Les chiffres du bilan de l’année 2023 sur le trafic de la drogue et des psychotropes en milieu urbain, présenté au mois de mars par la cellule de communication de la DGSN, dépassent l’imagination. On retiendra parmi toutes les données un chiffre des plus effarants. Celui de la saisie, au bout d'une année, de plus de 13,566 millions de comprimés de psychotropes, soit plus du double de la quantité globale enregistrée en 2022.
Du jamais-vu dans les annales des opérations de lutte contre les stupéfiants, de quoi inquiéter sérieusement. On se rappelle bien des premières alertes données par les praticiens et les pharmaciens en 2006, quand le phénomène a commencé à prendre de l’ampleur. Malgré tous les plans de lutte, la consommation des psychotropes n’a cessé de croître, favorisée par des facteurs sociaux qu’on avait tendance à négliger. Il faut dire que le trafic de ces comprimés a suivi une demande en hausse pour devenir une activité très lucrative.
Depuis, la législation algérienne n’a cessé de s’adapter à toutes les ficelles et voies détournées empruntées par les trafiquants qui redoublent d’ingéniosité, en ayant toujours les moyens d’inonder le marché. On citera, entre autres, les dispositions du décret exécutif n° 19-379 du 31 décembre 2019 fixant les modalités de contrôle administratif, technique et de sécurité des substances et médicaments ayant des propriétés psychotropes. Elles seront suivies par la loi n° 23-05 modifiant et complétant la loi n° 04-18 relative à la prévention et à la répression de l’usage et du trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes.
Des avancées ont été enregistrées pour définir et encadrer la responsabilité des différents intervenants, ce qui permet aux praticiens et aux pharmaciens de travailler dans la légalité. Le renforcement des inspections a toujours été recommandé pour lutter contre l’usage frauduleux des ordonnances fictives et de complaisance. Une mesure qui impose de former encore plus d’inspecteurs de la santé, dont le rôle est déterminant dans le respect des dispositions mises en place. Malheureusement, leur nombre demeure très insuffisant face à la hausse considérable des intervenants dans une filière en nette croissance. Les saisies importantes opérées en milieu urbain par les services de la police nous renseignent sur les efforts considérables accomplis par ce corps de sécurité.
Des moyens énormes sont déployés tout en misant sur un travail de recherche et d’investigation pour démanteler les réseaux de trafiquants se développant à une cadence incroyable. Le plus grand danger réside surtout dans les trafics révélés chez certains distributeurs, mais aussi auprès de la nouvelle filière libyenne qui introduit clandestinement des comprimés de prégabaline par centaines de milliers à travers la frontière est du pays. Qualifiée désormais de «drogue du pauvre», la prégabaline se vend actuellement comme des bonbons dans la rue.
Une véritable menace pour la société, nécessitant un grand travail de sensibilisation à tous les niveaux, avec une sérieuse analyse des causes sociales qui sont derrière pour en apporter les solutions. Si les pouvoirs publics sont appelés à appliquer des mesures répressives plus sévères à l’encontre de ceux qui font dans l’incitation, ils devront penser surtout à protéger les consommateurs considérés comme des malades.
Dans ce sens, beaucoup reste encore à faire pour la prise en charge médicale et psychologique de ces cas dans des centres spécialisés qu’il faut multiplier et leur affecter des médecins spécialisés. Car il s’agit bien de la santé et de l’avenir de cette jeunesse.