Désormais dotés des pleins pouvoirs, les walis devront affronter un mal profond, celui de la bureaucratie, celle-là même qui met constamment à rude épreuve les populations, notamment des zones peu urbanisées. Grande obsession du citoyen, la bureaucratie, c’est un document officiel à obtenir avec plusieurs tampons rouges et de belles signatures, c’est toujours un parcours du combattant dans presque tous les secteurs, le foncier, le logement, le fisc, la retraite, l’héritage, etc. La forte urbanisation du pays, l’exode rural et l’explosion démographique ont fait exploser la demande en papiers officiels, alors que l’administration a évolué à son propre rythme, c’est-à-dire doucement, presque hors du temps, selon ses besoins. Les quelques progrès introduits dans les administrations n’ont pas suffi à la mater, car si le mal réside dans la boulimie des papiers officiels, il est aussi au niveau de l’humain. Frustrés à cause de leurs salaires peu motivants et les contraintes horaires, des fonctionnaires finissent, au fil du temps, par développer un pouvoir administratif, voire politique. Il leur arrive de décider seuls, dans l’ombre ou dans les salons feutrés et leur terrain de prédilection est la haute administration. La bureaucratie a comme visages les textes d’application, les circulaires, les notes, les directives… et bien sûr les comportements. Elle a la capacité de contourner la loi ou de l’interpréter à sa façon et l’Executif politique souvent n’y peut rien. Voilà un immense chantier pour les walis qui viennent d’être dotés de toutes les prérogatives nécessaires pour faciliter la vie des citoyens. Ils ont à leur disposition le corps nouvellement créé des médiateurs régionaux dépendant d’un médiateur de la République. Une belle idée, cette intermédiation pour faciliter aux administrés la transmission de leurs doléances vers les administrations concernées. Le wali doit veiller à ce que le circuit ne soit pas parasité et que le fonctionnaire sollicité y apporte la réponse appropriée. Cela fonctionne bien dans certaines wilayas, mais dans d’autres non, là où la bureaucratie a fini par avoir le dessus, même sur cette formule. Il semble que cela marche mieux, davantage au niveau national, lorsque le médiateur national est sollicité pour débloquer un projet d’investissement ou faire redémarrer une usine ou un chantier à l’arrêt. A ce niveau, c’est relativement plus facile, car il y a l’œil des hautes autorités, voire de la présidence de la République. Le bureaucrate a une peur bleue de l’autorité qui n’hésite pas à sévir. Aussi, des centaines de verrous ont sauté du fait de l’intervention de ces médiateurs, des outils de production ont été sauvés et des milliers d’emplois sauvegardés ou créés. Il ne faudrait surtout pas s’endormir sur ses lauriers, car avec l’usure du temps et le poids des habitudes, la bureaucratie pourrait investir cette médiation, soit pour la contourner soit l’utiliser à son profit. Car la bureaucratie est tenace, a besoin de sang neuf et constamment se renouveler. Le wali doit la traquer en permanence et surtout éviter que lui-même n’endosse les habits d’un bureaucrate.