L’Amérique humiliée

18/03/2025 mis à jour: 15:30
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Avant même son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump faisait peur. Il était connu pour son premier mandat, durant lequel il n’a pas laissé de bons souvenirs. Désormais, tout le monde, amis, s’il en a, comme ennemis, sait que c’est un homme imprévisible, colérique, sans scrupules. Il est entouré de courtisans qui le flattent dans le sens du poil et n’osent pas remettre en cause ses décisions. Aucun chef d’Etat américain avant lui n’a été autant scruté, surveillé avec intérêt et craint comme lui.

Il n’a pas d’ami. Son gendre Jared Kushner, auquel il a attribué de grands pouvoirs durant son premier passage à la Maison-Blanche, a totalement disparu de la scène politique. Pourtant, il était à l’époque si proche qu’il lui a confié le soin de mettre en œuvre les accords d’Abraham, qui ont agrandi les pouvoirs d’Israël sur le Proche-Orient et provoqué de graves clivages au sein du monde arabe qui ne s’en est pas remis jusqu’à ce jour.

Comme il veut toujours être sous les feux de la rampe et qu’il tient en haleine le monde depuis le 20 janvier, date de son investiture, et même bien avant, Donald Trump a encore fait des siennes ce dimanche. Il a en effet dissous, sans crier gare, la toute puissante Voix de l’Amérique, qui a ébranlé durant 75 ans les pays d’Europe de l’Est. Des salariés éparpillés à travers le monde ont été brusquement priés de restituer leur carte de presse, leur ordinateur et leur téléphone portable sans le moindre égard et d’aller se faire voir ailleurs.

Sur les conseils d’Elon Musk, il a déjà viré la moitié des agents des ministères, mis au chômage, certains avec plus de vingt ans de bons et loyaux services. Quant à d’éventuelles indemnités, la justice tranchera. S’attaquer à un média comme la Voix de l’Amérique est un coup d’audace dont on ne sait pas s’il a lui-même mesuré les conséquences. La liberté est un droit sacré aux Etats-Unis, protégé par le 5e amendement de la Constitution. Depuis quelques jours, le locataire de la Maison-Blanche s’est mis à critiquer la presse, disant qu’elle est injuste à son égard.

Depuis longtemps, il promettait d’éradiquer la presse «des radicaux, des communistes, des fascistes», avec d’autres propos peu amènes à l’égard de la corporation. Mais s’attaquer à un média comme la Voix de l’Amérique, qui a été un grand relais pour la propagande américaine, comme son nom l’indique, apparaît comme un non-sens. Son ancien conseiller pour les Affaires de sécurité nationale durant son premier mandat n’a pas hésité à dire de lui que c’est un fasciste. Il est l’ennemi en effet de tout ce qui est innovation, liberté, recherche scientifique, des domaines qu’il ne maîtrise pas et qu’il a décidé d’affaiblir.

N’a-t-il pas osé s’attaquer à l’université de Columbia à laquelle il a coupé une subvention étatique de 4 millions de dollars pour la punir d’être le fer de lance de la contestation estudiantine américaine contre le massacre de femmes et d’enfants à Ghaza. Pour justifier son geste criminel, il l’a accusée d’être antisémite ! L’atteinte à la Voix de l’Amérique ne restera pas sans conséquence. On comprend l’ancien sénateur français qui l’a traité de Néron, entouré de courtisans dociles et d’un bouffon milliardaire, allusion à Elon Musk.

L’attaque frontale contre les universités, la presse, les milieux progressistes américains n'est pas surprenante. Cela fait partie des gènes de Donald Trump, qui se sent très proche de l’extrême droite. Durant son premier passage à la Maison-Blanche, il a reçu des gens infréquentables, comme Jair Bolsonaro du Brésil et des chefs de l’extrême droite européenne qui, jusqu’à ce jour, le défendent bec et ongles.

C’est ce qui explique chez lui une grande proximité avec le criminel de guerre Benyamin Netanyahu, qu’il n’a jamais attaqué pour le massacre d’enfants palestiniens et qui est prêt à le soutenir dans son idée d’annexion de la Cisjordanie pour, entre autres, faciliter l’exécution du projet de Trump de faire de Ghaza un territoire américain avec l’extermination totale de ce qui reste de Palestiniens comme survivants du nouvel holocauste. C’est ce Trump qui déclencherait l’enfer sur les peuples du Moyen-Orient et c’est ce qu’il a déjà promis au peuple yéménite qui commence à souffrir des affres des bombardements américains, entamés ce dimanche.

Donald Trump s’est autoproclamé ennemi de l’humanité. Il a déclaré la guerre à la terre entière, et nul ne pourra dire ce que sera le monde en janvier 2029, à la fin de son mandat. Il s’est déjà fait trop d’ennemis aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des Etats-Unis. Ceux-ci sont coutumiers de la violence. C’est ce qui explique que Trump recrute facilement ses partisans dans les milieux ruraux du Sud profond, surtout un monde ultra-conservateur que le charlatanisme politique n’éprouve pas de peine à mobiliser. Et Donald Trump en est un.

En s’attaquant aujourd’hui à la presse, et on ne sait pas quand est-ce qu’il s’arrêtera, le chef de la Maison-Blanche joue sérieusement avec le feu. Ce ne sont pas le Washington Post ou le New York Times qui se laisseront marcher sur les pieds par un ennemi de toutes les libertés. Il a porté un coup très dur à l’image de marque de l’Amérique, porte-drapeau du «monde libre». C’est une humiliation insupportable pour le peuple américain. 

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