Le 26e Salon international du livre d’Alger (SILA) se poursuit au Palais des expositions des Pins maritimes, à l’ouest de la capitale, avec l’organisation de plusieurs rencontres, débats et vente-dédicaces.
Le premier week-end du SILA, un week-end ensoleillé, a été marqué par une forte affluence du public. Plusieurs parents sont venus avec leurs enfants alors que des établissements scolaires publics et privés organisent des visites pour les élèves. Une manière de préparer les lecteurs et les auteurs de demain !
Le pavillon Ahaggar abrite des activités destinées aux enfants avec des ateliers de dessin, d’écriture, des séances de conte et des spectacles de clown et de jeux. Des stands regorgent d’ouvrages pour enfants, de manuels parascolaires et de livres de coloriage.
L’espace enfant et jeune public est devenu un passage incontournable au SILA. A l’entrée du pavillon Ahaggar est un installée une salle où des débats sur l’édition numérique sont organisés chaque jour en présence d’experts et de professionnels. L’Office national des publications scolaires (ONPS) a, par exemple, annoncé, lors d’un débat, la numérisation progressive des manuels scolaires pour tous les paliers.
«La machine va commencer à écrire ses propres livres !»
Le Haut Conseil de la langue arabe (HCLA) a, pour sa part, mis en ligne près de 200 livres. Un café numérique est organisé au SILA pour permettre aux professionnels d’échanger sur les perspectives de l’édition de livre online.
Des terminaux de paiement par carte ont été installés pour permettre la vente des livres. Algérie Poste et EMS champion ont établi un partenariat pour faciliter l’acheminement des livres achetés vers leurs destinataires. Un premier pas qui sera suivi par d’autres. Une promesse de ces deux partenaires.Il faut juste noter que «la digitalisation» du SILA avance doucement compte tenu de certaines contraintes techniques et administratives.
A côté du pavillon Ahaggar est installé la salle Tassili qui abrite les débats et les estrades. Le romancier Waciny Laredj a modéré une rencontre sur «La critique littéraire dans le monde arabe» en présence du Soudanais Majdoub Al-Aidarous, l’Egyptienne Nancy Ibrahim, le Tunisien Ahmed Al-Jawa et l’Algérien Yamin Bentoumi. Le constat est que les concepts et les terminologies en matière de critique littéraire diffèrent entre le Maghreb et le Machreq.
«La période des grandes histoires»
Un plaidoyer a été fait pour l’unification des concepts avec une meilleure maîtrise académique. Le débat s’est intéressé aussi au livre numérique. «La machine va commencer à écrire ses propres livres !» a prévenu Yamin Bentoumi à propos de l’intelligence artificielle (IA). Waciny Laredj a, de son côté, estimé qu’il faut d’abord préciser la nature de l’œuvre électronique ou numérique avant de parler de la critique littéraire pour ce genre de publications.La même salle Tassili a accueilli un autre débat sur le «Roman et les pratiques d’expérimentation». Le modérateur Hamid Bouhbib a regretté que les Algériens aient peu d’informations sur la littérature actuelle en Europe de l’Est et Europe centrale en raison de la faiblesse du mouvement de traduction surtout vers la langue arabe en Algérie. Le Tchèque Jean-Gaspard Pàliniek a évoqué la littérature apparue après la fin de l’époque communiste.
«Le début des années 1990 était une période d’énorme foisonnement. La période des grandes histoires. On avait l’impression que tout était possible après la fin du régime totalitaire communiste mais on n’a pas eu une bonne littérature. La littérature clandestine était devenue accessible. Tout ce qui était interdit avait une aura de prestige. Après l’ouverture, on a tenté l’expérimentation dans la littérature pour explorer tous les courants. La Tchéquie a connu un passage à vide en matière de qualité littéraire notamment dans le roman. On s’attendait tous au grand roman qui relatait l’expérience tchèque des quarante ans du régime communiste. Où est ce roman ? Je me pose toujours la question», a souligné Jean-Gaspard Pàliniek.
L’Algérienne Rabéa Djalti a, pour sa part, confié avoir pris du temps avant de publier son premier recueil de poèmes et son premier roman. «J’ai beaucoup lu des livres en arabe, en français et en espagnol avant de passer à l’écriture. Je voulais proposer quelque chose de nouveau, jamais publié auparavant», a-t-elle dit. Elle a cité, en exemple, son roman Dharwa (Le culmination), paru en 2009.
«C’était une tentative de dépasser ce qui existe déjà. Ce roman a été analysé par les critiques et est étudié dans les universités en Algérie et dans les pays arabe. Au salon du livre de Dubaï, ce roman a été discuté et qualifié de nouvelle expérience dans l’écriture», a souligné Rabéa Djalti.
