Après l’attaque contre un bateau de transport de passagers et d’une base militaire, faisant plus d’une soixantaine de morts, et le siège de Gao par des groupes terroristes d’El Qaïda, l’armée malienne reconnaît avoir fait l’objet d’une attaque armée qui a coûté la vie à cinq soldats, causé des blessures à une vingtaine et onze autres portés disparus. Une attaque revendiquée par les rebelles de l’Azawad. La situation au Nord-Mali s’enlise et risque de devenir une véritable poudrière si la voie du dialogue avec les rebelles de l’Azawad ne prime pas sur celle du tout-sécuritaire.
Les forces armées maliennes ont fini par reconnaître des pertes dans leurs rangs, lors de l’attaque menée contre deux camps militaires à Léré, au sud-ouest de Tombouctou, revendiquée par des groupes rebelles de l’Azawad et imputée à des «groupes terroristes». Dans son communiqué diffusé au début de la soirée de lundi dernier, l’état-major général des armées a annoncé un bilan de cinq morts, vingt blessés et onze soldats portés disparus.
«Les Forces armées maliennes ont réagi à une attaque complexe des terroristes à bord de véhicules et de motos, contre le camp du groupement de la Garde nationale et celui de l’Armée de terre respectivement au centre et à la périphérie de ladite localité (NDLR : Léré) et, conformément à leurs missions, ont dans leur riposte priorisé la protection des populations civiles prises en étau pendant les intenses combats de rue.
Les forces aéroterrestres ont été déployées en appui, y compris des frappes aériennes de précision», lit-on dans le communiqué qui avance un bilan de «5 morts, 20 blessés et 11 disparus parmi les militaires, des dégâts matériels en cours d’évaluation, y compris un avion d’appui feu ayant fait un atterrissage forcé dont l’équipage est recherché».
Du côté des assaillants, le communiqué fait état de «7 corps abandonnés dans le camp de l’Armée de terre, 8 véhicules détruits, dont certains équipés d’armes lourdes avec des occupants, estimés à une trentaine, neutralisés, et plusieurs blessés évacués» et précise que «les frappes aériennes ont visé plusieurs zones».
Un jour auparavant, les éléments rebelles de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) avaient revendiqué cette attaque, en diffusant de nombreuses vidéos sur les réseaux sociaux, en annonçant avoir «causé d’importantes pertes humaines dans les rangs militaires et abattu un avion de l’armée malienne» et niant «avoir été chassés par les renforts» mais avoir «quitté les lieux» d’eux-mêmes.
Cette attaque intervient, moins d’une semaine après celle menée le 12 septembre dernier, contre les forces armées maliennes à Bourem, une ville garnison. Elle a été revendiquée par le CSP-PSD (Cadre stratégique permanent), une coalition de mouvements rebelles du Nord, dont fait partie la CMA, en la présentant comme une action «anticipative» contre l’armée malienne qui a permis le «contrôle du camp et des différents postes avancés» et «fait prisonniers des dizaines de soldats».
L’organisation a évoqué «d’intenses combats», avant le «retrait» des assaillants. De son côté, l’armée malienne a affirmé, dans un communiqué, avoir «repoussé une attaque complexe impliquant des voitures piégées qui a fait dix morts et treize blessés parmi les soldats, tandis que 46 ‘‘terroristes’’ ont été tués». Dans la même journée, l’aéroport de Tombouctou a fait l’objet de tirs d’armes lourdes, sans faire de victimes.
Le retrait des casques bleus est une aubaine pour Al Qaïda et Daech
Une attaque revendiquée par le groupe terroriste Jenim, affilié à Al Qaïda, qui s’est également approprié deux autres actes plus sanglants, ayant ciblé le navire Tombouctou, de transport fluvial de passagers, sur le fleuve du Niger, à Gourma-Rharous, entre Tombouctou et Gao, et une base militaire, à Bamba au nord de Gao, faisant au moins 64 morts, dont 49 civils et 16 militaires.
Il faut dire que depuis l’entame du retrait brusque des forces de la Minusma (Mission des Nations unies pour le Mali), à la demande des putschistes qui ont pris le pouvoir à Bamako, à la suite d’un coup d’Etat militaire en mai 2021, la situation sécuritaire au nord du pays s’est gravement détériorée.
Les Casques Bleus, qui garantissaient le respect et l’exécution de l’Accord d’Alger, signé en 2015, par les différents mouvements rebelles de l’Azawad, avaient pris le contrôle de nombreuses régions stratégiques, privant les groupes terroristes de larges territoires qu’ils avaient investis durant plus d’une décennie.
L’abandon de ces postes stratégiques, sans coordination avec les mouvements de l’Azawad, et le recours par l’armée malienne aux armes, les 3 et 12 juillet 2023, respectivement à Foita et Ber, au nord du Mali, a compliqué la situation. Les organisations de l’Azawad faisant partie de la CMA et du CSP ont, dès les premières confrontations avec l’armée malienne, dénoncé ce qu’elles ont qualifié de «violation» de l’Accord d’Alger par celle-ci, notamment les points liés à la sécurité. L’avancée des troupes maliennes, dans le Nord, n’a pas été sans dégâts.
Des combats avec les groupes signataires de l’Accord d’Alger se sont multipliés et les bilans en perte de vies humaines de plus en plus lourds. Les appels des rebelles à l’«unification des rangs pour faire face à l’avancée des forces maliennes» se sont multipliés, alors que les groupes terroristes, profitant de la dégradation de la situation sécuritaire, se sont emparés de la ville de Gao, assiégée depuis plusieurs jours, puis ont contrôlé de nombreuses localités, à Tombouctou, à Bourem et dans d’autres régions du Nord, ciblant aussi bien les civils que les militaires ainsi que les groupes de rebelles.
Ces derniers ont maintes fois appelé Bamako à rouvrir les voies du dialogue pour exécuter l’Accord d’Alger, mais une partie des militaires putschistes, privilégiant la voie des armes, s’oppose à toute négociation.
La CMA a, dès le début des affrontements avec les forces armées maliennes, déclaré publiquement qu’elle «réagira» en «légitime défense contre les forces de la junte». Depuis, les combats se sont intensifiés et les bilans avancés par les deux parties divergent mais restent très lourds.
Ce qui, pour bon nombre d’experts, fait craindre le pire : le retour à l’insurrection armée doublé d’une avancée considérable d’Al Qaïda et de l’Etat islamique qui se disputent le contrôle du nord du Mali.
Aujourd’hui, le Mali a plus besoin d’unifier ses rangs contre les terroristes et non pas contre les représentants du Nord qui se sont engagés dans un processus de paix et de réconciliation et qui, de surcroît, ont exprimé leur volonté à revenir à la table des négociations, pour faire front contre les hordes intégristes qui constituent une lourde menace pour le Mali et qui risquent d’emporter toute la région.Actualité