L’écrivain Saâd Saïd a signé son roman intitulé Les Tranchées de l’imposture, à la Librairie du Tiers-Monde – place Emir Abdelkader –, à Alger, le 12 mars, après-midi.
Saâd Saïd, 68 ans, journaliste, traducteur de formation, après Parfums d’une femme perdue paru aux éditions Thala (2010) et Les rescapés de Pula, revient avec un nouveau roman, Les tranchées de l’imposture paru chez les éditions Dar El Othmania où il rend hommage aux milliers de combattants algériens morts pour défendre la France durant la Seconde Guerre mondiale.
Le pitch du roman Les Tranchées de l’imposture de l’auteur Saâd Saïd ? Des dizaines de milliers d’algériens ont combattu pour la France, la puissance coloniale durant la Première et la Seconde Guerre mondiale. Ils se sont illustrés dans de débarquement de Provence. Partis pour effectuer le service militaire ou enrôlés dans le cadre de la mobilisation générale, ils sont entraînés dans la guerre qu’ils découvrent dans toutes ses atrocités. Souvent envoyés en première ligne dans les sections d’assaut, les soldats «indigènes» paieront un tribut bien plus lourd que ceux de la Métropole. Ils vont vite découvrir l’horreur de la guerre.
Dans les postes les plus exposés, ils s’habituent à voir des visages brûlés par les gaz, des corps amputés et des tranchées remplies de corps, couverts de sang, de boue... Dans la préface de cet ouvrage, l’auteur Abderrahmane Mekhelef introduit : «Avec ce roman, Saâd Saïd, nous livre un récit poignant des dures épreuves vécues par les Algériens durant la période ayant précédé et suivi la Seconde Guerre mondiale…Des centaines de milliers d’Africains, notamment des tirailleurs algériens et les Tabors marocains, ont été jetés (dans une guerre) pour sauver l’honneur de la France…» Le livre commence par une date : novembre 2003, à l’aéroport d’Alger. Et puis, ce fut le flash-back. Le retour vers un passé douloureux, meurtri et mortifère.
Sidi Bouzid, à Sétif. Un été «42»
Au douar Sidi Bouzid, à Sétif. Un été «42». Une saison infernale. Ali, un jeune paysan pris dans un engrenage. Ballotté entre le colonialisme, la vassalité des caïds inféodés à l’indu occupant, les témoignages des anciens combattants algériens de retour dans leurs foyers, le 11 novembre 1918, l’Armistice, les victimes collatérales de la Première Guerre mondiale (1914-1918), ayant des séquelles post-guerre (maladie due au gaz de combat, notamment le gaz «moutarde»…). Entre les mariages forcés, l’indigence, l’expropriation des terres, les exactions et même l’effet «Crémieux».
Le décret Crémieux (du nom d’Adolphe Crémieux) est le décret n° 136 qui attribue d’office en 1870 la citoyenneté française aux «Israélites indigènes» d’Algérie, c’est-à-dire aux 35 000 juifs du territoire 1. Il est complété par le décret n° 137 portant «sur la naturalisation des indigènes musulmans et des étrangers résidant en Algérie» : pour ce qui les concerne, la qualité de citoyen français n’est pas automatique puisqu’elle «ne peut être obtenue qu’à l’âge de vingt et un ans accomplis» et sur leur demande. Et puis, le héros du roman, Ali, est mobilisé, de force, dans une autre guerre.
Pas celle dont il rêve, de libération. Bien qu’il pense au combat noble et juste du père de l’Etat algérien, l’Emir Abdelkader. Mais dans une autre guerre universelle, contre le nazisme, la Seconde Guerre mondiale. Ali embarque depuis le port d’Oran. Pour le «D-day» des Nord-Africains notamment Algériens, le débarquement d’août 1944 à Saint-Tropez. Le RTA, le Régiment des tirailleurs algériens. Et qui vont libérer la ville de Marseille.
Et ils libéreront, avec les résistants français, la cité phocéenne et ils déferont les Allemand. Alors que la foule scandait : «Vive Leclec !», ces soldats chantaient : «C’est nous les Africains/qui arrivons de loin/venant des colonies/pour sauver la patrie.»
Ils avaient libéré Marseille
Plus loin, ils préciseront avec la fleur au fusil, la lueur d’espoir de l’indépendance : «Nous sommes des Algériens pas des Français, notre pays, c’est l’Algérie, seulement nous servons dans l’armée française en tant que colonisés, nous espérons qu’après on nous laissera tranquilles…» Mais ce fut tout à fait le contraire pour le soldat Ali. Ce «vétéran» ayant libéré Saint-Tropez, Toulon et Marseille. Un drôle et étrange destin d’un soldat débarquant du front anti-nazi. Il assistera aux massacres du 9 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherata à l’issue d’une marche pacifique.
C’est le début d’une autre guerre qui couve. Cette fois-ci, c’est contre l’armée pour laquelle il a combattu les Allemands. La guerre de Libération nationale… Le récit Les Tranchées de l’imposture s’achève à Tébessa, en novembre 2003, en Algérie indépendante. «Ces Algériens mobilisés dans l’armée française étaient des réservistes…Ils étaient en première ligne. C’est un hommage à tous les Algériens qu’on a enrôlés de force et qu’on a envoyés en première ligne. Mon père m’avait raconté qu’ils (les tirailleurs maghrébins et africains) avaient fait 2000 prisonniers allemands en une seule nuit.
Quand il m’a retracé cela, j’avais la chair de poule. En leur promettant monts et merveilles. Si la France est libérée, on s’occupera de vous de toute façon…Et finalement, quand ils sont revenus, c’était les massacres de 1945. Alors qu’il y avait une atmosphère de fête mondiale. Il faut relever cela. On avait défait les Nazis. C’est dans ce contexte-là. On découvrait le vrai visage de la France. Alors que c’était une marche pacifique.
Ces combattants algériens, il faut saluer leur courage. Lors de la Seconde Guerre mondiale. Vous savez, lors du débarquement à Saint-Tropez, il y eut 1000 morts. Donc, ils pensaient avoir fait un grand pas pour la France. Et la France leur était redevable. C’est dans cet état d’esprit plein d’espoir où ils sont sortis manifester pacifiquement…», nous confiera le journaliste et écrivain, Saâd Saïd. Un roman absolument à lire.
Les Tranchées de l’imposture
Saïd Saâd
El Dar El Othmania
242 pages
Prix : 650 DA