Dans une allocution devant l’Assemblée générale, Antonio Guterres estime que l’année 2023 a débuté avec, «dans notre ligne de mire, une convergence de défis jamais vus de notre vivant». Et de mettre au premier plan de ses soucis la guerre en Ukraine, dont les perspectives ne cessent de se réduire et «les risques d’une escalade et d’un carnage supplémentaire ne cessent d’augmenter». Le SG de l’ONU, dans une posture très pessimiste, craint que le monde ne s’avance «en somnambule ou les yeux grands ouverts vers une guerre plus large». Il s’inquiétera d’autres menaces à la paix, comme le conflit israélo-palestinien, l’Afghanistan, la Birmanie, le Sahel ou Haïti. Il ne citera pas les autres foyers de tension, comme la Chine et les Etats-Unis à propos de Taïwan, les deux Corées et la menace nucléaire jamais autant invitée dans les débats médiatiques que depuis la crise de Cuba en 1962. Et c’est vrai, jamais depuis la chute du mur de Berlin, le monde n’aura connu une situation conflictuelle aussi relevée que depuis le début de la guerre en Ukraine il y a une année. La situation à laquelle arrive aujourd’hui la planète a des similitudes avec l’histoire récente, prélude à la seconde conflagration mondiale : des parties radicales qui font entendre les bruits de bottes au lieu de promouvoir les appels à la paix par la négociation et la conciliation. Faute de promesses non tenues par la communauté internationale et particulièrement l’OTAN à la fin de la guerre froide, la Russie a envahi une partie du territoire ukrainien et a été mise au banc des accusés par les pays occidentaux, qui lui imposent depuis un an le gel de ses avoirs dans les banques étrangères, de lourdes sanctions économiques et un isolement sur la scène internationale. Depuis peu, les Etats-Unis et l’Europe ont franchi un pas supplémentaire dans l’escalade en mettant des dizaines de milliards de dollars et des armes sophistiquées au service de l’Ukraine en guerre. Que dire d’une telle surenchère va-t-en-guerre sinon qu’elle sert des intérêts bien définis.
Les USA vendent leur gaz de schiste et leur pétrole à l’Europe à un prix supérieur, font fonctionner de nouveau leur complexe militaro-industriel, compensent sur le marché international les pénuries de céréales en plaçant leurs productions de blé, d’orge et de maïs. L’Amérique de joe Biden est sans conteste celle qui profite le plus des conséquences du conflit et met de l’huile sur le feu pour accélérer l’intensité de la guerre, l’affaiblissement et l’isolement de la Russie. Au fil des pressions diplomatiques, les Etats-Unis ont aggloméré contre cette dernière un ensemble de pays européens et dont nul d’entre eux, pour le moment, n’appelle à des négociations pour faire taire le langage des armes.
Poutine n’a eu de cesse d’accuser les gouvernements de l’Union européenne de «cobelligérants» et de faire naître l’idée d’une réplique légitime contre un pays de l’OTAN si la Russie venait a être attaquée. Les observateurs estiment que le chef du Kremlin fait fortement allusion à la Pologne voisine, qui joue le rôle de plaque tournante dans l’acheminement de l’armement destiné aux forces ukrainiennes. Pourtant, la guerre en Ukraine pour la conquête de la Crimée a débuté en 2014. Pourquoi donc ce regain d’attention euro-américaine depuis une année, s’interrogent des observateurs politiques avisés.
La situation demeurera sensible tant que la scène internationale restera sous perfusion par les pressions américaines appliquées sur ses alliés de l’Europe et du reste du monde.
Il y a peu, un ballon, voguant dans la stratosphère envoyé par la Chine et qui a parcouru en largeur le territoire des Etats-Unis, a créé une crise diplomatique entre les deux pays. Des menaces sont proférés de part et d’autre. Au premier contact avec l’administration américaine, les Chinois avaient laissé entendre que le ballon avait une mission d’étude météorologique, ce qui n’a pas empêché l’armée américaine de l’abattre. Dans une interview donnée à une chaîne de télévision française lundi soir, l’ambassadeur de Chine en France n’y est pas allé par quatre chemins pour dire que la Chine se réservait le droit de répliquer, faisant allusion aux nombreux engins américains qui traversent le ciel chinois «sans que nous n’en faisions un tapage médiatique, ni ne les abattions».
La diplomatie décomplexée de la Chine
Cette «promenade» du ballon chinois au-dessus des Etats-Unis a vite été qualifiée «d’acte irresponsable à la veille de ma visite», a déclaré le chef du département d’Etat américain Joe Blinken. Le diplomate chinois stoïque, inébranlable aux questions pièges et à la limite de l’agressivité qui lui sont posées, s’exprimant dans un bon français au déroulé lent et mesuré, a démenti que le responsable américain ait été invité à venir en visite officielle dans son pays. D’ailleurs, cette prétendue visite «ne tombe pas au bon moment», car, dit-il, l’administration américaine travaille militairement et économiquement contre les intérêts de la Chine. Et également les Américains «ont augmenté la dotation financière et militaire à Taïwan». La Chine, a-t-il dit, dans un lexique diplomatique clair et direct, a fait plusieurs interventions pour demander aux Etats-Unis de «cesser leurs actions anti-chinoises, mais tous nos efforts sont réduits à néant. Les USA disent une chose et font le contraire…» L’île de Taïwan a été le siège constant d’une tension pluridécennale entre les Etats-Unis et la Chine, et est accentuée depuis peu par des visites de parlementaires américains et particulièrement depuis la virée inattendue dans l’île de Nancy Pelosi, membre influente du Parti démocrate et présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis, qui est venue exacerbée la tension sino-américaine au mois d’août dernier. «Taïwan est une affaire intérieure à la Chine», a expliqué l’ambassadeur. Il n’y aura pas d’invasion à Taïwan, a-t-il soutenu sur le plateau de la télé française, «car Taïwan est une province de la Chine. Nous, nous privilégions une réunification pacifique. Le peuple et le gouvernement sont résolus à réunifier la patrie par tous les moyens. Toutes les options sont sur la table. Si les tentatives ne sont pas pacifiques, nous aurons recours à des moyens non pacifiques». A la question de savoir quels seront ces moyens non pacifiques, l’ambassadeur a répondu sèchement et directement : «Ces menaces va-t-en-guerre des Américains ne nous font pas peur. Si les Américains déclenchent quoi que ce soit, nous répliquerons avec force. Nous réunifierons la patrie avec tous les moyens et toutes les options.»