Le procès intenté par l’Afrique du Sud contre Israël au niveau de la Cour Internationale de Justice (CIJ) à La Haye est un autre acte qui signe le retour de la question palestinienne au-devant de la scène internationale et conforte sa centralité dans les enjeux géopolitiques.
Laborieusement mais sûrement, les efforts entrepris depuis de nombreuses semaines par des centaines d’hommes et de femmes de loi, souvent soutenus par des Etats condamnant les opérations criminelles israéliennes à Ghaza, font bouger les lignes ; la dynamique parvient, une fois n’est pas coutume, à ébranler l’arrogance de l’Etat hébreu et sa conviction d’impunité pour le voir se présenter confus et sur la défensive devant les 15 juges élus de l’institution juridique onusienne et devoir répondre, dans le menu détail juridique, à l’exposé étayé de ses crimes.
Le fait est suffisamment rare et inédit pour avoir de l’impact, sur le plan moral et symbolique pour le moins, en attendant de moins évidents effets pratiques et politiques si la juridiction internationale parvenait à accoucher dans des délais pas trop prolongés de décisions et de condamnations.
Cet aspect reste suspendu à ces «mesures conservatoires», plaidées par la requête des magistrats chaperonnés par le gouvernement sud-africain et pouvant se traduire par l’ordonnance d’un arrêt des opérations militaires dans l’enclave palestinienne, même s’il est attendu, sans grande illusion, que l’entêtement israélien puisse encore aller jusqu’à assumer un autre palier dans le mépris affiché au droit international.
L’objet de la requête sud-africaine frappe dans le cœur le monopole que s’adjuge Tel-Aviv concernant la notion de «génocide», celle-là même qui fait son substrat fondateur depuis l’implantation de l’Etat d’Israël dans le corps sans défense de l’être palestinien en 1948.
Benjamin Netanyahu, dans ses récentes réactions à l’initiative de Pretoria, trouve que les audiences qui se sont tenues à la CIJ, jeudi et vendredi derniers, étaient des séquences participant d’un monde qui «tourne à l’envers».
Le Premier ministre israélien juge, par ailleurs, «culotté» que son gouvernement et la «nation» qu’il représente puissent être interpellés sur un crime de génocide alors que, dans son entendement fanatique, il n’y a de génocide que si la victime qui le subit est juive.
Le Conseil des représentants juifs d’Afrique du Sud prend, pour sa part, appui sur la même mythologie victimaire institutionnalisée pour s’en prendre à l’action du gouvernement de Pretoria. «Les Juifs du monde entier s’accordent sur le fait que ces accusations ont pour origine une vision antisémite du monde qui prive les Juifs de leur droit à se défendre», écrivent les représentants de la communauté dans un communiqué.
De son côté, le ministre israélien de l’Economie, Nir Barkat, statue sans sourciller que «l’anti-isréalisme est le nouvel antisémitisme».
Il faudrait peut-être ajouter à cette levée de boucliers axée sur la revendication d’un privilège de victime absolue et immuable, le soutien que le gouvernement allemand s’est cru obligé de témoigner pour Tel-Aviv en la circonstance, au nom d’une supposée mauvaise conscience nationale, et «compte tenu de l’histoire allemande et du crime contre l’humanité que fut la Shoah».
Usé jusqu’à la corde par l’Etat hébreu et ses soutiens, le copyright victimaire de shoah ou de pogrom et son corolaire compulsif d’«antisémitisme» continuent d'être opposés au reste du monde dans ses tentatives de ramener les faits à la réalité d’une force d’occupation qui tue en masse des femmes et des enfants et assassine le droit des survivants à disposer d’un pays.
Les dernières audiences tenues à La Haye montrent peut-être que cela ne suffit plus à entretenir la confusion sur les vraies victimes et les vrais bourreaux.