La visite du secrétaire d’état américain à Alger est remplie de «messages subliminaux», puisqu’elle intervient après celles de Tel-Aviv, de Jérusalem et Rabat, ce qui suppose qu’elle couronne une série de visites de capitales qui ont permis à ce diplomate d’élaborer les «synthèses» requises dans ce genre d’exercice.
Il est clair, que le fait que notre pays soit le dernier visité durant ce round constitue, à n’en pas douter, une visite particulière, dans la mesure où les dossiers les plus sensibles y seront abordés et les attentes les plus importantes se sont exprimées par le représentant de la diplomatie américaine.
Quel est donc le contenu des discussions entre A. Tebboune et A. Blinkel, durant sa visite, de quelques heures, dans notre pays et qui déclare, à sa descente d’avion, que notre pays est «un partenaire crédible» ?
Dans le dossier de l’énergie, notre pays ainsi que les autres pays exportateurs d’énergie ont affirmé à l’unisson, qu’ils ne pouvaient remplacer les capacités russes même dans le moyen terme et qu’ils ne pouvaient augmenter substantiellement l’offre d’énergie sur le marché mondial, conformément aux décisions prises au sein de l’OPEP+.
La proposition américaine est la possibilité d’investissements des firmes américaines dans «l’amont de Sonatrach» avec éventuellement, le projet de gazoduc Algérie-Niger-Nigeria, qui représente pour notre pays une revalorisation importante du parc de gazoducs qui alimente les pays de sud de l’Europe et qui pourrait se compléter par son prolongement vers les pays nord européens à moindre coût.
S’agissant de la réouverture du GME, via le Maroc, les USA ont carrément zappé le problème, sachant pertinemment qu’aucune solution ne peut être envisagée, à court terme, compte tenu de la dégradation diplomatique, politique et sécuritaire des relations algéro-marocaines. En outre, notre pays avait clairement déclaré qu’il n’accepterait aucune médiation, d’où qu’elle vienne. Reste le dossier du Sahara occidental, où notre pays attendait, avec une grande appréhension, la position américaine, après le tweet de D. Trump en fin de mandat sur la «marocanité de ce territoire», en contradiction complète avec toutes les résolutions onusiennes et donc du droit international.
La déclaration officielle du secrétaire d’Etat américain a été, on ne peut plus claire, puisqu’il réaffirme que son pays continue de soutenir les efforts de l’ONU et de son envoyé Staffan de Mistura pour la mise en œuvre des résolutions onusiennes, affirmant «qu’il n’y a pas eu de changement dans notre position».
Au niveau géopolitique et sécuritaire, le «rôle extrêmement important de l’Algérie afin de promouvoir la paix et la stabilité de la région» et notamment au Mali (signature en 2015 des accords d’Alger) et en Libye (à travers le dialogue inclusif entre les factions), a été souligné ce qui laisse à penser que la coopération, dans ce domaine, va continuer et se consolider. Deux dossiers marquent cependant une ligne de crête.
Le premier concerne le conflit ukrainien, notre pays en s’abstenant de voter un projet de résolution condamnant l’intervention russe en Ukraine, s’est positionné, dans un certain sens, tout en continuant à prôner le dialogue diplomatique dans la recherche de solutions aux conflits. La réponse d’A. Blinkel, connaissant nos relations stratégiques avec la Russie, a été sans appel, affirmant notamment que dans ce cas de figure, «il y a un agresseur évident et une victime évidente et il est important de se tenir aux côtés de la victime».
De la même façon, il prône la normalisation des relations des pays arabes avec Israël, en affirmant que c’est aux Etats de décider ce qui est bon pour leur peuple, occultant sciemment que la Palestine est colonisée depuis 1948 et que ce processus s’accélère chaque jour un peu plus avec son lot d’expropriations et d’assassinats !
Enfin, dans le dossier des relations bilatérales, l’ambassadrice, ayant déjà annoncé la couleur en déclarant «business is business», lors de la cérémonie de présentation de ses lettres de créances, ce qui s’est traduit par l’affirmation d’A. Blinkel voulant augmenter nos échanges de 2,6 milliards de dollars à 6 milliards de dollars, dans tous les domaines d’activité sans exclusif et notamment pour l’enseignement de la langue anglaise dans nos universités.
Attendons donc de voir ces déclarations se concrétiser sur le terrain et nos positions divergentes se réduire sans perdre nos principes constitutifs qui sont non négociables.
Par Dr Mourad Goumiri,
Expert en économie