La situation de la presse dans la région Afrique du Nord n’a jamais été aussi préoccupante, selon le dernier rapport de Reporters sans frontières (RSF). Les pays dans lesquels l’organisation internationale a constaté une aggravation de la situation sont l’Algérie (134e) où, commente-t-on, la liberté de la presse recule de manière inquiétante et l’emprisonnement des journalistes devient chose courante, le Maroc (135e) qui maintient en prison trois figures importantes du journalisme en dépit des pressions, ainsi que la Libye (143e) et le Soudan (151e). «En Algérie, la situation s’est considérablement dégradée en 2021 : de nombreux journalistes ont été emprisonnés dans le pays, poursuivis en justice ou empêchés de voyager.
Fin avril, trois d’entre eux étaient encore en détention. En outre, des sites d’information ont été bloqués et certains journaux critiques envers le pouvoir ont été étranglés financièrement», peut-on lire dans le rapport en question.
Il est expliqué que la liberté de la presse en Algérie est confrontée à de nombreuses lignes rouges.
«Les médias les plus importants sont les chaînes de télévision privées comme Ennahar TV, Echorouk TV et El Bilad TV, alors que les médias considérés comme les plus sérieux et crédibles sont le quotidien El Watan pour la presse écrite et TSA pour la presse en ligne», souligne ainsi RSF, qui fait remarquer que «le climat politique est très tendu, notamment depuis l’élection du président Abdelmadjid Tebboune, en décembre 2019». «Médias et journalistes subissent de nombreuses pressions, dont la majorité sont exercées par la présidence de la République, les partis politiques, les services de sécurité et les autorités locales.
Il est très difficile pour les reporters d’effectuer leur travail de manière libre et indépendante, alors que le pouvoir politique a une influence directe sur la nomination et le licenciement des responsables des médias et des autorités de régulation», écrivent les observateurs de RSF. Et de poursuivre : «Le cadre législatif est de plus en plus contraignant. Si l’article 54 de la Constitution garantit la liberté de la presse, il encadre également la diffusion d’informations et d’opinions qui doivent respecter “les constantes et les valeurs religieuses et culturelles de la nation”, menaçant ainsi la liberté des journalistes. Une réforme du code pénal, adoptée en 2020, criminalise de un à trois ans de prison la diffusion de “fausses nouvelles” et de “discours haineux” visant à porter atteinte “à l’ordre et à la sécurité nationale” ainsi qu’‘‘à la sûreté de l’Etat et à l’unité nationale”.
Ces textes sont régulièrement utilisés pour poursuivre et condamner les journalistes. Dans ce contexte, la censure et l’autocensure sont largement répandues.» Les menaces et intimidations auxquelles sont confrontés les journalistes sont en constante augmentation, selon le rapport, et il n’existe aucun mécanisme de protection.
«Les reporters critiques des autorités peuvent subir des détentions arbitraires, font l’objet d’une surveillance et sont placés sur écoute. Les journalistes indépendants ou proches du hirak, le mouvement de contestation populaire lancé en février 2019, peuvent être la cible de menaces en ligne et de campagnes de haine lancées par des “mouches électroniques” (“doubab”), des comptes anonymes proches du pouvoir», est-il souligné. Reporters sans frontières met en exergue la fragilité des entreprises de presse, notamment celles qui sont privées de publicité, d’autant que les subventions de l’Etat ne sont octroyées qu’aux médias publics ou privés proches du régime.
L’organisation non gouvernementale met en avant, par ailleurs, les disparités entre les différentes régions du pays en matière de liberté d’expression. «Dans les villes de l’intérieur du pays, souligne-t-on, les associations locales, le préfet (le wali, ndlr) et les groupes religieux ont un pouvoir important et imposent la censure aux journalistes.
Le conservatisme social et religieux a également un poids certain, et les reporters ne peuvent pas aborder les sujets liés à la sexualité ou à la religion.»