Le marché de la main-d’œuvre entre l’offre et la demande

19/01/2022 mis à jour: 05:57
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Lorsqu’un pays dépense davantage plus qu’il ne produit, on dira qu’il vit au-dessus de ses moyens. L’égalité emplois/ressources est de permettre de mesurer les facteurs de la croissance. L’Algérie nouvelle,  qui s’emploie à optimiser l’activité des ressources humaines dans un contexte impacté par une double crise économique et sanitaire, parviendrait-elle à gagner le pari du marché du travail ?

Une telle question mérite toute notre attention tant il est vrai que les chiffres de l’ANEM nous donnent froid dans le dos. La publication fin novembre 2021 du marché national du travail enregistre des chiffres inquiétants lorsque cette même agence nous livre des données telles que sur 1,4 million de demandes d’emploi, seules 285 000 offres d’emploi sont disponibles marquant un déficit flagrant entre l’offre et la demande.

Crise : rupture ou retournement

Une telle crise peut correspondre à une rupture ou un retournement brutal de cette conjoncture. C’est un court moment où tout peut basculer provoquant un accroissement du chômage. On dira qu’une économie est officiellement en récession lorsque son taux de croissance est négatif deux trimestres successifs. Alors,  on se retrouve dans une situation de stagflation qui se caractérise à la fois par une inflation et du chômage.

Lorsque la récolte est mauvaise ou notre pays importe de grades quantités de blé pour satisfaire sa population impacte directement les familles paysannes du fait de la baisse de leurs revenus. La crise gagne ensuite le secteur commercial et même industriel augmentant le taux de chômage. Nous vivons la nouvelle économie de la 4e révolution industrielle où l’intelligence artificielle se fraie le chemin du monde des algorithmes et du Big data.     

Nous vivons dans un monde qui ne cesse d’évoluer, à nouveau et plus encore ces trois dernières décennies, où la machine a presque remplacé l’humain, programmée à reproduire des fonctionnalités de cerveau, avec pour objectif de réaliser des tâches répétitives de manière plus développée et beaucoup plus rapide.

Le marché de l’emploi entre des algorithmes et du big data

Aussi, grâce à cette avancée technologique révolutionnaire, marquée par le développement de l’intelligence artificielle, de nouveaux outils se sont développés et ont intégré certains secteurs, plus que d’autres, mais de son côté, le secteur de l’emploi n’a pas été épargné, perçu comme indicateur pertinent du développement socio-économique d’un pays.

Mesurer le taux d’emploi, nous permet d’avoir une vue dégagée sur le marché du travail ainsi que les capacités humaines mobilisées pour la production de biens et services.

En parlant d’emploi et de travail, on ne peut passer à côté du recrutement, un volet pivot et important de la gestion des ressources humaines, forcé également à rejoindre le monde des algorithmes et du Big data, afin de pouvoir satisfaire les besoins du marché de la main-d’œuvre, tant par la qualité que par la quantité et permettre aux entreprises d’être à jour avec leurs entourages concurrentiels.

La double crise économique et sanitaire a profondément impacté le marché du travail algérien. cela dit, une déclaration du premier responsable de l’Agence nationale de l’emploi (ANEM), publiée dans le journal Le Jeune indépendant, fin novembre 2021, confirme la situation difficile que traverse le marché du travail national, en donnant des chiffres inquiétants enregistrés au cours de l’année 2021, par son agence qui a reçu 1,4 million de demandes d’emploi en contre parti elle dispose seulement de 285 000 offres d’emploi, un déséquilibre flagrant dans la balance de l’offre et de la demande en matière de poste de travail, précisant dans la même déclaration que 33% des demandeurs d’emploi auprès de l’ANEM sont des universitaires.

Le management et le recrutement dans l’ia

L’Algérie nouvelle, parallèlement à toutes les restructurations et réformes lancées par son management dans le but d’améliorer le quotidien du citoyen et booster l’économie nationale qui, depuis longtemps, otage de la rente pétrolière, réussira-t-elle à standardiser son marché d’emploi et le développer pour accélérer sa relance économique ? L’intégration de l’intelligence artificielle dans le processus du recrutement permettra-t-elle vraiment d’optimiser l’activité des ressources humaines ? Améliore-t-elle l’expérience des candidats durant leurs recherches d’emploi ? Est-elle sans risque. 

L’arrivée de l’IA dans nos entreprises a influencé considérablement nos besoins. Pour mieux intégrer ces nouvelles technologies, il est essentiel de bien les analyser et de savoir en tirer profit afin que ces dernières réussissent à surmonter ces changements dans les meilleures des conditions, ainsi pouvoir sauvegarder l’efficacité de leur processus de recrutement.

En réalité, l’intelligence artificielle n’est qu’au début de son développement en Algérie, ce qui complique l’évaluation réelle de son impact sur le secteur économique. Cette technologie reste entourée de beaucoup de réserves et d’ambiguïtés, notamment l’interrogation relative au marché du travail et va-t-elle créer plus d’emploi ou plutôt en détruire ? 

Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique algérien qui, selon un article publié par le quotidien national El Watan, en janvier dernier, a mis en place une feuille de route relative essentiellement aux perspectives de l’enseignement, la recherche et le développement de cette discipline scientifique en Algérie. Les technologies se développent rapidement et continuellement, générant de ce fait des changements sur le tissu économique.

C’est pourquoi, les entreprises doivent s’adapter à toutes les situations possibles, en mettant en place une politique de formation de pointe qui répond aux défis du présent et prépare les collaborateurs et dirigeants aux défis du futur, comme le dit Dominique Turcq dans son livre L’Ere post-digital : «Il leur faudra se renseigner et expliquer à leurs équipes pourquoi et comment l’IA va changer le monde, il leur faudra accepter de l’utiliser pour améliorer leurs capacités de gestion et celles de leurs équipes».

