Dans le rayon réservé aux huiles de table de cette supérette située sur un des grands axes de la ville d’Oran, il restait seulement deux bidons de 4 litres hier, mais de qualité supérieure, donc plus chère. Une femme hésite avant de se décider à en prendre un, car ce n’est pas ce qui est recherché par les ménages pour la consommation courante. Il n’y a pas de pénurie à proprement parler, mais ce dérèglement est récurrent.
Rachid, le gérant, confirme. «C’est moi qui ai décidé de suspendre momentanément l’approvisionnement en huile de table, car s’en était trop, avec une affluence telle que mes vendeurs et vendeuses se faisaient carrément insulter par les clients», s’insurge-t-il face au climat de tension que son magasin a eu à subir lorsque l’on a décidé d’établir un système de vente équitable avec un seul bidon par client. Une véritable panique alimentée par des rumeurs amplifiées par les réseaux sociaux s’est emparée du marché.
«Si les clients se contentait d’acheter un bidon en fonction de leurs besoins, il y en aurait largement pour tout le monde, car je me fais livrer par les trois grands producteurs nationaux», explique-t-il, précisant qu’en plus des rumeurs, il y a ceux qui stockent dès maintenant en prévision des besoins supplémentaires liés au mois de Ramadhan, comme les sucreries qui voient leur consommation exploser durant cette période.
Sans parler des augmentations de prix qui ont touché pratiquement tous les produits, ici il faut également faire avec un autre dérèglement lié à l’indisponibilité sur les étals du lait en boîte. Toutefois le même gérant indique que ces dérèglements qui ont touché les produits de base n’ont pas impacté son activité, du moins pas encore. En effet, dans ce genre d’établissements où est proposée une très large gamme de produits, on a aussi affaire à une clientèle diversifiée.
«Mon activité et, par voie de conséquence, mon chiffre d’affaires ont beaucoup baissé avec toutes ces augmentations et tous ces dérèglements», confie Moussa, gérant d’un magasin d’alimentation générale situé à proximité d’une école primaire. «En ce moment, il y a une pénurie de lait en boîte et le lait en sachet que je me fais livrer tôt le matin part en l’espace de quelques minutes. Les gens qui accompagnent leurs enfants à l’école repartent en général avec un ou deux sachets et je peux vous dire qu’il n’y en a pas pour tout le monde vu la faible quantité qu’on me fournit», indique-t-il.
«Ici, ajoute-t-il, c’est un vrai commerce de proximité et si je n’ai pas de soucis avec mes clients, c’est que je prends le temps de leur expliquer le fait que nous sommes le dernier maillon de la chaîne commerciale et que, comme eux, nous subissons, nous aussi, les contrecoups des dérèglements et des augmentations. En effet, depuis le temps que je suis ici, je vois bien comment mes clients de condition modeste se résignent à consommer moins.
Par exemple, certaines marques de café qu’on pouvait acquérir pour 140 à 150 DA le paquet il y a peu, sont actuellement vendues à 190 DA et les autres ont largement dépassé la barre des 200 DA.» Dans ce genre d’établissements, ce n’est en général même pas la peine de demander de l’huile ces jours-ci.
Certains en ont mais d’autres pas et pour cause, nous explique-t-on : «Pour trouver de l’huile, il faut aller dans les supérettes, car ils se font livrer par les producteurs, alors que nous, nous nous approvisionnons chez les grossistes, mais là, vu le dérèglement, c’est en général le règne du ‘‘clientélisme’’ et moi, je m’abstiens de rentrer dans ces combines.»
Chacun ses spécificités, mais le commerce, c’est un service qui exige avant tout du profit. «J’ai de l’huile disponible et je la vends au même prix qu’auparavant, mais moi, je travaille au pourcentage, et donc si les prix augmentent, je n’aurais pas le choix, au risque de fermer boutique», explique cet autre gérant d’une supérette de moyenne importance donnant l’exemple du lait.
«En ce moment, avec ces histoires de subvention, il y a un problème avec le lait, mais il faut savoir qu’une hausse du prix du lait entraîne des augmentations pour tous les produits laitiers : yaourts, fromages, etc. D’ailleurs certains ont déjà commencé, à l’instar de cette marque de yaourts pour laquelle il faudra désormais débourser près de 7 DA supplémentaires le pot, ou celle de fromage qui a augmenté de 200 DA le prix de la barre, qui était fixé auparavant à 1600 DA.»
Pour ce commerçant, l’impact sur son activité n’est pas pour le moment très perceptible, car les consommateurs aussi n’ont pas d’autres choix que de continuer à acheter quitte à sacrifier certains achats moins nécessaires que la nourriture. «Si un client vient, dit-il, demander un produit et que je lui réponde que je n’en ai pas à cause d’une pénurie, vous conviendrez bien que c’est un manque à gagner, mais nous ne pouvons qu’espérer que les choses finiront par rentrer dans l’ordre.»