Dans son dernier roman, intitulé Les gens du peuplier, l’écrivain, cinéaste et journaliste Arezki Metref continue de triturer la chronologie des souvenirs et de livrer, avec un regard d’enfant, des lieux communs d’une mémoire collective algérienne très contemporaine, prolongés par une success-story improbable, sortie de l’imaginaire d’un cinéphile assidu.
Publié récemment aux éditions Casbah, ce roman de 233 pages reconstitue principalement la vie d’une partie des Algériens, entre 1958 et le recouvrement de l’indépendance, avant de construire, sur ce capital, une suite dans des studios hollywoodiens. L’auteur relate l’histoire de Boubekeur Atamar fraîchement arrivé dans cette cité en 1958, à l’âge de six ans, et qui se retrouve scolarisé dans un établissement partagé à parts égales avec les soldats de l’armée coloniale. Une situation des plus inhabituelle qui va nourrir l’imaginaire des enfants de la cité, qui vont, chacun à sa manière, s’inscrire dans une résistance à l’ordre établi.
Dans cette école, refuser de se plier aux injonctions des militaires était perçu comme un acte héroïque digne des moudjahidine, alors qu’exécuter les corvées imposées par les soldats était proche de l’acte de trahison pour ces enfants. La cité du Peuplier est également un livre ouvert sur une période de l’histoire de l’Algérie du temps de la colonisation, à travers les petits récits de chacune des familles, comme celle de Boubekeur Atamar, dont le père a perdu femme et enfants dans des bombardements de représailles aux manifestations du 8 Mai 1945. Par le prisme d’une nouvelle famille arrivée à la cité, l’auteur propose également aux lecteurs de plonger, à travers le destin de Aïcha et de sa famille, dans la condition des Algériens dans les fermes des colons, avant et après le déclenchement de la guerre de Libération nationale.
Après une succession de personnages drôles et attachants et d’anecdotes souvent liées au monde du 7e art, Boubekeur Atamar se retrouve boursier dans une école de cinéma en ex-Union soviétique, s’installe un moment en France, avant d’atterrir dans un studio hollywoodien en tant que script. Ses origines, sa culture, ses lectures et son imaginaire façonnés par les histoires de Zampano, de Omar, le «Homère» de la cité des Peuplier, du boucher philosophe Bouftika, et par les milliers d’heures passées devant le grand écran, vont lui faire connaître une gloire dont il n’a jamais osé rêver.
Journaliste, écrivain, dramaturge et documentariste, Arezki Metref a publié son premier roman Quartiers consignés en 1996, suivi de Douar, une saison en exil (2006), de Roman de Kabylie (2010) et de Rue de la nuit (2020) dont l’univers et certains personnages se retrouve dans cette dernière œuvre. En plus de plusieurs recueils de poésie, il a également écrit plusieurs pièces de théâtre dont Priorité au basilic (1997), L’amphore (2002) ou encore L’agonie du sablier (2003). En tant que réalisateur, Arezki Metref a signé le documentaire At Yani, paroles d’argent en 2013, le reportage Le plateau de la pluie, ainsi que le documentaire Une journée au Soleil sorti en 2018.