Les quatre leçons d’un scrutin pas comme les autres

02/04/2024 mis à jour: 00:30
AFP
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Des partisans du Parti républicain du peuple, ou CHP, se rassemblant devant l’Hôtel de Ville d’Ankara, le dimanche 31 mars 2024.

Les élections municipales en Turquie dimanche constituent le pire revers électoral du président, Recep Tayyip Erdogan, depuis l’accession au pouvoir de son parti islamo-conservateur, l’AKP, en 2002. Passées aux mains du principal parti de l’opposition il y a cinq ans, les deux plus grandes villes de Turquie, tenues par l’AKP (Parti de la justice et du développement) et ses prédécesseurs islamistes entre 1994 et 2019, ont vu leurs deux maires sortants réélus triomphalement dimanche. 

A Istanbul, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) du maire Ekrem Imamoglu a raflé 26 des 39 arrondissements (contre 14 en 2019), dont certains considérés jusqu’ici comme des bastions conservateurs en particulier l’arrondissement d’Usküdar où le chef de l’Etat a sa résidence. 
 

A Ankara, la capitale, le CHP a remporté 16 des 25 arrondissements, dont celui de Keçiören, le deuxième le plus peuplé qui était dirigé par l’AKP et ses prédécesseurs islamistes depuis 1994.   
 

Longtemps confiné dans l’ouest de la Turquie, notamment les provinces bordant la mer Egée et celle de Marmara, le CHP a fait une percée spectaculaire en Anatolie, raflant des villes tenues de longue date par l’AKP. Il conquiert Bursa, grande cité industrielle du Nord-Ouest, ou encore Adiyaman, ville du Sud-Est meurtrie par le tremblement de terre dévastateur de février 2023. «Malgré des règles du jeu inégales, les candidats du pouvoir ont perdu même dans des bastions conservateurs», souligne Berk Esen, politiste à l’université Sabanci d’Istanbul, pour qui le CHP a signé sa plus éclatante victoire en 47 ans. Si des candidats de l’AKP ont été élus largement dans certains de ses bastions, comme Trabzon et Rize (Nord-Est), d’importants arrondissements de ces deux provinces de la mer Noire ont basculé dans l’opposition.  
 

L’AKP concurrencé sur sa droite

La débâcle de l’AKP est aussi la conséquence d’une percée du Yeniden Refah, une formation islamiste qui s’est imposée comme la troisième force politique lors de ces municipales, avec 6,2% des voix au niveau national selon des résultats quasi définitifs. 


Des candidats du Yeniden Refah ont été élus à Sanliurfa (Sud-Est) et Yozgat (Centre), deux capitales provinciales qui étaient dirigées par des maires AKP. Mais le parti a aussi rogné des voix AKP dans nombre de provinces.
«L’issue de cette élection a été déterminée par le comportement de ceux qui continuent de commercer librement avec Israël et les meurtriers sionistes», a déclaré dimanche le chef du Yeniden Refah, Fatih Erbakan, qui avait tout au long de sa campagne dénoncé le maintien des relations commerciales entre la Turquie et Israël, en dépit de la guerre à Gaza.  


Refusant le mot de «défaite», le président Erdogan a reconnu un «tournant» pour son camp dans la nuit de dimanche à lundi. M. Erdogan, qui a affirmé début mars que ces élections municipales seraient «les dernières» organisées sous son autorité, a appelé ses troupes à l’«autocritique». 


Pour Gönül Tol, directrice du programme Turquie au Middle East Institute (MEI) à Washington, «la percée électorale du Yeniden Refah, qui s’en est mieux tiré que l’allié nationaliste d’Erdogan, le MHP (Parti d’action nationaliste), (...) pourrait faire évoluer les calculs d’Erdogan et lui faire remanier son alliance électorale». 

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