Les campagnes de sensibilisation contre le gaspillage de divers produits, à commencer par l’eau, se sont multipliées ces derniers temps et ont impliqué de nombreux acteurs institutionnels et de la société civile.
S’il est toujours louable de lancer des initiatives afin de réhabiliter les bons réflexes individuels et collectifs, il n’en demeure pas moins qu’elles peuvent présenter les limites d’un traitement symptomatique à un problème dont les causes demeurent toujours posées.
En vérité, le souci de la rationalisation de la consommation existe chez chaque citoyen, mais il est prioritairement lié à sa capacité à faire face à la dépense.
Si le montant de la facture qui arrive à chaque échéance reste supportable, les appels à refréner l’utilisation de la ressource hydrique ne seront qu’une sorte de coup d’épée dans… l’eau.
La question de la sous-tarification tous azimuts est en fait totalement oubliée. Et l’on n’a presque plus souvenance des indications confiées naguère par les responsables locaux de l’ADE sur les coûts de production de l’eau.
A plus forte raison dans une région au relief véritablement tourmenté, comme la Kabylie, où les installations électriques prédominent dans les ouvrages hydrauliques pour acheminer l’eau jusqu’aux villages et aux foyers.
Des universitaires ont établi le diagnostic, qui coule de source, depuis de nombreuses années : «Les tarifs à la consommation, inférieurs au prix de revient de l’eau, encouragent le gaspillage de la ressource et sa dissipation.»
Il n’est pas en effet évident pour les pouvoirs publics d’agir sur ce plan tout en ayant la préoccupation première de préserver le «caractère social de l’Etat».
L’attentisme dans certains dossiers peut cependant produire l’effet contraire à celui escompté. Gaspillée et dissipée, ou devenue rare en raison de la défaillance des réseaux d’AEP, l’eau est vendue à 2000 DA les 3 mètres cubes par le biais d’une activité commerciale illicite. Le ballet incessant des citernes tractées dans les villages est un phénomène qui n’est pas près de disparaître.
Le même scénario est observé pour un autre produit aussi sensible, le pain. Alors qu’il est fixé ou toléré à 10 DA, le prix est porté au double dans les boulangeries par quelques artifices adoptés pour rentabiliser le commerce. En dépit de cela, la litanie sur le gaspillage du pain pendant le Ramadhan ou le reste de l’année ne s’est toujours pas estompée.
La situation était si désespérée que des associations environnementales ont prévu des bacs pour «pain rassis» dans leur système de collecte des déchets ménagers. C’est en réalité une sonnette d’alarme qui n’a été que très faiblement perçue.
Le débat sur les subventions ciblées est au point mort, vu la complexité du dispositif national devant être mis en place à cet effet. Egalement subventionnés, les carburants connaissent aussi une surconsommation rarement vue dans d’autres pays.
La contrebande aux frontières, du temps où elles étaient totalement ouvertes, et l’engorgement chronique sur les routes sont les quelques effets du soutien public à un produit qui n’est pas vital mais rendu nécessaire par la faiblesse des transports.
La densification de l’importation des «véhicules de tourisme» n’est pas la meilleure direction à prendre à un moment où il faut mettre à niveau le réseau routier et les chemins de fer, réorganiser et moderniser les transports en commun.