Quinze heure tapantes, la coupole Mohamed Boudiaf d’Alger est comble. Le public est déjà en place, plus aucune place de libre. C’est à peine 13h passées que l’accès était déjà ouvert. Salle d’une capacité de 15 000 spectateurs pour les concerts n’a pas suffi pour contenir le public très nombreux, constitué essentiellement de familles, contraintes d’occuper les allées, dont certains sont restées debout, mais aucun incident à signaler.
Le méga-concert de Lounis Aït Menguellet s’est produit dans une bonne ambiance. Un gala grandiose. L’artiste, qui fêtera ce jeudi ses 74 ans, a fait vibrer la salle pendant près de quatre heures. Il y a eu, comme à l’accoutumée, de la complicité et de l’entente entre le chanteur et son public.
Les deux parties sont fidèles à la communion construite au fil des années. «Nous attendons avec impatience son nouvel album que je viens d’acheter, mais sur scène, je préfère écouter ses anciennes chansons, c’est nostalgique», témoignage Saâd, un de ses fans.
Le public a eu droit à 20 titres soigneusement préparés pendants 6 mois. De la déception amoureuse, de la philosophie, de la sagesse, mais surtout de la politique, le poète séduit et gratifie son public. Portant un béret pour «se protéger du froid», Aït Menguellet préfère cette fois-ci s’asseoir. Il le fait rarement sur scène.
Pour cette nouvelle attitude, il préfère s’excuser auprès de son public : «Lorsque j’étais jeune, je me mettais sur un seul pied pendant tout le concert, aujourd’hui, je n’ai plus cet âge.» Accompagné par un orchestre d’une vingtaine de musiciens dirigé par son «bras droit», son fils, Djaâfar à la flûte, Aït Menguellet a offert une partie de plaisir extraordinaire à son public, fidèle à lui-même.
Le rituel est toujours le même. Chaque titre, très applaudi dès son entame, le public chante la totalité des chansons avec lui en insistant sur les passages où des messages phares qui sont véhiculés. C’est avec la chanson Amiss u-mazigh (Le fils du Amazigh) qu’il entame son répertoire choisi cette fois-ci à l’occasion du Nouvel an amazigh. Il se concentre plutôt sur les anciennes chansons et surtout sur ses titres engagés. Une surprise agréable pour son public qu’il a toujours sollicité sur ce répertoire. Il a creusé en effet dans ce répertoire le plus admiré. Il chante, en duo avec son fils Djaâfar en compagnie de la chorale Ug-dhed-yennayer.
La relève
C’est lors de cette chanson que le petit-fils, qui fait aussi partie de cette chorale, fait son intrusion. Le public est resté bouche bée ! Une grande admiration et respect au petit adolescent qui a interprété deux complets de cette chanson, dont certains passages étaient oubliés par le chanteur Aït Menguelet. Iddaq ull aw-nahkugh (Je vous raconte ce que j’ai sur le cœur), Thamurth Tugi Attehlu (Le mal du pays).
Une longue chanson, pas d’ailleurs terminée, qui explique dans la totalité de ses refrains comment une main étrangère finit toujours par avoir raison des communautés noyées dans des désaccords. Puis Svar ayul-iw (Patience mon cœur), Chna ayagui da mahboul, (Cet art fou), Ur yicha gga (Ne me quitte pas), Sarah iwaman adha-lhun (Laisse l’eau couler), une chanson philosophique, un dialogue avec un sage qui montre le chemin et la devise de vie aux autres. L’idée, selon lui, est que rien ne vaut finalement des lourds sacrifices.
Et puis changement de rythme pour enflammer la salle Telt Iyyam (Trois jours) et le rythme encore redescend avec Dyri-yi, Aylam Aâqlith et aussi JSK. Après une pause de 15 minutes, pendant laquelle le public a aussi admiré une magnifique reprise d’une chanson Aka zwadj a yemma d’Aït Menguellet par la troupe de chant traditionnelle Agraw Tlawin de Takoucht de Bouzegane. Le groupe a remporté cette semaine le premier du prix du premier Festival du chant populaire féminin Urar Lkalath.
Le fils du chanteur, Tarek Aït Menguellet, qui fait aussi partie du groupe des musiciens, dans la guitare électrique, chante Ittig (Soleil). L’incontournable Saïd Gozli au bendir, Chabane Ben Ameur à la derbouka, Amine Amirat à la batterie, Saïd Guarbas au violent ou cheikh Salem à la flûte reprennent leurs instruments avec l’artiste Aït Menguellet pour chanter huit autres titres, à savoir Sagam-nagh ussan, Tha3kumt Attzay (Le fardeau), Lkhiq (Solitude), Menagh (Le souhait). Anwali (Nous voyons), Adnughal (Nous y reviendrons), une chanson sur les personnes forcées de quitter leur patrie par peur de terrorisme ou toutes ces autres ayant sacrifié leur vie pour rester fidèles à leur pays et être à côté des leurs.
Il chante Attas-Attas, avant de conclure son concert à 18h 40, comme d’habitude avec Ruh nekki adeqimagh (Pars et moi je reste). Lounis Aït Menguellet pendant ce concert a eu une pensée aux chateurs kabyles disparus récemment, Idir et Chérif Hamani.