Les risques démographiques dans le monde et en Algérie

25/06/2023 mis à jour: 22:36
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Le vieillissement de la population est un défi additionnel pour une grande du monde et un autre poids sur l’économie mondiale. Pendant des décennies, l’accroissement régulier de la population à travers le monde (facteur de création d’une richesse en constante augmentation) était la préoccupation des décideurs. 

Depuis plus de vingt ans, le taux de fécondité (le rapport du nombre de naissances vivantes de l’année à l’ensemble de la population féminine en âge de procréer) est en baisse, passant de 2,7 naissances par femme à moins de 2,1 (le taux de stabilité de la population) non seulement au niveau des pays avancés mais également -f ait nouveau - au niveau d’autres nations émergentes (Brésil, Chine, Inde, Mexique et Thaïlande). 

Prenant appui sur ce trend, les démographes prévoient désormais que la population mondiale va atteindre un pic en 2050 et ensuite amorcer une baisse d’ici la fin de ce siècle. La préoccupation principale des gouvernements est le vieillissement de la population mondiale en raison de la baisse des naissances favorisée par la prospérité des familles qui ont ainsi choisi d’avoir moins d’enfants. 

Les flux migratoires nets, la technologie et des politiques publiques appropriées sont en mesure de compenser l’impact négatif du vieillissement de la population mondiale et soutenir ainsi la croissance à long terme. Pour ce qui est de l’Algérie, la population (45,7 millions de personnes à fin 2022) va augmenter de 15,2 millions de personnes à l’horizon 2050 pour se situer à 60,9 millions, augmentation accompagnée par ailleurs d’autres changements structurels qui ne manqueront pas d’avoir des conséquences importantes si des politiques publiques multisectorielles ambitieuses ne sont pas mises en place dès maintenant. 

Discutons de toutes ces questions. 
Le concept de vieillissement de la population : Une population est dite «vieillissante» quand la part des personnes de 65 ans et plus atteint 7%. Une population est dite «âgée» quand la part des personnes de 65 ans et plus atteint 14%. Une population est dite «très âgée» quand la part des personnes de 65 ans et plus atteint 20%.

Un vieillissement de la population mondiale en voie de généralisation. Ayant atteint après douze années 8 milliards de personnes le 15 novembre 2022, la population mondiale devrait, selon l’ONU, se situer à 9,7 milliards de personnes en 2050 et chuter à 8,6 milliards de personnes à la fin de ce siècle en raison d’un ralentissement de son taux de croissance. L’ONU ajoute que le vieillissement de la population mondiale et le ralentissement de la croissance de cette dernière qui affectaient 45 pays en 2022 dans le monde devraient désormais toucher 88 nations en 2050. 

Les facteurs explicatifs : incluent : 

(1) la baisse de la fécondité : (qui a touché 124 pays en 2022 et devrait impacter 136 pays en 2030) affecte les pays riches et les pays émergents comme la Thaïlande (1.3), le Brésil (1,6) et l’Inde (moins de 2,1 : avec 1/5 de la population mondiale, les répercussions seront mondiales); et (2) l’augmentation de la longévité : ainsi, l’espérance de vie dans le monde est de 72 ans en 2022 et devrait s’améliorer davantage sur le long terme, entraînant une  progression de larges cohortes vers des âges plus avancés. En conséquence, une inversion de la pyramide des âges émergera du fait que les générations plus âgées seront remplacées par des cohortes de plus en plus petites (cas de la Chine où le nombre de Chinois âgés de 21 à 30 ans a baissé de 232 millions en 2012 à 181 millions en 2021 et devrait se situer à 100 millions dans les années 2040. 

Les conséquences. Le vieillissement continuera d’affecter : 

(1) l’emploi : en raison de la baisse de la force du travail du pays et des pressions sur les marchés de l’emploi ; (2) la productivité (hausse de l’output par travailleur) et la croissance à moyen et long termes ; (3) les finances publiques : au niveau des recettes fiscales (baisse du nombre de contribuables), des dépenses (pour couvrir les besoins en soins à long terme et les retraites), du financement (système de sécurité sociale) et de l’endettement public (recours à la dette et hausse du ratio dette publique/PIB). D’ici 2050, il est prévu de passer de trois personnes âgées de 20 à 64 ans à moins de deux pour une personne âgée de plus de 65 ans ; (4) le secteur social (aggravation des inégalités de revenus entre les générations) ; et (5) la politique monétaire : qui sera compliquée par l’impact du vieillissement sur les agrégats épargne et investissement sur les activités bancaires. 

