Hier, Vladimir Poutine a officiellement lancé l’exploitation du champ gazier de Kovykta, le plus grand de Sibérie qui va augmenter sensiblement les exportations russes vers la Chine et contourner manifestement l’embargo décrété par les Occidentaux, notamment les Européens. Cette annonce est faite dans un contexte de durcissement du conflit entre la Russie et l’Ukraine, dix mois après le déclenchement des hostilités. Aucune accalmie n’est visible sur le terrain, comme rien n’est venu estomper la guerre du gaz. L’Europe, la première touchée par les restrictions russes, entre dans un long hiver rigoureux nécessitant de grandes consommations de cet hydrocarbure aussi bien pour les ménages que pour les industries. Les appels des gouvernements à des économies énergétiques n’ont eu qu’un faible effet sur le volume de la demande. Certes, des efforts de diversification des sources d’approvisionnement ont quelque peu desserré l’étau, mais pas d’une manière significative, tandis que les prix dans l’espace européen sont toujours élevés. Cet ensemble de contraintes a poussé l’Union européenne à recourir à un nouveau mécanisme qui est le plafonnement des prix du gaz à partir du 15 février prochain, suivi par la mise en place d’un consortium européen pour l’achat groupé du gaz sur le marché spot. Il faut rappeler que cette mesure a été très controversée au niveau des pays membres, des sceptiques, notamment les Allemands et les Néerlandais l’ont rejetée puis, après négociations ont accepté l’idée d’un plafonnement des prix du gaz. Ces deux pays avaient mis en avant leur peur de ne pas trouver de fournisseurs fiables qui accepteront de vendre leur produit à des prix plus bas que ceux en cours sur le marché international, notamment dans le cas d’une nouvelle flambée des prix, qui n’est d’ailleurs pas écartée. Les 27 membres de l’Union européenne ont fixé le seuil du prix à ne pas dépasser en matière des importations de gaz qui est de «180 euros/MWh». Ce sera, selon l’Union européenne, un nouveau mécanisme de lutte contre la flambée des prix du gaz et qui ne «sera déclenché qu’une fois le seuil dépassé». Cette nouvelle politique a été immédiatement critiquée au motif qu’elle va peser négativement sur l’offre en gaz sur les marchés internationaux. Apparemment sensible à cet argument, l’Union européenne affirme que le mécanisme sera immédiatement suspendu, si la demande de gaz augmente de 15% en un mois ou de 10% en deux mois, si les importations de GNL diminuent de manière significative, ou encore si le volume négocié sur le TTF diminue de manière significative par rapport à la même période de l’année précédente. L’Algérie, un des partenaires les plus fiables de l’Europe, a été un de ceux qui ont remis en question cet accord. Le ministre algérien de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab, a affirmé mardi dernier en marge de la Journée algéro-germanique de l’énergie, que la décision de l’Union européenne est unilatérale et susceptible de déstabiliser le marché gazier. Il précise que «des marchés du gaz ouverts transparents sans restriction et non préférentiels sont plus que nécessaire», ajoutant que «la croissance de l’investissement doit s’appuyer sur des mécanismes juridiques transparents et non préférentiels soutenus par des politiques énergétiques, écologiques claires dans les pays consommateurs de gaz ainsi que dans les pays de transit». De leur côté, les pays producteurs de pétrole de l’Opep+ sont restés sur leur ligne d’une réduction de deux millions de barils par jour de pétrole jusqu’à fin 2023. Les cours de l’or noir ont fini par se situer entre 80 et 85 dollars, loin de leurs sommets à plus de 130 dollars en mars après le début de l’invasion de l’Ukraine. Le prochain rendez-vous de l’OPEP + a été fixé au 4 juin 2023, mais le groupe s’est dit prêt à se réunir «à tout moment» d’ici là pour prendre des «mesures supplémentaires immédiates» si besoin. Elle devrait réagir à la déstabilisation du marché gazier suite à la décision de plafonnement des prix. En tout état de cause, le marché mondial des hydrocarbures vibre de deux côtés : la guerre entre la Russie et l’Ukraine et les fluctuations de l’économie en Chine, selon les restrictions sanitaires. La demande de ce pays, qui est le premier importateur de brut au monde, fléchit au moindre ralentissement de l’économie ou d’un regain épidémique, ce qui se répercute directement sur les cours des hydrocarbures.