Les «Territoires libérés» de la cause palestinienne

07/05/2024 mis à jour: 04:18
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La témérité de la résistance palestinienne a mis comme jamais les institutions mondiales devant leur responsabilité - Photo : D. R.

Le bilan est effroyable : près de 35 000 morts, des survivants condamnés à l’errance, des villes pulvérisées… La cause, quant à elle, a reconquis sa place de priorité internationale.

L’immense sacrifice de la population de Ghaza, durant ces sept terribles derniers mois, remue en profondeur les marais dormants des relations internationales concernant la question palestinienne et renverse brutalement la table des compromis arbitraires consacrant le fait accompli colonial israélien.

L’embarras de la première puissance mondiale devant la révolte surprenante des étudiants et une partie agissante de ses élites universitaires est la toute dernière illustration de ces territoires conquis ou reconquis par la cause, après un méthodique et long travail de relégation au chapitre des «divers» dans les ordres du jour diplomatiques, et pour lequel se sont dévouées, durant des décennies, toutes les voix qui comptent dans la sphère occidentale.

Le sponsoring des Accords d’Abraham, depuis trois ans, devait achever de signer l’acte de décès de l’aspiration palestinienne à l’autodétermination. Tout ce monde est aujourd’hui mis en demeure de réviser ses plans ou de prendre la responsabilité et le risque d’engager les relations internationales sur les voies de la tension imprévisible, avec des prix de plus en plus évidents à payer, aux Etats-Unis et dans certains pays d’Europe notamment, sur le plan de la cohésion nationale. 

«Deux chemins se dessinent. Celui d’une guerre perpétuelle régie par la loi de la jungle, de tous contre tous, entre acteurs ayant chacun ses intérêts à défendre et ne se souciant que de les faire triompher, de Moscou à Washington, de New Delhi à Brasilia, de Paris à Mexico, ou celui d’une refondation de l’ordre international sur la base du droit, comme nous y invitent les décisions de la Cour internationale de justice (CIJ) sur Ghaza, une voie étroite certes mais la seule qui nous permet d’éviter l’apocalypse.»

Grand spécialiste du Moyen-Orient et auteur de plusieurs ouvrages consacrés au calvaire historique des Palestiniens, Alain Gresh s’inquiète dans son tout dernier livre de cette descente aux enfers que personne ne semble capable de mesurer et des fossés qui se creusent entre l’Occident et le reste du monde. «Ghaza a exposé le double visage de l’Occident, une face pour la paix, les droits humains et l’universalisme, une autre pour les massacres, le génocide et le racisme», note-t-il.

Un alignement qui coûte cher aux relations internationales

Ce genre d’alarme n’est plus seulement tiré par les partisans connus d’une solution qui reconnaît le droit à la souveraineté au peuple palestinien, mais aussi, depuis peu, par des personnages importants au sein même des institutions occidentales majeures. Bernie Sanders, sénateur américain et ancien candidat à la Maison-Blanche, a introduit, il y a deux mois, un projet de résolution au sein du Sénat pour amener le pays à casser le dogme du soutien inconditionnel à Israël.

Le projet n’a pas été voté bien entendu, mais il a permis tout de même d’introduire le débat et de porter au sein du Parlement un doute que ne peut pas assumer l’establishment.

Le sujet serait pourtant bien évoqué dans les couloirs de la Maison-Blanche depuis des semaines en réaction aux préjudices diplomatique et géopolitique exorbitants que génère l’entêtement de Tel-Aviv depuis 7 mois au statut géostratégique des States, alors que se relance une sorte de guerre froide avec la Russie sur fond de confrontation à risques sur le front ukrainien.

Les foyers d’hostilité en Irak, au Yémen et en Syrie, avec ou sans le parrainage direct de l’Iran, réinstallent pour leur part les Etats-Unis comme acteur cristallisant les ressentiments au Moyen-Orient, alors que Washington a passé les deux dernières décennies à tenter de faire oublier son interventionnisme calamiteux lors des deux guerres du Golfe. 

La maison Europe subit elle aussi les contrecoups de l’alignement occidental sur Tel-Aviv : Josep Borrel, haut représentant de l’UE aux Affaires étrangères, a reconnu publiquement que l’engagement sans nuances de la présidente de la Commission européenne sur les thèses de Netanyahu au tout début du conflit a créé des remous sérieux au sein de la communauté des Etats et a ébranlé son assise géopolitique, notamment dans le monde arabe.

