L’Inspection générale de la présidence de la République (IGPR) mène, depuis le 27 février, sa première mission de contrôle au niveau des Douanes. Parmi les dossiers que les agents de l’IGPR auront à passer au crible, l’on peut citer le projet d’un nouveau système d’information des douanes qui tarde à voir le jour, la non-promulgation de nombreux textes d’application du nouveau code des douanes et la question du recouvrement des droits et taxes douanières.
L’Inspection générale de la présidence de la République (IGPR), tout récemment installée, a déjà entamé son travail, a-t-on appris de sources sûres. L’IGPR mène ainsi sa première mission au niveau des Douanes. Le choix de cette institution est loin d’être fortuit. Les Douanes ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières années en raison de divers problèmes de gestion. Si l’Inspection générale de la présidence de la République débarque aussi rapidement chez les Douanes, c’est qu’elle a reçu de mauvais signaux émanant de cette institution en charge de la protection de l’économie nationale.
Selon nos sources, parmi les points sur lesquels est en train d’enquêter l’IGPR, il y a le retard accusé dans la mise en œuvre du système d’information des Douanes, qui devait être initialement opérationnel en janvier 2021. Ce système, sur lequel est basée toute la stratégie de modernisation des Douanes, est toujours dans la phase de conception.
Composé de 15 modules, il devait remplacer le Système d’information de gestion automatisée des Douanes (Sigad), datant de 1995. Mais jusqu’à présent, la conception de certains de ses modules n’a pas encore commencé et ses premières fonctionnalités, qui devaient être lancées au premier trimestre de 2020, ne sont toujours pas opérationnelles.
Le 14 juin 2020, le directeur général des Douanes, Noureddine Khaldi, avait annoncé l’entrée en service de ce nouveau système informatique en 2022. Mais voilà qu’à la fin du premier trimestre 2022, ce nouveau système, développé en partenariat avec les Sud-Coréens pour un coût global de 24 millions de dollars, n’est toujours pas fonctionnel.
Les équipements sophistiqués et ultrasensibles, importés de Chine pour les besoins de ce projet et livrés depuis longtemps, subissent un processus de dégradation dans les lieux de stockage des Douanes à cause de divers facteurs climatiques.
A cela s’ajoute le risque que ce matériel devient désuet avant même son utilisation en raison de l’incessante et rapide évolution technologique dans ce domaine. Certaines sources estiment même que ces équipements ne répondent plus aux exigences technologiques requises. Ainsi donc, plus de trois ans après son lancement, le projet d’un nouveau système d’information, auquel aspirent les hautes autorités du pays pour amorcer une véritable numérisation de l’économie nationale, tarde à être concrétisé.
Ce retard pèse lourdement sur les efforts de l’Etat à aller vers la numérisation. D’ailleurs, lors de l’ouverture de la 2e édition de la Conférence nationale des start-up «Algeria Disrupt 2022», le 5 mars courant, le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, a insisté sur la numérisation du commerce extérieur pour un meilleur contrôle et pour plus de transparence. Pour concrétiser cela, le système d’information des Douanes devient plus que primordial.
Textes d’application
Autre point sur lequel devra se pencher l’IGPR, c’est le nouveau code des Douanes, qui attend toujours les textes d’application, cinq années après sa promulgation. Le 26 janvier 2021, le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, avait pressé l’administration douanière à veiller à la mise en conformité rapide des textes réglementaires avec le nouveau code des Douanes, afin d’inscrire pleinement cette activité dans la légalité et la transparence. Depuis, rien n’a changé.
Plus de 80% des articles couvrant l’activité douanière sont en attente de promulgation. Sur 45 décrets exécutifs, 10 seulement ont été publiés. Sur trois arrêtés interministériels prévus par ce nouveau code des Douanes, un seul a été promulgué.
Aussi, sur 31 décisions de la direction des Douanes, 27 attendent toujours d’être signées. Et sur 104 articles, 86 attendent également la promulgation. Pourtant, il y a urgence, dans la mesure où les dispositions transitoires qui étaient prévues pour deux années sont arrivées à échéance. L’absence de ces textes d’application n’est pas sans conséquences sur l’activité douanière qui, de par son importance stratégique, exige un parfait encadrement par des dispositions juridiques et réglementaires. Toute défaillance dans ce sens pourrait générer des situations défavorables aux intérêts économiques du pays.
L’IGPR devrait également passer au crible le travail relatif au recouvrement des taxes et droits douaniers. La direction des Douanes, faut-il le souligner, a lancé en mars 2021 une opération de révision des déclarations douanières enregistrées durant les dix dernières années. Le but était de s’assurer que le recouvrement s’est effectué correctement.
Pour ce faire, trois réunions ont d’ailleurs été tenues entre août et décembre 2021. Des sources nous ont affirmé qu’une quatrième réunion est en cours de préparation. Mais d’emblée, cette opération, en cours depuis une année et qui a touché plusieurs produits, ne semble pas avoir obtenu, du moins pour le moment, les résultats escomptés. Bien au contraire. Le niveau de recouvrement des droits et taxes sur les opérations actuelles n’a pas dépassé 0,05%, ont précisé nos sources.
L’IGPR, qui a commencé sa mission au niveau des Douanes le 27 février, dispose de larges prérogatives de contrôle, qui s’étendent jusqu’à l’application de la législation et de la réglementation régissant le fonctionnement des institutions de l’Etat et les organismes publics. Sa mission sera sanctionnée par un rapport qui sera remis au président, Abdelmadjid Tebboune.