Les dispositifs à mettre en place pour gérer le vieillissement de la population : 

Pour enrayer les impacts macroéconomiques et sociaux négatifs liés à une population vieillissante et un taux de natalité en baisse, les autorités ont trois pistes : (1) des augmentations de la productivité du travail au moyen de progrès techniques ; (2) des flux migratoires nets ; et (3) des politiques publiques bien ciblées améliorant le capital humain et les conditions de la croissance. 

Le facteur technologique : source principale d’augmentation de la productivité. Toutefois, il peut éliminer purement et simplement des emplois et augmenter le chômage. A mesure que la composition par âge de la main-d’œuvre changera à l’avenir, la typologie de l’emploi de demain va radicalement changer. Ceci passera par le renforcement de l’innovation et de l’éducation et du suivi des gains de productivité de la part des autorités pour bien encadrer leurs projections budgétaires (une productivité moindre entraînera des déficits publics ; a contrario, une meilleure productivité contribuera à des excédents budgétaires).

Les flux migratoires nets : Selon l’ONU, en 2022, la part des flux migratoires dans les populations oscillent entre 22% pour l’Océanie, 15% pour l’Amérique du Nord, 11,6% pour l’Europe, 2,3 % pour l’Amérique latine, 1,9% pour l’Afrique et 1,8% pour l’Asie. Tous ces continents auront besoin à l’avenir de migrants instruits pour compenser le déclin démographique en cours.

L’Afrique subsaharienne pourrait être une grande source de migrants potentiels pour de nombreuses années à venir (encore que le continent africain fait lui-même face à une chute rapide des taux de natalité). Le recours à l’immigration pour enrayer en partie le déclin démographique dans de nombreux pays est un palliatif partiel. 
 

Les grands axes des politiques publiques destinées à contenir les impacts du vieillissement : (1) des cadres budgétaires à moyen terme pour prendre en considération une hausse de la fiscalité et/ou des pensions publiques, un ajustement des dépenses de santé et des soins de longue durée ; (2) des réformes structurelles pour renforcer la productivité, la croissance économique et l’innovation (recours aux personnels féminin, rappel des retraités, automatisation, robotique et intelligence artificielle), accroître la flexibilité des marchés du travail ; (3) la mise en place de nouveaux mécanismes plus flexibles en termes de vieillissement et de retraite et de maintien de l’équité intergénérationnelle (sécurité sociale et transferts publics) ; et (4) le renforcement de la supervision et la surveillance bancaire pour atténuer les risques d’instabilité financière liées aux nouvelles tendances démographiques. 

Le cas de l’Algérie : la forte croissance démographique à l’horizon 2050 est un facteur d’aggravation des défis macroéconomique et social actuels et impliquent dès maintenant des politiques publiques appropriées fortes. 
Les indicateurs démographiques entre 1962 et 2022 : La population algérienne a quadruplé depuis 1962, passant de 11,6 millions à 45,7 millions en 2022. Cette forte augmentation est le résultat essentiellement : (1) d’une chute combinée du taux de natalité (qui est passé de 49,6% en 1962 à 21,5% en 2021) et du taux de mortalité (qui a baissé de 19,6% en 1962 à 4,5% en 2021) ; et (2) de flux migratoires nets qui ont varié au cours des décennies (10,000 personnes en 2021). Le taux d’accroissement naturel (naissances moins décès) a presque doublé entre 1962 (1,8%) et 1982 avant de baisser de 50% en 2021 (1,7%). 

La plus forte augmentation de la population est intervenue en 1983 (3,17%) et la plus faible en 2002 (1,28%). En 2022, la répartition de la population par sexe donnait 23,6 millions d’hommes (55% du total) et 22,5 millions de femmes (49,3% du total). Par tranche d’âge, les moins de 25 ans représentaient 44,1% du total, alors que celles des 20-64 ans (la force de travail) et des plus de 65 ans s’établissaient à 55% et 0,9%, respectivement. 

