Le modèle de croissance handicape l’intégration de la femme

07/03/2022 mis à jour: 05:38
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La diversification de l’économie ouvrira plus de perspectives à l’emploi féminin / Photo : D. R.

La parité hommes-femmes au travail reste virtuelle. Elle se limite aux textes de lois. Ce qui freine l’inclusion économique des femmes dont le chômage est en évolution ces dernières années.

La place de la femme dans le monde de l’emploi et celui de l’entrepreneuriat reste faible en dépit de l’avancée en matière de législation. Le plus important c’est qu’au-delà de l’impératif d’égalité et de justice, l’emploi féminin est considéré comme un potentiel levier de croissance inexploité pour l’économie algérienne. D’où la nécessité de lancer une réflexion pour identifier les raisons profondes de la discrimination à l’emploi féminin.

Ce sont les principales conclusions du débat organisé hier à l’initiative du Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise (CARE), sous le thème «L’inclusion économique des femmes, ce levier de croissance incompris». Un constat qu’ont expliqué les intervenants par la persistance des entraves à l’origine de toutes les inégalités, que ce soit en termes d’accès aux moyens de production aux postes décisionnels ou en rémunération. Des écarts qui passent très souvent «inaperçus», selon les participants au débat.

«L’égalité est virtuelle. Elle est consacrée dans les textes de lois, notamment dans le code pénal, le code de la famille et la Constitution, mais elle doit être construite», résumera à ce sujet l’avocate Nadia Aït Zai, qui rappellera : «Les institutions sont dans l’obligation de lever les obstacles à l’exercice du droit des femmes dans ce domaine.»

Pour cela, il y a lieu, selon l’avocate, de construire une politique publique basée sur le genre. «Et ce d’autant que nous sommes en Algérie assez bon en matière de législation», soutiendra-t-elle. Cela pour souligner que c’est l’application des textes qui pose problème. Ce qui freine la contribution de la femme algérienne dans le développement de l’économie contrairement à d’autres pays.

Ce que fera d’ailleurs remarquer l’économiste Mouloud Hedir, qui dira : «La discrimination à l’emploi en Algérie, pourtant proscrite par la législation, est une réalité. L’écart est énorme par rapport à d’autres pays dans le monde.» Pour illustrer ses propos, Mouloud Hedir fera le parallèle entre les changements opérés dans la Constitution depuis 2016 avec l’institution du droit de parité au travail et les résultats sur le terrain.

«Depuis 2016, il n’y a pas eu d’amélioration dans l’emploi féminin, ça se dégrade à l’encontre de ce que dit la Constitution.» M. Hedir s’appuiera également sur les chiffres de la Banque mondiale (BM) pour expliquer ce constat. Ainsi, le taux d’occupation des femmes a régressé de 2016 à 2020 passant de 13,9% en 2016 à 12,1% en 2020, alors que le taux de chômage des femmes a augmenté de 18,2% en 2016 à 21,5% en 2020.

Des chiffres que lie l’économiste au modèle de croissance en Algérie. Un modèle porté jusque-là par les secteurs des hydrocarbures et du BTP et qui reste lourdement handicapant pour le travail des femmes.

Cela pour dire que la diversification de l’économie ouvrira plus de perspectives à l’emploi féminin. Résultat, le chômage est de plus en plus pesant chez les femmes, particulièrement celles diplômées de l’enseignement supérieur.

Lequel a atteint, selon les derniers chiffres de l’Office national des statistiques (ONS), 23,9% contre 20,7% chez celles issues de la formation professionnelle et 14,7% chez les femmes sans diplômes. «Le taux est particulièrement préoccupant. Plus on forme les gens, notamment les femmes, plus ils sont dans le chômage. Ça pose un problème économique de fond», estime l’économiste.

Autre indicateur, toujours selon M. Hedir : «Le poids des femmes dans le calcul de la population active reste singulièrement faible malgré des progrès qui se manifestent depuis très longtemps.»

De 1990 à 2020, la part de la femme dans la population active a lentement évolué, gagnant à peine 4,5%, passant de 10,9% à 15,4%. A noter, par ailleurs, que sur les 194 pays recensés par la BM, l’Algérie se situe à 185e place en matière d’accès des femmes à l’emploi. Un classement qui rappelle tout le travail qui reste à faire pour concrétiser la volonté politique affichée pourtant pour assurer la parité hommes-femmes dans le monde du travail et des affaires. 

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