«Des hommes dans le soleil»
L’écrivain palestinien Ibrahim Nasrallah, un des invités illustres du SILA 2023, a évoqué, lors du même débat, son expérience avec l’écriture, commencée à l’âge de 26 ans, «à l’époque où la poésie avait plus de place que le roman». Ibrahim Nasrallah, né six ans après la Nakba (survenue en 1948), a vécu à Amman en Jordanie et travaillé en Arabie Saoudite. Il a publié une trentaine de romans dont Al Malhat Al Falastinia où il narre l’histoire tourmentée de la Palestine au fil des siècles. Selon lui, les Palestiniens n’ont jamais baissé les bras.
A côté de l’esplanade du Palais des expositions, un chapiteau est consacré aux débats sur la Palestine dans «l’espace Ghaza». Chaque jour, à 16 h, des rencontres sont organisées autour de l’idée de la résistance à travers le roman et la poésie. Amina Bellala, enseignante à l’université d’Alger, a évoqué la présence de «la lutte des Palestiniens pour la récupération de leurs terres» dans les romans parus depuis la Nakba. Elle a cité, entre autres, Ghassan Kanafani et son œuvre Des hommes dans le soleil, paru vers 1963. Ghassan Kanafani, qui était journaliste aussi, a été assassiné en 1972 à Beyrouth dans un attentat à la voiture piégée. Une soirée poétique a été consacrée à la Palestine et aux «blessures de Ghaza», le samedi 28 octobre, en présence de Slimane Djaouadi, Toufik Ouamane, Faten Djelouat, Fouzia Laradi, Nadia Sebki, Brahim Kara Ali et Azouz Akil.
(Un espace dédié à Ghaza est ouvert à l’esplanade du Palais des expositions , Photo: B. SOUHIL )
Les jeunes auteurs mis en valeur
Le Haut Conseil à la langue arabe (HCLA) a prévu durant le salon plusieurs débats et discussions sur l’édition numérique, la sécurité biométrique, les imprimantes 3D, le dictionnaire électronique et le fichier national des traducteurs. Le Haut Commissariat à l’amazighité (HCA) a également programmé des journées thématiques et des tables rondes sur, entre autres, «Le lectorat du livre littéraire amazigh» et «Le rôle de la traduction dans la diffusion et la circulation des œuvres littéraires et les productions scientiquies en tamazight».
Des ventes-dédicaces sont organisées dans le stand du HCA (pavillon central) sur les nouvelles publications de Rachid Adjaout, Saida Abouba, Sabah Lekcir et Fatma Alamin. Les éditions Casbah, Dalimen, Chihab, APIC, ENAG, ANEP, Barzakh, Hibr, Elbayazid, Houma, Sajed, El Ouma, Frantz Fanon et autres organisent chaque jour des ventes-dédicaces avec les auteurs avec une présence particulière des jeunes à l’image d’Abdelaziz Otmani, de Manel Benchouk, de Fatah Boumehdi, Mohamed Benmehia et d’Aimen Laïhem.
A l’intérieur du pavillon central, la Délégation de l’Union européenne (DUE) organise plusieurs activités dont des ateliers sur «La biologie pour enfants», «La création de bande dessinée», «L’écriture de poésie», «La robotique pour enfants» et «La création de contenu sur les réseaux sociaux». L’espace est consacré aussi à la présentation de certains programmes comme le réseau EU Jeel Connect, Erasmus (études universitaires) et She Entrepreneurs et Si leader lab. L’Institut culturel italien a organisé dans le même espace une rencontre sur «L’intelligence artificielle et la création littéraire».
«Mes étoiles noires»
Un quiz sur l’Union européenne sera organisé le dernier jour du SILA, samedi 4 novembre. L’Institut français d’Algérie (IFA) organise des débats autour de nouveaux ouvrages comme celui de Lilian Thuram Mes étoiles noires (paru en Algérie aux éditions Barzakh). L’IFA organise aussi des ateliers d’écriture avec Marin Fouqué, artiste, diplômé des beaux-arts en France.
A noter enfin qu’un colloque sur l’œuvre du penseur Malek Bennabi «et les causes actuelles» est prévue, ce mardi 31 octobre, à la salle Tassili, à partir de 10 h avec l’intervention de nombreux universitaires et chercheurs comme Amna Mahmoud Abu Hatab (Palestine), Badrane Belhassane (Qatar), Mohamed Tahar Missaoui (Indonésie), Imadeddine Abderaziq (Egypte), Amar Talbi, Abdelkader Bouarfa et Naïma Driss (Algérie). Le colloque sera modéré par le spécialiste en philosophie Bouzid Boumediène.
Reportage réalisé par Fayçal Metaoui