée, il est difficile de comprendre pourquoi limiter la fermeture à deux mois ?
Et pourquoi cette décision n’est que préliminaire ? Les motifs de cette fermeture sont quelque peu ambigus : est-elle motivée parce que ces cabinets exercent une mission réglementée sans en remplir les conditions ? Et, à ce moment-là, c’est l’existence même de ces cabinets qui est illégale. Ou bien s’agit-il d’une fermeture à cause de pratiques illégales commises par des établissements légalement installés ? Exemple cité, «le non-affichage des prix».
- Le ministre du Commerce affirme avoir sévi suite à des informations de plusieurs opérateurs faisant état «d’un groupe d’entreprises, parmi lesquelles figurent des cabinets de consulting étrangers, qui exercent illégalement le consulting comptable, financier et juridique» ? Peut-on le faire clandestinement et comment ?
Il n’est vraiment pas nécessaire que des opérateurs informent. Nous sommes devant un secret de polichinelle. L’information est connue depuis longtemps et fait partie du domaine public. Ces établissements exercent à travers des registres du commerce des missions et des activités que les Algériens ne peuvent exercer qu’avec des agréments. Ces établissements recrutent et engagent des cadres et des universitaires algériens qui ne peuvent pas exercer sans s’abriter dans des établissements étrangers.
Le conseil juridique, par exemple, est une mission qui, dans les autres pays, notamment ceux d’où viennent ces établissements, entre dans le champ des missions des avocats ou, parfois, dans celles des cabinets de juristes spécialisés.
La comptabilité d’une entreprise est tenue par des comptables agréés ou des experts comptables. Pour être agréés, ces comptables algériens doivent justifier d’une formation déterminée, passer par un stage auprès d’un cabinet agréé et, ensuite, s’inscrire au tableau des comptables, qui est géré par les Ordres professionnels.
Il n’est pas compréhensible que des établissements étrangers bénéficient d’une procédure simplifiée et exercent ces missions à travers un simple registre du commerce qui n’est soumis à aucune condition d’agrément. Peut-on autoriser une clinique médicale ou un cabinet d’infirmerie ou de sages-femmes avec un registre du commerce sans vérifier les conditions de maîtrise du métier ? Où est la protection du citoyen ?
- Si dans 60 jours, les autorités algériennes confirment cette accusation et procèdent à la fermeture de ces cabinets étrangers, l’Algérie dispose-t-elle de cabinets nationaux pouvant offrir les mêmes prestations ?
Vous me posez cette question un 27 février, quelques jours après le 21 février 2022, date anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures, et ça me fait sourire. Vous ne voyez, sans doute, pas le rapport.
Les adversaires de la nationalisation des hydrocarbures se montraient dubitatifs à l’époque quant à la possibilité des cadres de Sonatrach de prendre la relève des ingénieurs français. Sonatrach n’avait pas seulement produit et formé des cadres qui ont géré le pétrole algérien mais a fourni, aussi, des ressources humaines à d’autres pays pétroliers, notamment arabes. J’aurais préféré que vous me posiez cette question autrement !
Est-ce que des cabinets étrangers sont suffisamment outillés pour prendre en charge des missions de consulting relatives à des problématiques algériennes ? Et là, je vous répondrais que dans le domaine des activités et de la vie des entreprises, la maîtrise de la dimension culturelle est fondamentale. J’ajouterais que la dimension culturelle est très vaste et ne peut être acquise qu’à travers de longues années de pratique.
Cela étant, les consultants du cru offrent des garanties comparatives indiscutables. Attention, je ne parle pas de compétences purement techniques qu’on peut trouver ici et ailleurs et, probablement, en fonction des domaines d’expertise, qu’on peut trouver ailleurs plutôt qu’ici et vice versa. Je parle de la dimension culturelle qui est extrêmement vaste et qu’on peut difficilement cerner.
- Quelle est votre évaluation de cette fermeture ?
Ces établissements étrangers n’ont pas travaillé clandestinement. Je précise que je ne suis pas contre la présence des cabinets étrangers en Algérie, bien au contraire, je la souhaite, elle permettra des échanges d’expérience et aura un effet d’émulation.
Cependant, elle doit être admise dans des conditions de réciprocité et ne doit pas être exercée dans des conditions d’égalité. Nous sommes dans une situation ahurissante où des établissements étrangers exercent, librement et sans contrôle aucun, des missions auxquelles les Algériens n’accèdent qu’à des conditions rigoureuses de formation et d’expérience et des formalités complexes.
Votre question interpelle surtout les corporations et les Ordres professionnels des comptables, des experts comptables et des avocats, qui sont les gardiens et les défenseurs de leur profession. Ils doivent se manifester. Il est à se demander comment et pourquoi cette situation qui sévit depuis longtemps n’a pas engendré les réactions appropriées de la part de ces corporations ?