L’homme est depuis des mois le porte-parole de ce courant institutionnel sur le Vieux Continent, qui appelle à revoir le statut de privilégié accordé à l’Etat hébreu, alors que des pays comme l’Irlande et l’Espagne s’apprêtent à reconnaître un Etat palestinien.

Les prévisions parient qu’ils seront rejoints par d’autres dans le propos d’une lame de fond qui vise à relancer la solution à deux Etats, 30 ans après les Accords d’Oslo. On est quand même loin de l’unanime élan de soutien occidental à Israël et de l’adoption sans nuances de son récit d’entité menacée par le «terrorisme», et excluant d’autorité le fondement politique du conflit et la question de l’occupation de la lecture des événements.

ONU, CIJ, CIP… les nouvelles arènes

Sur un autre plan, la témérité de la résistance palestinienne et la résilience extraordinaire de la population ont mis comme jamais les institutions mondiales devant leur responsabilité, à commencer par l’ONU. Les joutes serrées au Conseil de sécurité ont mis à nu les travers de la diplomatie américaine et acculé Washington à assumer ouvertement sa vocation de parrain de premier degré d'Israël, usant et abusant de son super statut de membre permanent, avec à la clé un isolement diplomatique auquel les Etats-Unis auront du mal à remédier à court et moyen termes.

L’ensemble des organisations onusiennes et leurs ressources humaines, en s’engageant auprès des populations palestiniennes durant le conflit au nom du droit international, ont payé le prix fort devant la machine de guerre israélienne.

L’OMS, l’Unicef, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, l’Unrwa bien entendu et d’autres organisations et programmes de l’ONU, en s’attelant juste à leurs missions déléguées par la communauté internationale, ont obligé le gouvernement israélien et ses alliés à battre les masques et ont largement fourni la preuve sur la nature criminelle de l’entité sioniste.

Leurs actions et l’hostilité meurtrière de Tel-Aviv (aucune guerre n’a fait autant de victimes dans les rangs des agents de l’ONU) ont ajouté un surcroît de légitimité aux aspirations palestiniennes à la liberté et à la souveraineté. 

Le recours aux juridictions internationales aura également permis de mettre en accusation les projets israéliens et l’injustice fondamentale qui les sous-tend. L’ordonnance de la Cour de justice internationale (CIJ), le 26 janvier dernier, sur saisine de l’Afrique du Sud, date un fait déterminant dans la perception juridique de l’occupation israélienne et des moyens militaires «potentiellement génocidaires» déployés pour la maintenir dans le cas de Ghaza.

Le gouvernement israélien tremble aujourd’hui à l’idée que des noms parmi ses membres les plus en vue soient concernés par le lancement de mandats d’arrêt internationaux émis par la Cour pénale internationale (CPI) pour «crimes de guerre».

Jamais auparavant des hommes politiques et de hauts gradés de l’Etat hébreu n’ont eu à avoir ce genre de frayeur. Tel-Aviv fait tout, ces dernières semaines, en sollicitant l’appui de ses alliés pour empêcher que cela se produise, quitte à user de menaces contre les magistrats de la Cour.

Le sursaut des étudiants dans les universités américaines et européennes est le signe que la cause palestinienne reprend de la vigueur après que le monde a cru l’avoir enterrée vivante. Le drapeau palestinien n’aura jamais autant flotté dans le monde que durant ces terribles derniers mois.

Fermeture d’Al Jazeera en Israël : L’ONU dénonce tout recul de la liberté de la presse

L’ONU a dénoncé hier «toute décision faisant reculer la liberté de la presse», en réaction à la fermeture par Israël du bureau dans son pays de la chaîne qatarie Al Jazeera. «Concernant la fermeture du bureau d’Al Jazeera en Israël (...), nous avons dit clairement que nous sommes fermement contre toute décision faisant reculer la liberté de la presse», a déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

«Une presse libre fournit un service inestimable pour garantir l’information et l’engagement du public», a-t-il ajouté. Le gouvernement israélien a décidé dimanche de fermer le bureau de la chaîne qatarie Al Jazeera en Israël, conduisant rapidement à la coupure de son signal télévisé et la saisie d’une partie de son matériel. La décision s’applique pour une période renouvelable de 45 jours, selon les documents officiels.

 

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