L’âge médian (celui qui partage la population en deux groupes) est de 28,92 ans (moyenne mondiale 29,74). Finalement, le taux d’urbanisation est de 74% (75e rang mondial). Un tel taux d’urbanisation contribue certes à la croissance économique mais est également source de changement climatique, de pollution, d’embouteillages et d’habitat précaire. 

Croissance économique et démographie (2000-2022) : Au cours de ces vingt dernières années (marquées par un retour progressif à la sécurité, le super-cycle des produits de base et des chocs externes multiples), on note une remontée de l’investissement (37,8% du PIB par rapport à 31% entre 1980-1999), la croissance est restée stagnante (2,4% en moyenne par rapport à 2% entre 1980-1999), se situant légèrement au-dessus du taux de croissance de la population (1,7%). Le taux de chômage a fortement baissé pour atteindre 13,8% (21,6% entre 1980-1999). A fin 2022, du fait de la remontée des prix des hydrocarbures liés au conflit en Ukraine, le revenu par tête d’habitant rebondissait pour s’approcher de son niveau de 2013 soit $4300. 

Pourquoi une croissance faible ? Une analyse de la contribution des divers facteurs de production à la croissance économique en Algérie sur la période 1990-2020 fait ressortir ce qui suit : (1) capital et travail (75%) ; (2) progrès technologique (4% environ) ; et (3) facteurs macroéconomiques et structurels (21%). Ces données montrent que la croissance économique en Algérie est fortement liée à la seule accumulation des facteurs de production (capital et travail) et que la productivité totale des facteurs est en recul d’environ 1%. Cet état de fait s’explique par : (1) l’inefficience de l’investissement public ; (2) l’absence d’investissements directs extérieurs ; (3) la persistance des déséquilibres macroéconomiques  ; (4) la faible qualité de l’environnement des affaires  ; et (5) le manque de flexibilité et de modernisation de l’économie. 

Les projections démographiques à fin 2050 : la population de l’Algérie devrait atteindre 60,9 millions, soit une forte augmentation de 15,1 millions de personnes en l’espace d’un quart de siècle. 

Par ailleurs, si la part de la population de moins de 24 ans baissera de 6 points de pourcentage, la tranche de la population active (20-64 ans) augmentera uniquement de 1 point de pourcentage et la cohorte des plus de 65 ans va subir un bond conséquent de 4,3 points de pourcentage. In fine, au lieu du vieillissement, c’est la forte croissance à venir de la population qui ne manquera pas d’aggraver le bilan actuel démographique actuel, concentré de défis macroéconomiques (en termes de croissance, emplois), sociaux et environnementales. 

Feuille de route possible : La prise en charge des défis démographiques implique, entre autres, des choix stratégiques et des politiques ciblant l’espacement des naissances (dans le cadre d’une nouvelle politique de la famille et de la santé reproductive) et des améliorations au niveau de toutes les sources de croissance, y compris le capital et le travail et la qualité de la gouvernance. 

Les propositions dans ce sens sont les suivantes : 

(1) articuler une stratégie de développement provisoire pour la période 2023-2030 afin de donner au pays la visibilité économique vis- à vis des citoyens et des partenaires internationaux ; (2) établir des objectifs macroéconomiques crédibles pour 2024-2026 (croissance, inflation, finances publiques, balance de paiements, niveau des réserves internationales de change)  ; (3) entreprendre des réformes macro -structurelles pour renforcer la gestion macroéconomique (recouvrement des recettes, gestion des finances publiques, gestion de la dette, gestion de la liquidité, meilleures transmission de la politique monétaire) ; (4) mettre en œuvre des réformes structurelles ambitieuses pour améliorer le cadre des affaires, attirer l’investissement privé domestique et international et renforcer la gouvernance économique : (5) définir des nouvelles politiques sectorielles avec un focus sur l’agriculture, le manufacturier, les services et les secteurs sociaux et des investissements conséquents dans le numérique et le vert ; et (6) prendre des mesures pour accroître la taux de participation, notamment celui des femmes (17% pour les femmes et 64% pour les hommes en 2021). Parallèlement, il faut se doter de capacités techniques de suivi macroéconomique et de gestion des crises afin de pouvoir formuler des réponses aux chocs et aux développements économiques et financiers inattendus en temps opportun.  

 

Par Abdelrahmi Bessaha , Expert international

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