Lanasri Mohamed Ameziane. Directeur général de l’ONTA : «Parler de sécurité alimentaire, c’est parler de la sécurité de l’eau»

13/03/2023 mis à jour: 00:38
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Lanasri Mohamed Ameziane

Dans notre dynamique à couvrir le chantier de la transformation agricole en Algérie, El watan s’est adressé à une administration centrale de l’orientation de l’activité agricole qu’est l’Office national des terres agricoles (ONTA). Au siège de Birtouta, nous avons pu nous entretenir avec son directeur général, Lanasri Mohammed Ameziane, un cadre issu du domaine agricole qui maîtrise parfaitement son sujet et avec qui nous avons pu revoir toute l’historiographie de l’activité agricole en Algérie.

  • Quel est le rôle de l’Office national des terres agricoles (ONTA) ?

L’Office national des terres agricoles (ONTA) est un outil d’orientation de l’activité foncière. Depuis 2011, la première mission était de garantir la conversion des droits de jouissance des terres agricoles en droits de concession. Faisant passer le cadre de l’activité agricole de l’acte administratif à durée de 99 ans à un acte de concession de 40 ans renouvelable. Sachant que le nerf de la guerre est l’argent. Tous les concessionnaires ont la possibilité d’hypothéquer l’acte de concession dans l’objectif de développer la concession agricole. Le but de l’Office est d’être une banque de données qui cartographie les terres exploitables et les attribue selon un schéma d’application, qui a pour objectif d’arriver à élever le niveau de vie du concessionnaire et de la production agricole. Cet outil est là pour établir le meilleur des cadres afin que le concessionnaire puisse accomplir sa mission. L’enrichissement de la terre, la fourniture de produits destinés à la consommation directe et à la transformation. La production agricole est destinée avant tout au marché local, avec pour souci premier d’atteindre l’autosuffisance nationale.

L’Onta, cet Office qui travaille pour le compte de l’Etat, est là pour établir un contrôle permanent de toutes les terres destinées à l’exploitation agricole. Il veille à la stricte application et au non-détournement de leur vocation initiale qui est l’investissement agricole. Pour cela, l’Office national des terres agricoles existe à l’échelle des 58 wilayas et obéit aux décisions des hautes autorités de l’Etat. La composante humaine de l’ONTA travaille en connexion avec les autres services (services de la direction agricole, domaines fonciers, cadastre), elle se greffe autour et fait en sorte que l’application des décisions soit effective, assure le contrôle des attributions. Son pouvoir peut s’étendre en cas de litige par la récupération des terres, la résignation de l’acte de concession, afin de les attribuer à nouveau. La réattribution obéit à l’objectif de ne laisser aucun mètre carré de terre non travaillé. Cette manière de gérer obéit aussi à l’autorité des walis, l’ONTA devient l’intermédiaire pour le dépôt des dossiers, et un partenaire incontournable dans l’orientation de l’activité agricole dans les wilayas.

  • - La numérisation ?

C’est un outil qui travaille pour le compte de l’Etat, et au temps de la numérisation généralisée, il se devait d’avoir lui aussi sa plateforme numérique. Toutes les demandes de concession dans le cadre des nouveaux périmètres se font par internet. Les demandes des candidats sont déposées via la plateforme numérique. Ce nouvel outil est le garant d’un gain de temps et d’une meilleure qualité dans l’offre.

  • Quelle est la réalité de l’exploitation des terres agricoles aujourd’hui ?

Les nouvelles assises de l’agriculture interviennent après un diagnostic basé sur le réel. A tous les maux un diagnostic. Ce dernier doit nous permettre de trouver un traitement à tout ce qui peut altérer et déranger le cheminement vers la sécurité alimentaire. L’enjeu est de taille, il faut donc des ancrages juridiques qui couvrent l’octroi des assiettes foncières et leur exploitation. Pour arriver à créer de la véritable richesse agricole, destinée au marché algérien, à la transformation agroalimentaire, ou à l’exportation.

Il y a une volonté d’aller de l’avant pour devenir un pays totalement indépendant, vis-à-vis de sa sécurité alimentaire. La bonne santé de l’agriculture égale la bonne santé de la gouvernance. Si les revenus du pays s’adossaient sur les recettes des hydrocarbures, les crises systémiques qui ont frappé le monde, comme la pandémie de Covid-19 ou encore la guerre en Ukraine, nous apprennent que la première ressource à assurer est une richesse qui provient de la terre. Ces deux crises sont la source d’un changement majeur, car même avec tout l’argent du monde, quand le temps est dur et que le pain se compte, les pays optent pour la préférence nationale. C’est une conscience issue en premier lieu des pouvoirs publics, cette prise de conscience se traduit dans le soutien des pouvoirs publics sur le terrain pour aller vers une agriculture moderne.

