Parlez-nous de vous et de votre ascension au sommet du football européen ?
Je ne pensais pas qu’un jour ce destin puisse arriver. Je suis Estonien et pénaliste de formation. En tant que tel, il m’est arrivé d’intervenir dans des commissions de la fédération estonienne de football. J’y ai pris goût et un jour de 2016, je fus élevé à la présidence de cette fédération. Puis ce fut la présidence de l’UEFA.
Avez-vous connu depuis votre consécration à la présidence de l’UEFA des moments difficiles ?
L’UEFA est une grande organisation et il est aisé de dire que du fait de ses structures cohérentes et solides, l’UEFA est capable d’aborder toutes les difficultés qui s’imposent à elle. Oui il est arrivé qu’on connaisse des moments compliqués et on les a affrontés un à un avec une pleine réussite. Un moment compliqué particulier ? Oui s’agissant du désir de certains grands clubs européens de créer la super-ligue. L’UEFA et le monde du football s’y sont fortement opposés. Ils sont restés unis face à ce qui aurait pu être la fin de la pratique du football telle qu’elle s’exerce aujourd’hui. Le président du Real de Madrid a déclaré récemment que le projet sera remis sur la table. Pour moi, c’est un problème qui ne se pose plus, car je ne crois pas en l’idée qu’une douzaine de clubs les plus riches dans le monde puissent écraser la majorité, c’est-à-dire des milliers de clubs moins nantis financièrement. Quelques riches et en face des dizaines de milliers de clubs pauvres ne peuvent donner au football la popularité et la noblesse qui ont fait sa force et sa gloire. Cet écart gigantesque de fortune, nous sommes en train d’y réfléchir à l’UEFA, réfléchir à de nouveaux mécanismes et de nouvelles règles. Mais les ligues et les grandes équipes doivent parvenir à un accord correct et durable. En 2024, nous allons édicter un nouveau système en faisant rentrer quatre équipes supplémentaires. Aujourd’hui avec dix matchs, nous savons qui ira au bout (en finale) et qui s’arrêtera prématurément. Le nouveau système sera intéressant. C’est un système qui ne sera pas sélectif. Tout le monde jouera contre tout le monde.
Le fair-play financier est-il dans l’agenda de l’UEFA que vous présidez ?
On en parle et on en parle beaucoup. Mais il n’est pas dans nos attributions d’imposer des limitations de salaires des footballeurs. Mais nous ne désespérons pas en fonction de la réglementation de chaque pays de trouver des mécanismes pour imposer un plafonnement de ces rémunérations que beaucoup trouvent très relevées.
Après quelques années, l’expérience de la vidéo ( VAR ) vous satisfait-elle ?
J’étais au début, je vous l’avoue, sceptique devant la complexité de cette manière moderne d’arbitrer. Après quelques petits couacs, nous y avons apporté des modifications très positives entraînant une cohésion et une cohérence entre les arbitres de la VAR, les arbitres sur le terrain et la chose jugée. Le danger était que la VAR intervienne à chaque instant. Nous y avons remédié en renforçant les stages et la formation. Beaucoup d’autres défis nous attendent...
Comment sont les relations entre l’UEFA et la FIFA ?
La FIFA et l’UEFA sont d’accord sur 95% des sujets évoqués. Les 5% de désaccords nous interpellent pour travailler davantage à aplanir techniquement et correctement dans l’entente la plus cordiale ce qui pourrait survenir, au mieux des intérêts de l’une ou l’autre institution.
Un forcing a été fait par le président de la FIFA pour faire disputer la Coupe du monde tous les deux ans...
Le problème est aujourd’hui réglé. Les joueurs disputent trois matchs par semaine et sont en perpétuels déplacements parfois à l’autre bout du monde ou simplement en changeant de continent. C’est beaucoup. Et les footballeurs maintenus à ce rythme-là sont souvent sujet aux blessures. Il faut éviter donc de créer de nouvelles compétitions, car ceux-ci sont arrivés, je pense, à saturation. Pour rester dans la course, les joueurs risquent d’être poussés à se doper comme on l’a vu dans d’autres sports. Nous avons constaté qu’en Italie, les équipes perdent régulièrement un joueur à chaque match.
Allez-vous postuler pour un autre mandat de l’UEFA ?
Oui, j’ai déja 50 lettres de soutien.
Soutenez-vous la candidature européene du Portugal et de l’Espagne pour organiser en commun la prochaine Coupe du monde ?
Oui je la soutiens et je pense même que nous allons gagner. Ces deux pays ont beaucoup fait pour l’évolution du football international. Ils mériteront d’accueillir la plus prestigieuse des compétitions.
Que pensez-vous de la super-ligue africaine qui va démarrer en 2023 ?
Si c’est une compétition fermée, mon opinion est négative pour le développement du football
Y aura-t-il un candidat européen à la présidence de la FIFA ?
Je ne crois pas que l’Europe est encline à présenter un candidat.
Que vous inspire la conférence league européenne. En êtes-vous satisfait ?
Ces compétitions sont venus combler un déficit en la matière. La conférence league et l’Europa league sont très suivies par les spectateurs et téléspectateurs. Au fur et à mesure, ces compétitions vont prendre de l’épaisseur. J’en suis satisfait.
Et la Ligue des nations ?
De mon point de vue, elle est importante pour qu’elle s’inscrive dans le tableau international. C’est une très bonne compétition qui est réussie. Si d’autres ne le pensent pas, c’est leur droit...
Quelle contribution pensez-vous que les joueurs africains apportent au relèvement du niveau des compétitions européennes de clubs ?
Je n’en pense que du bien. C’est une contribution très importante. Par leurs qualités physiques et techniques, ils font le bonheur du football européen et ont servi largement au relèvement qualitatif du niveau des clubs. J’ai une admiration particulière pour les footballeurs d’origine africaine. Je profite pour dire tout mon désaccord avec le président du club de Naples. Les footballeurs africains ont le droit de jouer pour leur pays d’origine s’ils en expriment le choix.
Les journalistes africains subissent souvent une certaine indifférence à l’égard des accréditation pour les rencontres européennes. Les coupes d’Europe ont un public enthousiaste sur tous les continents et particulièrement en Afrique terre de football. Pourquoi l’UEFA leur refuse-t-elle systématiquement le droit d’aller couvrir des compétitions européennes de clubs ?
Je n’était pas au courant. Je vais en parler, m’informer et essayer de réfléchir à cette situation.
Racisme et xénophobie deviennent une nette préoccupation à travers certains stades d’Europe, parfois au prix de comportements que la morale réprouve. Pour le cours de votre mandat, pouvez-vous être plus entreprenant sur la question ?
Il faut trouver des voies et moyens de réprimer plus sévèrement le racisme dans un stade, sur un terrain ou en dehors. Malheureusement, nos moyens sont réglementairement limités. Il faut une implication plus profonde des gouvernements par l’entremise d’une armature juridique et pénale qui dissuaderait ce genre de comportement abject. Car si les Etats votaient des lois plus sévères ou une batterie de règlements plus coercitifs donc plus efficaces, nous pourrons alors sur cette base agir plus sévèrement.
Que pensez-vous de la virulence et des attaques gratuites ces dernières semaines contre le Qatar organisateur de la Coupe du monde ?
Ce n’est pas à moi de commenter. La question doit être posée à la FIFA. Mais je peux dire à l’instant où vous me posez la question que cette Coupe du monde au Qatar se déroulera et se déroulera bien. Elle sera même excellente. O. K.