Bouzid Temtem est un artiste à l’esprit éveillé. Sa tête est bouillonnante d’idées. Il touche à tout. Il ne cesse d’expérimenter de nouveaux moyens d’expression et il l’a déjà montré à diverses occasions. Pour lui, l’art est vaste comme l’espace.
Il suffit de l’explorer pour découvrir ses merveilles. Tout objet, idée ou événement peuvent l’inspirer, même s’ils paraissent aussi banals. Le public de l’Institut français de Constantine (IFC) a découvert cet artiste-peintre, jeudi 5 octobre, à l’occasion d’une exposition originale. Mais pour frapper encore, Bouzid Temtem a improvisé une performance, une sorte de «démonstration artistique», si on ose l’appeler ainsi.
Un spectacle en public et en direct. Sur un papier de forme carrée, collé au sol du jardin de l’IFC, et qui peut contenir à peine un homme, Bouzid, pieds nus, s’est donné libre cours à son imagination. Avec comme outil un simple couteau de cuisine, il dessine des lignes et des courbes. Il tourne, avance, recule, donnant l’impression d’effacer ses pas, puis se met à genoux et improvise une danse. Il est en pleine concentration, comme un moine bouddhiste. L’assistance reste silencieuse et attentive. Bouzid s’arrête et relève le papier. On découvre la surprise.
Une étoile qui jaillit du sol par magie. C’était le prélude à l’événement culturel que l’artiste a invité le public à découvrir. Une rétrospective d’œuvres hybrides regroupant des tableaux, des compositions, des sculptures et des objets conçus avec du plâtre, du papier, du carton, et des cornes d’animaux. Divers matériaux qui peuvent donner naissance à des créations artistiques. L’exposition qui porte le titre de «Nedjma» est inspirée de la littérature algérienne, du célèbre roman de Kateb Yacine, mais aussi du Polygone étoilé du même auteur. «Nedjma, c’est ma fille, c’est Nedjma de Kateb Yacine, c’est aussi Nedjma qui a inspiré le poème d’El Boughi de Djaballah ; Nedjma c’est aussi l’Algérie.» Bouzid explique que son inspiration tirée de ces romans apparaît dans les formes, les images, les symboles et les couleurs.
«Ce sont des tableaux qui expriment la déchirure, les blessures et les souffrances de la femme. Cette dernière est toujours présente dans mes œuvres», a-t-il confié. La ville de Constantine garde également une place dans la vie et le parcours de Bouzid. «Il s’agit de ma deuxième exposition à l’IFC. J’ai déjà pris part à une exposition collective intitulée ‘‘L’Est expose’’, partie de Constantine pour faire le tour de plusieurs villes. J’ai un lien particulier avec la ville de Constantine, puisqu’elle est celle de ma mère et mes oncles maternels, issus d’une famille bien connue, mais elle est aussi la ville natale de mon épouse», a-t-il confié en aparté à El Watan.
Un parcours voué à l’art
Le fils d’Annaba, où il est né en 1969, était doué pour le dessin dans sa jeunesse. «C’était la mode à l’époque; je dessinais beaucoup, même si je suis né dans une famille d’artistes, chacun à sa manière ; il y a ceux qui ont choisi la couture, la menuiserie ; moi, j’allais faire architecture, mais un enseignant m’a conseillé de choisir la voie des beaux-arts, ce que j’ai fait», a-t-il révélé lors d’un bref entretien accordé à El Watan, en marge de l’exposition. Après un cursus scolaire dans sa ville natale, Bouzid suit des études à l’Ecole des beaux-arts d’Alger d’où il obtient son diplôme en 1996, avant de poursuivre une formation à Dunkerque en France. Coiffeur à ses débuts, Bouzid avoue avoir écrit un livre intitulé La lame et le blaireau, qu’il n’a pas pensé publier à ce jour. Mais derrière le portrait de l’artiste se cache aussi celui d’un homme qui se passionne pour l’écriture, peu importe son genre, notamment les pensées et les poèmes. «Quand je ne peins pas, j’écris», avance-t-il, comme pour maintenir son attachement à sa deuxième passion.
Ceci n’occulte pas le fait que la peinture et la sculpture dominent le quotidien de Bouzid. Il est toujours en ébullition, à la recherche de nouveaux sujets, de nouvelles créations. «L’art est une chose très simple pour moi ; je peux créer une œuvre à partir de quelque chose de très simple ; d’ailleurs je peins comme je casse la croûte», dit-il avec humour. «Toutes ces œuvres que vous voyez ici sont nées durant le confinement de la pandémie du coronavirus ; on était tous enfermés et il n’y avait rien ; mais il fallait peindre et créer ; l’artiste ne peut pas rester sans rien faire ; alors je me suis mis à peindre, à faire du collage pour donner forme à ces tableaux», a-t-il expliqué à des visiteurs. Il faut dire que le plus beau fait dans cette exposition a été le contact direct entre Bouzid Temtem et le public.
Ce dernier était avide de connaître les moindres détails sur ses œuvres, leurs significations, leur conception, le pourquoi de telle ou telle création. Des questions fusant de partout et qui dénotent d’un intérêt avéré pour l’art de la part de jeunes et d’adultes à la fois. Bouzid répondait avec amabilité et humilité, même s’il n’est pas vraiment bavard. Interrogé par El Watan sur l’absence de titres pour ses tableaux et même pour les créations et les sculptures, Bouzid a révélé qu’il a laissé toute la liberté au public de lire ses œuvres à sa manière, selon sa vision des choses et sa propre instruction.
L’exposition de Bouzid Temtem se poursuit à l’Institut français de Constantine pour ceux qui désirent découvrir la magie des formes et des couleurs dans les œuvres d’un artiste pleinement dévoué pour son art.