Mouvement d’humeur» de la garde présidentielle, selon une source officielle ou «tentative de coup d’Etat», d’après l’Union africaine ? Une chose est certaine, le président nigérien Mohamed Bazoum était retenu hier à Niamey par des éléments de la Garde présidentielle. A l’issue de «pourparlers» qui ont échoué, l’armée a lancé «un ultimatum» à la garde, selon une source proche de la Présidence.
«Au terme des pourparlers, la Garde présidentielle a refusé de libérer le Président, l’armée lui a lancé un ultimatum», a déclaré cette source sous le couvert de l’anonymat, à la suite d’un «mouvement d’humeur» de membres de la Garde présidentielle qui ont bloqué l’accès de la Présidence à Niamey.
Dans un message publié sur Twitter, rebaptisé «X», la présidence du Niger a indiqué que mercredi matin, «des éléments de la Garde présidentielle (GP) ont engagé un mouvement d’humeur anti-républicain et tenté en vain d’obtenir le soutien des forces armées nationales et de la Garde nationale».
«L’armée et la Garde nationale sont prêtes à attaquer les éléments de la GP impliqués dans ce mouvement d’humeur s’ils ne reviennent pas à de meilleurs sentiments», ajoute la Présidence en affirmant que «le président de la République et sa famille se portent bien».
Un peu plus tard dans la journée, l’Union africaine (UA) a condamné, la «tentative de coup d’Etat» au Niger. Le président de la commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, a condamné «fermement de tels agissements de la part de militaires agissant en totale trahison de leur devoir républicain», leur demandant «de cesser immédiatement cette ‘‘inacceptable’’ entreprise», dans un communiqué. Comme il a appelé au «retour immédiat et sans conditions des militaires félons à leurs casernes».
De son côté, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a condamné «avec la plus grande fermeté la tentative de prise du pouvoir par la force» en cours au Niger et appelé «les putschistes à libérer immédiatement et sans condition» le président Bazoum au pouvoir depuis avril 2021.
Tradition de putschs
Ex-colonie française, ce pays de l’Afrique de l’Ouest a connu, comme la majorité écrasante des pays africains, des putschs et tentatives de coups d’Etat depuis son indépendance en 1960. Le premier coup d’Etat est réalisé en avril 1974 et a renversé le président Diori Hamani.
Il a été dirigé par le lieutenant-colonel Seyni Kountché. Il a suspendu la Constitution et les partis, dissous l’Assemblée nationale, mis en place un Conseil militaire suprême (CMS) et s’est attribué pour une durée indéterminée les pouvoirs exécutif et législatif.
La découverte de «complots» lui a permis d’éliminer des coauteurs du coup d’Etat. Il meurt au pouvoir en 1987.
En 1996, Ibrahim Maïnassara prend le pouvoir à la tête d’une junte, puis est élu en juillet lors d’un scrutin contesté par l’opposition. En avril 1999, nouveau coup d’Etat marqué par l’assassinat de Maïnassara.
Le dernier coup d’Etat a été fomenté en février 2010. Il a renversé le président Mahamadou Tandja. Fin 2015, le président Issoufou, candidat à sa réélection, affirme qu’une tentative de coup d’Etat, dont la réalité est contestée par l’opposition, a été déjouée, justifiant une vague d’arrestations.
En mars 2016, il est réélu lors d’un scrutin boycotté par l’opposition. En mars 2017, l’opposant Hama Amadou, second à la présidentielle, est condamné à un an de prison pour une affaire de trafic international de bébés, qu’il qualifie de complot politique pour l’écarter.
Revenu d’exil, il sera écroué fin 2019, puis gracié en 2020 en raison du coronavirus.
Violence jihadiste
Outre l’instabilité politique, le pays est confronté à la violence jihadiste. Pour schématiser, en 2010, sept collaborateurs du groupe nucléaire français Areva sont enlevés à Arlit (nord), rapt revendiqué par Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
En janvier de la même année, deux jeunes Français sont enlevés dans un restaurant de Niamey, puis tués lors de l’intervention de l’armée française qui tentait de bloquer la fuite des ravisseurs.
En mai 2013, le Niger est frappé par deux attentats-suicides, contre un camp militaire à Agadez et un site d’uranium d’Areva (une vingtaine de morts), revendiqués par le terroriste algérien Mokhtar Belmokhtar et le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).
En 2015, le Niger devient une cible du groupe nigérian Boko Haram, avec en février de multiples attaques meurtrières dans la zone de Diffa (sud-est) et en avril contre une position militaire sur une île du lac Tchad (au moins 74 morts).
Et depuis 2016, le Sud-Est connaît des attaques du groupe Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap), issu d’une scission d’avec Boko Haram.
En novembre 2017, soutenue par la France, la force antijihadiste du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) est lancée aux confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger.
Fin 2018, l’armée nigérienne se déploie massivement dans la région de Tillabéri (ouest) pour chasser les islamistes venus du Mali dans la zone des «trois frontières», devenue un repaire des jihadistes, dont l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS).
Fin 2019 et début 2020, comme au Mali et au Burkina Faso voisins, l’Ouest nigérien est ciblé par des attaques meurtrières revendiquées par le groupe Etat islamique (EI) contre les camps militaires d’Inates puis de Chinégodar. Les attaques font respectivement 71 et 89 morts parmi les soldats.
Les chefs d’état-major sont limogés. Le 9 août 2020, six jeunes humanitaires français de l’ONG Acted sont assassinés avec leur chauffeur et leur guide nigériens dans la zone touristique de Kouré, attaque revendiquée par l’EI.
Le 2 janvier 2021, 105 personnes sont massacrées par des hommes armés à Tchoma-Bangou et Zaroumadareye, deux villages de la région de Tillabéri, dans l’ouest du Niger.
Fin 2019 et début 2020, comme au Mali et au Burkina Faso voisins, l’Ouest nigérien est ciblée par des attaques meurtrières revendiquées par l’EI contre les camps militaires d’Inates puis de Chinégodar.
Les attaques font respectivement 71 et 89 morts parmi les soldats. Les chefs d’état-major sont limogés.