Le militant Ramy Shaath témoigne après sa libération : L’Egypte est devenue «une grande cellule», où règne «la terreur»

29/01/2022 mis à jour: 18:56
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Photo : D. R.

Egypte est devenue une «grande cellule» régie par «la terreur», où chacun peut être arrêté et détenu «sans preuves», a dénoncé jeudi le militant politique égypto-palestinien Ramy Shaath, dans un entretien avec l’AFP à Paris. «Je n’ai pas subi un dixième des tortures» infligées à d’autres détenus, raconte Ramy Shaath, 50 ans, arrivé en France début janvier après plus de 900 jours de prison.

«Peut-être du fait de mon nom et de mon statut», poursuit ce fils de l’ex-ministre et négociateur palestinien Nabil Shaath. «Mais j’ai été menotté, on m’a bandé les yeux, attaché à un mur.» Entre juillet 2019 et janvier 2022, il dit avoir vécu «dans une cellule de 23 m2 avec 18 à 32 personnes» et, en guise de toilettes, «un trou surplombé d’une douche d’eau froide» et «très peu de nourriture». 

Les prisonniers souffrent d’un «traitement inhumain», poursuit cet homme mince, à la barbe taillée. Et de décrire «une cellule d’isolement pour ceux qui avaient commis des ‘‘erreurs’’, où vous deviez passer une semaine ou deux». Lui y a échappé, mais l’un de ses amis y est mort, affirme-t-il. 

Au début, ses codétenus étaient des membres de la société civile ou des islamistes soutenant principalement les Frères musulmans, au pouvoir en Egypte de l’élection présidentielle de juin 2012 au coup d’Etat militaire de juillet 2013, qui a suivi des manifestations massives contre le pouvoir. Mais, progressivement, il dit avoir assisté à une reprise en main tentaculaire de la société par le régime d’Abdel Fattah Al Sissi. 

«J’ai vu des centaines de personnes en prison qui ont été arrêtées dans la rue par un policier ayant confisqué leur téléphone», se souvient-il. «Parfois, un ‘‘like’’ suffisait» pour être incarcéré. 

«L’Egypte d’aujourd’hui est une grande cellule», un «Etat régi par la terreur», se désole Ramy Shaath. Il affirme avoir passé deux ans et demi d’enfermement «sans jamais être mis en examen» pour «participation à une organisation terroriste», sans qu’on lui explique laquelle et «diffusion de rumeurs contre l’Etat sur les réseaux sociaux», quand il affirme ne disposer d’aucun compte. 

«C’est le même cocktail d’accusations pour tout le monde», commente-t-il. Dans sa prison, les 1800 détenus étaient tous accusés des mêmes faits, «sans preuves, sans fondement, sans rien».  

«Sans vengeance»
Dans son cas, le militantisme a également joué un rôle important, estime cette figure de la révolution de 2011 en Egypte et coordinateur dans ce pays du mouvement Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS), prônant le boycott d’Israël dans la lutte contre l’occupation des territoires palestiniens. 

Dans le contexte du rapprochement entre les pays arabes et Israël, sous l’impulsion de l’administration américaine de Donald Trump, Le Caire «ne veut plus rien entendre de l’intérieur sur la Palestine», assure-t-il. 

«C’est ma position contre le soi-disant ‘‘accord du siècle’’ de Donald Trump et Jared Kushner et le rôle qu’y a joué l’Egypte» qui a scellé son sort, estime-t-il. Au lieu d’«opprimer leur peuple», «les gouvernements arabes devraient respecter les droits de l’homme et faire pression pour qu’Israël obéisse au droit international, pas oublier la cause palestinienne», ironise cet Egypto-Palestinien, qui dit avoir dû renoncer à sa nationalité égyptienne pour pouvoir être libéré. 

«Je suis un Palestinien qui a été expulsé de son pays et a dû se réfugier ailleurs. Je suis maintenant un Egyptien expulsé de son pays réfugié ailleurs. Mais je serai toujours fier d’être palestinien et fier d’être égyptien», résume-t-il. 

De son exil, en France, Ramy Shaath affirme qu’il continuera de se battre, sans «vengeance». Pour l’Egypte, car il «ne peut pas s’endormir sans penser aux milliers d’innocents qui pourrissent dans l’enfer» carcéral égyptien. 

Et pour les droits des Palestiniens. Mais aussi pour les droits de l’homme dans tout le Moyen-Orient. «Le Printemps arabe a commencé en 2011, mais il n’est pas près de s’achever», sourit-il. 

«Le changement est obligatoire et il arrive.» En Egypte, le régime actuel est, selon lui, «sanguinaire», car «il a peur». «2011 a changé les Egyptiens et ils ne peuvent revenir en arrière». 

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