Le phénomène commence à prendre de l'ampleur : Le grand absentéisme des élèves en classes d’examen

16/05/2023 mis à jour: 07:39
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Les élèves des classes d'examen sèchent souvent les cours du 3e trimestre - Photo : H. Lyès / Archives

Le phénomène serait même en train de s’étendre au collège, où par un effet de mimétisme, les candidats au BEM préféreraient réviser l’examen final à la maison plutôt qu’à l’école.

C’est un phénomène que les enseignants des classes de terminale observent maintenant chaque année : au 3e trimestre, les élèves s’évaporent ! Les élèves de 3e AS prétextent la préparation de l’examen final, le seul qui compte à leurs yeux, pour justifier leurs absences. La non-comptabilisation de la moyenne annuelle dans celle du baccalauréat est l’une des principales raisons qui explique cette désertion des salles de classe. Bon nombre d'élèves, notamment dans les grands centres urbains du pays, semblent penser que seul l’examen du baccalauréat compte, leur ouvrant ainsi les portes de l’université.

Les futurs candidats au baccalauréat désertent leurs classes pour, selon leurs dires, réviser chez des enseignants particuliers, se concentrant essentiellement sur les exercices. Un élève de 3AS nous explique, à cet effet, que la majorité des professeurs de son école se concentrent essentiellement sur l’avancement du programme scolaire sans se soucier véritablement de l’assimilation des cours par les élèves. Autrement dit, les futurs candidats préfèrent débourser de l’argent pour des cours de soutien au lieu de suivre régulièrement leurs cours dans l’école publique.

Résultat : certaines classes de terminale se sont retrouvées avec moins de dix élevés, selon des témoignages.  Une mère de famille qui s’est inquiétée de voir son fils de 17 ans faire l’école buissonnière raconte : «Je me suis déplacée au lycée pour voir ce qu’il en est. La surveillante m’a emmenée dans sa classe, il n’y avait que 5 élèves !» Les enseignants s’inquiètent du fait que la désertion des classes, qui débutait généralement au troisième trimestre, a commencé plus tôt cette année, dès le mois de Ramadhan, à la mi-mars 2023. Le phénomène serait même en train de s’étendre au collège, où par un effet de mimétisme, les candidats au BEM préféreraient réviser l’examen final à la maison plutôt qu’à l’école.

Mais les élèves ne sont pas les seuls à blâmer, clament leurs parents. Le fait est, nous dit-on, que les enseignants qui assurent les classes d’examen et qui prennent des congés ne sont souvent pas remplacés. Ils estiment que les profs – pas tous, bien évidemment – ne se donnent pas à fond pour la réussite des élèves. Il est pourtant des situations que la logique aurait du mal à comprendre : certains élèves assistent à des cours particuliers payants chez leur enseignant qui dispense son cours en classe gratuitement et où il sont portés absents.

L’affaire est bien plus sérieuse qu’il n’y paraît, car l’école publique est mise en concurrence avec les cours de soutien. Pour les enseignants, il est souvent dévalorisant de se retrouver dans des salles de classe quasiment vides. Cela est d’autant plus préoccupant que le phénomène pourrait, à terme, mettre en jeu la crédibilité même de l’école.

Tout a commencé en 2008, avec la décision de l’annulation de la fiche de synthèse, qui tenait compte des notes d’examen et des observations des enseignants, et qui déterminait le rachat de l’élève. La suppression de cette procédure a fait que pour les élèves, seule la note obtenue à l’examen du baccalauréat est déterminante pour leur avenir. Tout au plus, le contrôle continu en classe peut-il servir de baromètre pour l’évaluation du niveau scolaire. Cela n’est pas suffisant pour motiver les élèves : certains ont même pris le risque de ne pas passer leurs devoirs et évaluations de troisième trimestre. Les enseignants et les proviseurs des lycées ont eu beau élaborer des stratégies pour mobiliser leurs élèves. Rien n’y fait. Ni les leçons de morale ni les menaces n’ont porté leurs fruits.

Dans les faits, le règlement scolaire algérien prévoit des sanctions contre l’absentéisme abusif ou répété sans justification valable. Tout élève cumulant 30 absences durant l’année scolaire devrait être exclu de l’examen. Des mesures disciplinaires ont d’ores et déjà commencé dans quelques établissements du cycle secondaire, dont certains ont eu recours à la menace de leur infliger un zéro pour l’épreuve d’éducation physique (ayant ainsi des effets directs sur le résultat du bac).

Des syndicats et des associations de parents d’élèves plaident aujourd’hui pour le retour de la fiche de synthèse – sans toutefois revenir au rachat – afin de mettre fin à l’absentéisme des élèves de terminale et de redonner à l’école publique la place qui lui sied.


 

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