Déplorant un «mépris» et une «fébrilité», le n° 1 du Parti socialiste, Olivier Faure, a promis un «harcèlement démocratique» pour revenir sur le recul de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
Le président Emmanuel Macron s’adressera demain lundi aux Français après la promulgation hier au Journal officiel de l’impopulaire réforme des retraites et sa mesure phare de recul de l’âge de départ à 64 ans. Après la validation du texte par le Conseil constitutionnel vendredi, les syndicats avaient demandé «solennellement» au président français, qui disposait de 15 jours pour rendre le texte exécutif, de «ne pas promulguer la loi».
La secrétaire générale du syndicat CGT, Sophie Binet, a dénoncé hier une décision «totalement honteuse», tandis que son homologue à la CFDT, Laurent Berger, a regretté «le mépris renvoyé aux travailleurs». «Vouloir aller vite, ça ressemble à de la provocation», a abondé Frédéric Souillot de FO. Déplorant un «mépris» et une «fébrilité», le n° 1 du Parti socialiste, Olivier Faure, a de son côté promis un «harcèlement démocratique» pour revenir sur le recul de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
A la mi-journée, l’Elysée a annoncé que le chef de l’Etat s’adresserait aux Français lors d’une allocution télévisée demain soir «dans une logique d’apaisement» et «regarder aussi ce qui a avancé à côté des retraites», a promis le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, citant la baisse du chômage et des impôts, l’augmentation du nombre d’apprentis, etc. La Première ministre, Elisabeth Borne, s’exprimera elle samedi après-midi, à l’occasion du conseil national du parti présidentiel Renaissance à Paris.
«Ce n’est pas fini», a tonné l’intersyndicale, unie depuis trois mois contre cette réforme et qui a décliné une invitation à se rendre mardi à l’Elysée. Elle mise sur le traditionnel rendez-vous social du 1er mai, qu’elle souhaite transformer en une grande mobilisation contre la retraite à 64 ans.
En attendant, les quatre syndicats représentatifs des chemins de fer SNCF ont annoncé «une journée d’expression de la colère cheminote», dès jeudi. Et la CGT a évoqué des actions à venir dans tous les secteurs jeudi ainsi que le 28 avril. Renouer avec les syndicats ne sera pas chose aisée. «Il y aura du ressentiment, des cicatrices», glisse un proche du chef de l’Etat.
L’intersyndicale a estimé que la censure par le Conseil constitutionnel de six articles de la loi (notamment sur l’emploi des seniors) rendait ce texte, «déjà injuste», «encore plus déséquilibré». Le Conseil a également bloqué une première demande de référendum d’initiative partagée (RIP) de la gauche, qui espérait entamer la collecte de 4,8 millions de signatures en vue d’une inédite consultation des Français. Il statuera le 3 mai sur un deuxième projet de RIP visant à contrecarrer la réforme.
Consternation et colère
La décision du Conseil constitutionnel a été accueillie par des huées, de la consternation ou de la colère lors de rassemblements dans le pays qui ont parfois débouché sur des manifestations sauvages émaillées de dégradations. A Paris, 112 personnes ont été interpellées, selon la police. La veille, jeudi, la 12e journée de manifestation, avait livré le deuxième plus faible score de mobilisation depuis le début du mouvement (380 000 manifestants selon le ministère de l’Intérieur, 1,5 million selon le syndicat CGT).
Le mouvement social, l’un des plus importants des dernières décennies, a débuté après la présentation de la réforme, le 10 janvier, et a donné lieu à des manifestations massives, alors que le texte était examiné au Parlement dans une ambiance très tendue entre gouvernement, qui ne dispose pas d’une majorité absolue à l’Assemblée, et opposition.
Députés et sénateurs socialistes ont déjà annoncé leur intention de déposer un texte législatif demandant l’abrogation de la réforme des retraites, texte adopté après l’utilisation du «49.3», article controversé de la Constitution française permettant d’adopter un projet de loi sans vote des députés.
La France est l’un des pays européens où l’âge de départ à la retraite est le plus bas, mais avec des systèmes très différents. L’Exécutif justifie son projet par la nécessité de répondre à la dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population, mais les opposants le jugent «injuste», notamment pour les femmes et les salariés aux métiers pénibles.