En Algérie, le secteur socio-économique est faiblement connecté à l’intelligence artificielle, en particulier le secteur public qui reste encore archaïque tant par son esprit manageriel que par les procédures qui le régissent, marqué par un caractère social dépourvu de politique concurrentielle et qui, à l’heure actuelle, néglige encore le rôle et l’importance de la recherche et développement (R&D) au sein des entreprises. Malgré tous les efforts fournis par la politique du pays dans ce sens, ce dernier reste en retard par rapport au avancées réalisées par le secteur privé.

Les nouvelles compétences et le digital dans l’entreprise

Ces transformations affectent aussi le recruteur qui voit, au fil du temps, plusieurs de ses tâches chronophages telles que le tri et analyse des CV et celles sans valeur ajoutée, remplacées par des machines.

Cela l’oblige à acquérir davantage de nouvelles compétences dans le domaine du digital et des technologies nouvelles afin d’être en mesure d’interpréter et analyser les résultats fournis par la machine et se focaliser seulement sur les cas qui nécessitent des relations interpersonnelles.

L’intégration de l’IA dans le processus du recrutement a permis d’améliorer son rendement, en lui procurant plus de rapidité, performance et efficience. Car selon les chiffres du site web Focus RH, le gain de performance des nouveaux recrutés a pu atteindre les 15%, suite à l’utilisation de l’intelligence artificielle et les entreprises de recrutement sont parvenues à diminuer en moyenne de 20% de leurs coûts liés aux différentes formalités de recrutement.

Cela dit, le recrutement 4.0 n’est pas sans risque, cette discipline scientifique reste une création de l’humain à base d’algorithmes et logique, donc une mauvaise manipulation dans l’insertion des données dans le système de la machine ou la solution, pourra biaisée le résultat également. Donc l’intelligence artificielle reste plus ou moins imprévisible et ne peut que remplacer l’être humain dans des tâches répétitifs et sans valeur importante.

Enfin, avec tous les avantages et les améliorations qu’offre cette technologie révolutionnaire, les solutions futuristes et utiles qu’elle propose pour le développement de l’activité recrutement en particulier et le secteur de l’emploi en général reste malheureusement en Algérie peu utilisé et redouté par la plupart des intervenants dans le domaine.

Cela ne fait qu’engendrer encore plus de retard dans le processus de relance socio-économique du pays. Il est temps que nos spécialistes du recrutement aient conscience des évolutions du marché du travail local et mondial et essayer d’arrêter l’hémorragie de notre main-d’œuvre qualifiée provoquée essentiellement par les procédures primitives et opaques de notre système de recrutement.

L’impact de intelligence artificielle sur le candidat

Souvent, en entendant le mot recrutement, nous nous orientons  directement vers à un besoin en ressource humaine exprimé par une entreprise, une compétence recherchée ou bien un intitulé de poste à rajouter dans un organigramme.

Ce processus de recrutement est vécu par le postulant au même titre que le recruteur ou l’entreprise, c’est une partie indispensable qu’il ne faut pas négliger, à la fin, ce n’est pas qu’un CV ou une compétence à acquérir, au contraire, c’est un humain, une personne qui va subir tout un enchaînement d’événements allant de l’évaluation à la validation de sa demande.

Compte tenu de ce qui a été écrit supra, l’intégration de l’intelligence artificielle dans ce processus implique une programmation de rigueur et une utilisation pratique, responsable et équitable qui prend en considération le respect du côté humain ainsi que le degré de motivation du candidat.

Cela impose une maîtrise avancée dans le monde des algorithmes et de la logique, afin d’éviter tout biais ou discrimination liée aux mauvaises manipulations ou stéréotypes développés par l’intervenant humain.

Le sourcing digital et les communautés du web

Dans ce même sens, Marc Pesah a écrit dans une de ses publications sur le réseau social professionnel LinkedIn en 2018 «un algorithme, nourri et entraîné de manière sexiste sera sexiste. Le même algorithme entraîné de manière éthique sera éthique».

De nos jours, rares sont les gens qui recherchent du travail, consultent les annonces dans les journaux ou magazines, le digital a gagné du terrain et a facilité l’accès à l’information rapprochant ainsi offres et demandes en mode gagnant-gagnant, tel que le sourcing digital ou bien les communautés sur le web qui partagent le même centre d’intérêt. Tous ceci est bon, mais ensuite, il faut être capable de séduire les profils repérés et créer un intérêt pour pouvoir les faires adhérer à la vision et aux attentes de l’entreprise.

Finalement, l’intelligence artificielle sous toutes ses formes et facettes présente un outil technologique puissant et efficace. Placé entre les mains de professionnels à ce jour avec les techniques et les défis du présent, il amorcera une autre ère du sourcing dans le recrutement des candidats.

En conclusion, même s’il est vrai que l’entreprise qui recrute le candidat, ce dernier de son côté aussi doit choisir l’entreprise et tous les deux tirent profit des avantages de l’IA et partagent les mêmes risques. On estime que le taux de chômage en deçà duquel les pressions inflationnistes devaient se déclencher était de 6%, (c’est le fameux nairu) c’est dire le «non accelerating inflation rate on unemployment», plus précisément lorsque le taux en deçà duquel la baisse du chômage se paye d’une hausse de l’inflation.

Ikram-Eddine Haïchour
Licence en management à HEC Alger, ex-INC
Cadre ressources humaines
MBA en management et direction des entreprises

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