Le président de la République a émis des directives portant sur la «révision» des méthodes de travail de ce Comité ainsi que sur le «réexamen» des dossiers déjà traités. Les opérateurs économiques sommés de payer de lourdes pénalités et qui se considèrent lésés «disposeront d’un droit de recours» et pourraient même «recouvrer leurs droits» dans le cas où le Comité aurait commis une erreur dans le traitement de leurs dossiers.
L’activité du Comité interministériel chargé de lutter contre l’infraction de change est gelée. Ce Comité placé sous l’autorité du ministre des Finances et composé de cinq membres a, depuis son installation au cours de l’année 2023, infligé de lourdes amendes à plusieurs opérateurs économiques à travers le territoire national.
L’information relative au gel des travaux de ce Comité a été révélée hier par le président du Conseil du renouveau économique algérien (CREA), Kamel Moula, dans un entretien accordé au quotidien El Khabar. Selon lui, cette décision a été prise par le président de la République suite à l’audience qu’il a accordée le 14 septembre aux membres du bureau élargi du CREA.
«Ce sujet (Comité interministériel) a fait l’objet de plusieurs correspondances adressées par le CREA au président de la République. Nous étions conscients qu’il (Président, ndlr)avait besoin de prendre le temps nécessaire pour mesurer l’importance des écarts entre sa vision et la mise en œuvre effective de ses directives concernant cette question», a expliqué Kamel Moula. «Lors de cette rencontre, le Président a pu constater que la démarche entreprise pour lutter contre la fraude dans le cadre dudit Comité n’était pas du tout conforme à ses directives», a-t-ajouté, tout en précisant que des «preuves concrètes ont été apportées par le CREA pour appuyer son argumentaire».
Ont pris part à cette rencontre le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, le directeur de cabinet à la présidence de la République, Ennadir Larbaoui, le ministre des Finances, Laaziz Faid, le ministre de l’Industrie et de la Production pharmaceutique, Ali Aoun, le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Tayeb Zitouni, et le directeur-général de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI), Omar Rekkache.
Directives «fermes»
Le chef de l’organisation patronale a aussi indiqué que de nouvelles directives «claires» et «fermes» ont été émises par le chef de l’Etat concernant la procédure à suivre pour lutter contre les infractions au change. Il s’agit, selon lui, de la «révision» des méthodes de travail de ce Comité ainsi que du «réexamen» des dossiers déjà traités.
Aussi, les opérateurs économiques sommés de payer de lourdes pénalités et qui se considèrent lésés «disposeront d’un droit de recours» et pourraient même «recouvrer leurs droits» dans le cas où le Comité aurait commis une erreur dans le traitement de leurs dossiers. Par ailleurs, le président de la République a «réaffirmé sa confiance dans les acteurs économiques, notamment ceux œuvrant dans le secteur privé», a souligné le président du CREA.
La création du Comité interministériel sus-évoqué n’a pas été officiellement annoncée et, selon de nombreux opérateurs, celui-ci a commencé à infliger de lourdes pénalités à bon nombre d’opérateurs à partir du premier trimestre 2023.
Son existence a cependant été révélée publiquement le 6 septembre par la présidente de la Confédération des entreprises algériennes (CGEA), Saida Neghza. Dans une correspondance publiée sur les réseaux sociaux, la responsable du CGEA avait fait état de «plaintes» de la part d’hommes d’affaires sur des amendes qui leur ont été infligées par ce Comité «sans même avoir le droit d’accéder à leurs dossiers».
Lourdes amendes
Selon des documents obtenus par le site d’information Twala, des opérateurs économiques ont été sommés de payer des montants représentant 50% du corps du délit comme règlement d’affaires d’infractions de change. Le même site a, en effet, cité le cas d’une entreprise d’importation sommée de payer une amende de 2,9 milliards de dinars le 31 juillet dernier.
Le document adressé à cette société ne contient aucun «attendu», ne permet aucunement à la partie concernée de prendre connaissance des éléments tangibles ayant permis d’arrêter le montant de l’amende et n’explicite aucune des voies de recours que la société pourrait suivre. «Au total, ce sont 26 grandes entreprises qui ont été convoquées au niveau central dans des cas similaires, alors que ce sont des sociétés qui relèvent de la compétence de la direction des grandes entreprises (DGE)», selon ce média.
Concrètement, l’auteur d’une infraction de change encourt une peine d’emprisonnement de deux à sept ans, en plus du paiement d’une amende qui ne saurait être inférieure au double de la somme sur laquelle a porté l’infraction ou la tentative d’infraction nonobstant, selon la réglementation en vigueur, consultable sur le site de Direction générale des douanes.
Le contrevenant peut également être déclaré, pour une durée n’excédant pas cinq ans à compter de la date où la décision de justice est définitive, incapable, entre autres, de faire des opérations de commerce extérieur. Tout cela est de nature à expliquer l’insistance des opérateurs économiques, notamment à travers le CREA, sur la révision des méthodes de travail de ce Comité, pour installer un climat de sérénité et de confiance dans le milieu des affaires.