Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, est attendu, aujourd’hui, en Arabie saoudite, pour renforcer des relations souvent tendues avec cet allié du Moyen-Orient. Cette visite, qui s’étend jusqu’à jeudi, intervient alors que les deux pays sont médiateurs dans le conflit au Soudan, sans parvenir cependant à faire respecter plusieurs trêves entre les généraux belligérants.
Le chef de la diplomatie américaine participera à une réunion ministérielle demain avec le Conseil de coopération du Golfe (CCG). Il co-présidera aussi avec son homologue saoudien jeudi à Ryadh une réunion de la coalition des pays luttant contre le groupe Etat islamique (EI). Coalition créée en 2014 pour combattre le groupe jihadiste regroupant plus de 80 pays.
Hier, il a plaidé en faveur d’une normalisation des relations entre Israël et l’Arabie Saoudite. «Les Etats-Unis ont un vrai intérêt de sécurité nationale à promouvoir une normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite», a-t-il déclaré dans un discours devant le lobby pro-Israël AIPAC à Washington. «Nous pouvons et devons jouer un rôle à part entière pour faire avancer cette cause», a-t-il affirmé, ajoutant n’avoir «aucune illusion sur le fait que cela puisse se faire rapidement ou facilement», selon des propos recueillis par l’AFP.
Il a observé cependant qu’il œuvrera, lors de son déplacement en Arabie Saoudite, pour la normalisation entre Ryadh et Tel Aviv. Une telle normalisation se ferait dans le cadre des accords dits d’Abraham qui, initiés sous l’ancien président Donald Trump, ont permis à plusieurs pays arabes de normaliser leurs relations avec l’Etat hébreu. Dans son discours, A. Blinken a réaffirmé le soutien «inébranlable» des Etats-Unis en faveur de l’allié israélien et répété que l’administration Biden considérait l’Iran comme la principale menace pour la sécurité de l’Etat hébreu. «Si l’Iran rejette la voie de la diplomatie, alors, comme le président (Joe) Biden l’a clairement indiqué à de nombreuses reprises, nous n’écartons aucune possibilité pour s’assurer que l’Iran n’obtienne pas d’armes nucléaires», a-t-il soutenu, dénonçant les activités d’agression de l’Iran «dans la région et au-delà» et les liens militaires croissants entre Téhéran et Moscou qui fournit des «armes sophistiquées» à la République islamique.
Le spectre iranien
Plus tôt dans la journée, des sources diplomatiques ont annoncé l’ouverture aujourd’hui de l’ambassade iranienne en Arabie Saoudite scellant le rapprochement entre les deux pays après plus de sept ans de rupture. Téhéran et Riyadh, rivaux du Moyen-Orient, ont rompu leurs relations en 2016 après l’attaque de missions diplomatiques saoudiennes par des manifestants dans la République islamique, à la suite de l’exécution par la monarchie du Golfe d’un influent religieux chiite. «La réouverture de l’ambassade iranienne aura lieu mardi (Ndlr aujourd’hui)… en présence du nouvel ambassadeur iranien», a affirmé un diplomate basé à Riyadh, sous couvert d’anonymat.
«Dans le cadre de l’achèvement du processus de mise en œuvre des accords bilatéraux (...), l’ambassade de la République islamique d’Iran à Ryadh, le Consulat général à Jeddah et le Bureau du représentant de l’Iran auprès de l’Organisation de la coopération islamique seront officiellement rouverts mardi et mercredi», a confirmé le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanani, dans un communiqué.
Les deux pays ont conclu, en mars, un accord par l’intermédiaire de la Chine, prévoyant la réouverture de leurs ambassades respectives et la mise en œuvre d’accords de coopération économique et de sécurité signés il y a plus de 20 ans. Après une rencontre de leurs ministres des Affaires étrangères en avril à Pékin, les deux pays ont envoyé des délégations à Riyadh et à Téhéran pour préparer la réouverture des missions diplomatiques. La réconciliation devrait être formellement scellée à l’occasion d’une prochaine visite du président iranien, Ebrahim Raïssi, à Ryadh. De son côté, Téhéran dit avoir invité le roi Salmane d’Arabie Saoudite à se rendre en Iran.
Les relations entre Washington et Riyadh ont connu, durant l’ère Biden, des frictions. Washington accuse Riyadh de violations des droits humains. Une crise entre les deux alliés est suscitée par la décision saoudienne, en octobre 2022, de baisser les quotas de production de l’Opep+ afin de soutenir le prix élevé du baril de brut, dans le contexte du conflit en Ukraine et de la hausse des prix de l’énergie. Décision prise malgré la visite du président américain Joe Biden en juillet pour tenter de convaincre Riyadh à œuvrer pour l’augmentation de la production qui a appelé en conséquence à un «réexamen» des relations avec Riyadh. En février 2021, il a déclassifié un rapport accablant sur la responsabilité du prince héritier Mohammed Ben Selmane dit «MBS» dans l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, résident aux Etats-Unis et chroniqueur du quotidien Washington Post le 2 octobre 2018 dans le consulat de son pays à Istanbul par un commando d’agents venus d’Arabie Saoudite. Son corps, démembré, n’a jamais été retrouvé.
Selon ce rapport, ce dernier a «validé» l’assassinat du journaliste. Le document a affirmé que le prince héritier disposait d’un «contrôle absolu» des services de renseignement et de sécurité, «rendant très improbable» une telle opération sans son «feu vert». En 2023, la situation au Moyen-Orient a changé : l’Arabie Saoudite et l’Iran se sont réconciliés en mars. Dans la foulée, le 12 avril, le ministre syrien des Affaires étrangères a effectué une visite surprise en Arabie Saoudite, une première depuis le début du conflit. La Ligue arabe a réintégré, en mai, la Syrie dans son giron après l’avoir écartée en 2011 pour la répression d’un soulèvement populaire ayant dégénéré en guerre.