Le destin des forces palestiniennes en lutte contre l’occupant israélien, implantées depuis longtemps en Syrie, se pose avec beaucoup d’insistance.
De nombreuses questions se posent après la chute du régime de Bachar Al Assad dans un Proche-Orient en pleine recomposition. Celle concernant la Palestine est au cœur de ces questionnements. Analystes et experts en questions géostratégiques s’efforcent, depuis dimanche, d’apporter des réponses avec beaucoup de retenue, buttant notamment sur l’ampleur d’un événement – historique – marquant un basculement majeur aux conséquences improbables pour toute la région du Proche-Orient.
«Derrière la liesse qui envahit beaucoup de gens (en Syrie, ndlr) se cachent des questions très complexes et des préoccupations politiques, économiques et sociales légitimes», écrit Walid Abdel Hay, professeur jordanien en sciences politiques, dans une contribution publiée, hier, sur sa page Facebook.
Il plante, sans détours, le décor, en remettant la question de la résistance palestinienne au centre des événements qui phagocytent, présentement, le pays du Levant. Pour lui, l’avenir des forces palestiniennes en lutte contre l’occupant israélien, implantées depuis longtemps en Syrie, se pose avec beaucoup d’insistance.
Il s’agit, notamment, des forces politiques que représentent le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), le Fatah Al Intifada, le Jihad islamique et la branche syrienne des factions armées du Hamas.
Le nouveau régime en gestation, sous la coupe de Hayat Tahrir El Sham (HTS), d’Ahmed El Charah, alias El Jolani, «finira-t-il par les liquider ou leur demandera-t-il de continuer leur résistance ?» s’interroge Walid Abdel Hay. Autres questions centrales : «Le nouveau régime sera-t-il favorable à une normalisation avec Israël ou se prononcera-t-il contre ?»
«Se déterminera-t-il sur l’annexion du Golan à Israël et fondera-t-il son approche sur cette position, ou acceptera-t-il d’échanger le Golan occupé contre l’abandon de la Palestine, comme l’a fait l’Egypte de Sadat en récupérant le Sinaï en contrepartie du renoncement à la question palestinienne ?» Walid Abdel Hay revient, aussi, sur le discours triomphant du patron de HTS dimanche, à la mosquée des Omeyyades, haut lieu symbolique de l’islam sunniste au Levant, qui vient de prendre le dessus sur la minorité alaouite (branche d’un chiisme longtemps examiné et adoubé par les Orientalistes).
«Pourquoi le Golan est-il absent dans le discours d’Ahmed El Charah, prononcé dans la mosquée des Omeyyades, et quelle en est la signification ? Les nouvelles forces en Syrie suivront-elles les bureaux du Mossad à Doha et au Caire pour faire pression sur la résistance en vue d’un règlement aux conditions israéliennes, ou resteront-elles aux côtés de la résistance et la soutiendront-elles ?» devait-il ajouter.
Plaçant le curseur au nord-est de la Syrie, Walid Abdel Hay pose également la problématique de «l’entité kurde» qui, selon lui, risque très fortement d’attiser le conflit entre la Turquie et les indépendants du PKK. «Le nord de la Syrie est une base arrière du Parti des travailleurs du Kurdistan turc (PKK), qui combine des tendances gauchistes et nationalistes et qui lutte contre l’Etat turc depuis sa création en 1978.
Le PKK a aussi des liens avec le Parti démocratique du Kurdistan en Irak et avec l’Iran», fait-il encore rappeler. Et d’ajouter : «Comment le nouveau régime syrien considérera-t-il le mouvement d’indépendance kurde dans le nord de la Syrie ? Se rangera-t-il du côté de la Turquie pour paralyser ou liquider le mouvement d’indépendance kurde ?»
Poussant la réflexion plus loin, l’expert jordanien met en avant l’aspect religieux d’un confli intercommunautaire imbriqué et des plus complexes. «Le système politique sera-t-il islamiste, laïque ou démocratique ?
Les organisations d’opposition se mettront-elles d’accord sur la forme du système politique, d’autant plus que les différences entre elles sont très fortes et même contradictoires, puisqu’elles comptent parmi leurs principales forces l’Armée libre syrienne (ASL) – plus proche de la laïcité –, HTS (organisation islamiste ayant des racines dans Daech et Al Qaïda) et le mouvement séparatiste kurde (d’extraction communiste) ?» enchaîne-t-il.
Dynamiques géopolitiques du Proche-Orient
A ce sujet, l’expert souligne que ces entités sont des organisations militaires, «ce qui veut dire qu’un différend politique entre elles peut facilement se transformer en conflit armé».
Signalons que la chute de Bachar Al Assad, passé lui et sa famille sous la protection des Russes, marque une étape majeure dans l’histoire récente de la Syrie et dans les dynamiques géopolitiques du Proche-Orient. Après plus de dix ans d’un conflit meurtrier, plusieurs facteurs ont convergé pour fragiliser le régime d’Al Assad.
D’abord l’affaiblissement des soutiens : la Russie, l’Iran et le Hezbollah ont vu leurs capacités diminuer face à des pressions internes et externes, sur fond d’institutions syriennes délabrées. Ensuite, le changement des équilibres régionaux : la Turquie (rêvant d’un nouveau empire ottoman) a pris une posture plus offensive, accélérant les changements stratégiques.
Ce qui demeure sûr, c’est que la chute d’Al Assad est un rappel puissant des réalités dynamiques de la géopolitique. Les semaines à venir seront, sans nul doute, décisives pour comprendre l’impact de ce bouleversement sur la Syrie, la région et l’ensemble du monde.
Dans cet imbroglio, il est clair qu’Israël et la Turquie apparaissent comme les principaux bénéficiaires. Le régime sioniste semble clairement déterminé à maintenir la Syrie dans un état de chaos, comme en témoignent les récents bombardements israéliens.
On continue d’ailleurs à s’interroger comment un régime (d’Al Assad) aussi ancré dans la région ait pu être balayé en un laps de temps aussi court, si les Etats-Unis n’avaient pas préparé de longue date un stratagème de nature à amplifier un désordre qui lui permettra, avec l’aide de son allié structurel, Israël, de reprendre en main le destin du Proche-Orient. Le bombardement de l’espace syrien où des factions ne leur convenaient pas, n’est pas le fruit du hasard.
La promptitude et la précision de la réaction israélienne, en plus de la neutralisation du Hamas et du Hezbollah, expliquent la continuité d’un dessein planifié. Le moment est d’autant plus choisi que la Russie se trouve encombrée dans sa confrontation avec l’Ukraine.