Le procès de Yacoub Belhassine s’est ouvert hier au tribunal de Dar El Beïda : Vingt ans de prison ferme requis contre le «faux général»

21/11/2024 mis à jour: 04:40
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il avait à peine 22 ans lorsque son nom a fait le tour du monde. Surnommé Le Général, le jeune homme a escroqué, à partir de l’étranger, de nombreux hauts fonctionnaires de l’Etat et de diplomates en leur promettant des promotions, des postes à l’étranger ou encore de régler leurs problèmes et d’obtenir un logement, en leur soutirant d’importantes sommes d’argent en dinars et en devise. 

Il s’agit de l’énigmatique Yacoub Belhassine, extradé par les autorités allemandes le 11 octobre 2023, après son arrestation à Francfort, en vertu de plusieurs mandats d’arrêt internationaux lancés contre lui. 

Placé en détention le 15 octobre 2023, il a comparu hier devant le pôle pénal chargé des infractions liées aux Tic, près le tribunal de Dar El Beïda, avec sept autres prévenus, dont deux de ses demi-frères et sa demi-sœur, pour plusieurs inculpations, dont «escroquerie», «usurpation de fonction», «ingérence non autorisée dans les fonctions publiques civiles et militaires», «faux et usage de faux en écriture administrative», «violation de la réglementation de change pour et vers l’étranger». 

Entouré par des policiers, Yacoub était seul dans le box des accusés. Il a nié une partie de ses aveux devant la police judiciaire, tout en en reconnaissant d’autres et en gardant le silence sur certains faits au prétexte «qu’il s’agit des secrets d’etat» qu’il «ne peut divulguer dans une audience publique». D’emblée, le jeune homme tente de disculper les membres de sa famille, chargés de récupérer ou de recevoir l’argent soutiré à ses victimes, en disant qu’ils «sont innocents et ne savaient rien de ses activités en Grèce».

 Très serein, il affirme : «si je vous dis que oui, je les ai escroqués, allez-vous me condamner et les laisser partir ? Suis-je le seul responsable ? Je les défie tous de présenter une seule preuve sur le fait que c'est moi qui les appelais. Ils n’ont rien. Juste des paroles.» Mais le juge le confronte à ses communications, ses numéros de téléphone avec lesquels il appelait ses victimes «pour les faire tomber dans l’embuscade» et le prévenu avec un large sourire lui répond : «prouvez que ce sont les miens.» 

Belhassine va néanmoins parler de certains cas, comme celui de cette secrétaire du chef de cabinet du ministre de l’intérieur (Kamel Beldjoud), ou encore des diplomates algériens de Nice et de la Bulgarie, de ses appels téléphoniques, sur l’application whatsapp en se présentant comme «général, officier supérieur de la sécurité intérieure ou encore comme responsable au cabinet de la présidence». Les méthodes utilisées lui ont permis de ramasser des fonds colossaux, destinés, selon lui, «aux pauvres et aux personnes en difficultés». 

 Son récit est édifiant tout autant que les témoignages des victimes, une secrétaire du wali de Annaba, un directeur de l’éducation d’El Tarf, le directeur général de la Télévision, ainsi les représentants de l’hôtel Sofitel, l’université Ferhat Abbas de Sétif, Algérie Poste, etc. Mais, le procureur, resté silencieux durant tout le débat, a requis contre lui la peine maximale de 20 ans de prison assortie d’une amende de 20 millions de dinars. 

Il a également demandé une condamnation de 7 ans de prison assortie d’une amende de 70 millions de dinars et d’un mandat d’arrêt contre un des prévenus en fuite, alors que pour les cinq autres, tous en liberté, dont les membres de la famille de Belhassine, il a requis une peine de 5 ans de prison et une amende de 5 millions de dinars.

 Tout au long du prononcé des demandes du représentant du ministère public, Belhassine n’a laissé aucune expression de colère ou d’inquiétude apparaître sur son visage juvénile. Avec son sourire enfantin, il a répondu au juge qui lui demandait de dire un dernier mot : «ils ont tous parlé de l’escroquerie, mais personne n’a affirmé que c’est moi en qui suis l’auteur. Monsieur le juge, les trois membres de ma famille n’ont aucun lien avec les faits. Ils sont innocents. C’est moi qui assume pleinement les faits. Pas eux.» Le juge : «parlez pour vous, eux le feront après.» Belhassine : «je vous demande une réduction de la peine.» 

Les six autres prévenus vont se succéder pour clamer leur innocence et de ce fait demander la relaxe. Le juge a mis l’affaire en délibéré et le verdict sera connu, le 4 décembre prochain. Nous reviendrons sur les détails de l'audience dans notre prochaine édition.
 

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