Les membres du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), qui ont pris le pouvoir au Niger, il y a près d’un mois, après avoir renversé le président Mohamed Bazoum, ont annoncé jeudi qu’ils autoriseraient les forces armées de leurs voisins du Burkina Faso et du Mali à intervenir sur leur sol «en cas d’agression».
Les ministres des Affaires étrangères du Burkina Faso et du Mali, Olivia Rouamba et Abdoulaye Diop, étaient en visite jeudi à Niamey où ils ont été reçus par le nouvel homme fort du Niger, le général Abdourahamane Tiani, chef du CNSP. Ils ont «salué» la signature d’ordonnances «autorisant les forces de défense et de sécurité du Burkina Faso et du Mali d’intervenir en territoire nigérien en cas d’agression», selon un communiqué lu par Oumarou Ibrahim Sidi, le secrétaire général adjoint du ministère des Affaires étrangères nigérien, à l’issue de la visite.
Très vite après le coup d’Etat du 26 juillet à Niamey, Bamako et Ouagadougou ont affiché leur solidarité avec les nouvelles autorités nigériennes, en particulier face à la menace brandie par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) d’intervenir militairement pour rétablir l’ordre constitutionnel. Les deux pays avaient ainsi mis en garde la Cédéao contre toute intervention au Niger, qui serait assimilée à une «déclaration de guerre», ce qu’ils ont répété jeudi.
Le général Tiani avait, de son côté, assuré samedi dernier qu’une telle opération armée ne serait «pas la promenade de santé à laquelle certains croient». L’option de l’opération militaire, brandie par la Cédéao pour replacer le président Bazoum au pouvoir à Niamey, n’est pas populaire en Afrique de l’Ouest et plus globalement en Afrique. Elle est rejetée par la société civile africaine et les parlementaires de nombreux pays, à commencer par ceux du Sénégal et du Nigeria, qui craignent de voir la région s’engouffrer davantage dans le chaos. Même l’Union africaine y voit une source de danger. L’organisation n’a d’ailleurs pas hésité mardi dernier à exprimer ses réserves concernant cette intervention militaire et a préféré appeler à une solution diplomatique.
Réuni le 14 août, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA a ainsi indiqué avoir pris note «de la décision de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest», de «déployer une force» au Niger, ajoutant avoir demandé à la Commission de l’UA «une évaluation des implications économiques, sociales et sécuritaires» d’un tel déploiement, tout en affichant clairement sa préférence pour la voie diplomatique.
Le CPS a par ailleurs dit appuyer les «efforts de la Cédéao dans son engagement soutenu en faveur du rétablissement de l’ordre constitutionnel par des moyens diplomatiques», puis a affirmé soutenir un «rétablissement pacifique» de «l’ordre constitutionnel» au Niger. Il a invité également «la junte militaire au Niger à coopérer avec la Cédéao et l’UA en vue d’un rétablissement pacifique et rapide de l’ordre constitutionnel». Le CPS a appelé aussi ses Etats membres à «mettre pleinement en œuvre les sanctions imposées par la Cédéao» contre le Niger, tout en demandant leur «application progressive» et que soit minimisé leur «effet disproportionné sur les citoyens du Niger».
Il s’agit-là d’une manière aussi toute diplomatique pour l’UA de signifier son opposition aux sanctions de la Cédéao. De son côté, l’organisation Ouest-Africaine maintient vouloir «rétablir l’ordre constitutionnel au Niger». Elle répète sa préférence pour une solution diplomatique mais agite toujours la menace de l’usage de la force, ce qui pour de nombreux observateur n’est pas cohérent. Ce constat a conduit des analystes à penser qu’il y a une ou des puissances extrarégionales qui poussent la Cédéao à déclarer la guerre au Niger.
Une délégation de l’organisation s’était rendue samedi dernier à Niamey pour négocier une sortie de crise. Ses émissaires ont rencontré le chef du régime militaire, le général Abdourahamane Tiani et le président renversé Mohamed Bazoum. «Notre visite au Niger a été très fructueuse» et «a dégagé une piste pour commencer à discuter», avait déclaré l’ancien président nigérian, Abdulsalami Abubakar, qui a conduit la délégation. «Nous espérons arriver à quelque chose», a-t-il affirmé, mardi. Mais, depuis, la Cédéao met plus en avant son intention de régler la crise militairement que diplomatiquement. C’est le 10 août que la Cédéao avait annoncé son intention de déployer une force ouest-africaine pour rétablir M. Bazoum et a assuré vendredi dernier avoir fixé «le jour de l’intervention», sans en préciser la date.
A noter qu’une haute responsable américaine était attendue aussi hier en Afrique de l’Ouest pour tenter de trouver une issue diplomatique à la crise au Niger, théâtre d’un coup d’Etat fin juillet. Molly Phee, la sous-secrétaire d’Etat pour l’Afrique, fera trois principales haltes : Nigeria, Ghana et Tchad.
Durant son voyage, Molly Phee «reviendra sur les objectifs communs que sont la préservation de la démocratie durement acquise par le Niger et la libération immédiate du président Bazoum, de sa famille et des membres de son gouvernement injustement détenus», selon un communiqué du département d’Etat. Au Tchad, Molly Phee parlera également des violences qui ont lieu au Soudan, pays frontalier. Elle évoquera aussi la «transition politique» du Tchad, selon le département d’Etat.