  • Sous quels critères se fait l’attribution des terres ?

La première mission de l’ONTA était de convertir les droits de jouissance agricole en droit de concession. Cela touche 2 400 000 hectares issus de la loi 97-19, en opérant en premier lieu un travail de restructuration des domaines agricoles socialistes (DAS). 
La structuration des terres agricoles dans le cadre des DAS était le schéma classique et il a fonctionné jusqu’en 1987, où le domaine autogéré socialiste était composé par l’ensemble des exploitations collectives et individuelles. La composante humaine, qui constitue toutes ces exploitations, a bénéficié des assiettes foncières de toutes ces exploitations.

L’agriculture étant un métier qui a besoin de ressources humaines. Le premier réservoir humain enregistré dans l’exploitation des assiettes foncières est issu des années 1970. Il s’en est suivi, la création de nouvelles exploitations agricoles situées en dehors des 2 400 000 hectares destinés en premier lieu à l’élevage. Ce processus d’enrichissement s’en est suivi en troisième lieu par la création de nouvelles exploitations agricoles. Tout cet historique converge vers un triple objectif : création de richesses, création d’emplois, création de plus-values. 

Le choix des bénéficiaires répond à plusieurs conditions. Cela peut être des diplômés, des spécialistes de l’activité agricole, des personnes avec des moyens financiers conséquents. Les jeunes diplômés sont invités par les autorités publiques, en particulier par Le président Abdelmadjid Tebboune, à revenir au premier secteur d’investissement du pays. L’élément réconfortant est l’engouement récent pour ce secteur d’activité ô combien important pour la souveraineté de notre pays. Pour encourager cela, l’ONTA, comme outil des pouvoirs publics, s’évertue à créer le maximum de périmètres agricoles, avec des opérations structurantes, telles que les pistes agricoles, l’électrification et l’accès aux ressources hydrauliques. Ce sont les conditions nécessaires pour la création de nouveaux périmètres destinés à l’attribution.

Il y a une volonté politique qui s’exprime à travers les directives présidentielles et le résultat des assises l’illustre. D’ailleurs le projet de mise en valeur des terres date de la création de la Générale des concessions agricoles (GCA). Mais dans un monde dynamique au contexte géopolitique mondial dans une pression continue, la valorisation des terres agricoles s’impose d’elle-même et les décisions politiques prises le démontrent. 

  • Est-ce que le projet d’autosuffisance est envisagé avec l’apport de sociétés d’investissement ?

Parler de sécurité alimentaire, c’est parler de la sécurité de l’eau. C’est-à-dire la valorisation et l’exploitation réglementée de nos ressources hydrauliques. Le premier projet est donc de préserver les ressources en eau et de les canaliser dans une action méthodique. L’eau hier ou aujourd’hui est un produit qui s’impose de lui-même. Il ne suffit pas d’avoir des milliers d’hectares et une exploitation qui ne fonctionne pas à cause de l’absence d’eau, le stress hydrique est réellement un souci majeur. 

Néanmoins, au-delà de cet élément, les mentalités ont changé, et elles devaient changer. C’est un réveil collectif auquel nous assistons, et seul un réveil collectif nous permettra d’aller de l’avant. Car la réalité du terrain implique que le blé importé en temps de crise n’est plus une ressource garantie. De ce fait, l’Algérie dispose de suffisamment de terres pour répondre aux besoins de sa population. Il y a un effort collectif dans la direction de l’investissement agricole qui devait être fait et qui vient d’être fait. L’idée d’augmenter les rendements des denrées essentielles n’est pas un projet inenvisageable. On avait besoin d’un discours, d’un soutien politique réel, issu de la plus haute autorité du pays, pour aller de l’avant et faire que ce projet ne soit plus une réalité théorique.

Vous parlez de sociétés d’investissement, les enjeux sont tels qu’il fallait trouver des sociétés garantes en efficacité et en productivité. A Adrar par exemple, deux sociétés, que sont Sonatrach et Cosider, exploitent des terres agricoles pour la production de blé dur. Chaque société a bénéficié de 16 000 hectares pour cette culture précisément, et leur réservoir financier et humain est une garantie suffisante pour assurer une production qualitative et quantitative importante. Parler donc d’agriculture en Algérie, c’est parler de l’intérêt général d’un peuple dans son pays. Les énergies convergent dans le sens d’un seul projet, l’autosuffisance alimentaire et donc la sécurité alimentaire et économique, car créatrice d’emplois et donc de richesse.

Entretien réalisé par Tarik Larbi

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