«Les quantités quotidiennes de pluie qui s’abattent sur le pays sont équivalentes désormais aux quantités annuelles», relève-t-il. Un constat qui s’est vérifié en septembre dernier à Béchar, où des pluies d’une violence inouïe ont déversé l’équivalent de 105 millimètres d’eau.
Dans un contexte de bouleversements climatiques globaux, l’Algérie assiste à une mutation progressive de son climat, en particulier dans son Grand Sud. L’Office national de la météorologie (ONM) tire la sonnette d’alarme : les régions désertiques connaissent désormais des pluies d’une intensité autrefois inédite, similaires aux précipitations des zones tropicales.
Ces transformations, dont les conséquences sur l’écosystème algérien sont d’ores et déjà visibles, imposent une refonte des pratiques de prévision et de gestion des risques. Saïd Chelmouni, chargé de mission à l’ONM, a expliqué, hier, les tenants et les aboutissants de ces transformations lors de son passage à l’émission «L’Invité du jour» de la Radio algérienne, Chaîne 3. «Les quantités quotidiennes de pluie qui s’abattent sur le pays sont équivalentes désormais aux quantités annuelles», relève-t-il.
Un constat qui s’est vérifié en septembre dernier à Béchar, où des pluies d’une violence inouïe ont déversé l’équivalent de 105 millimètres d’eau. Une quantité correspondant à une année entière de précipitations dans cette région désertique, selon lui.
Béchar, comme d’autres localités du Grand Sud algérien, subit désormais, selon le spécialiste, un phénomène de «tropicalisation» croissante, transformant les perspectives environnementales de toute la région. La tendance à la tropicalisation du Grand Sud algérien illustre un déséquilibre climatique. «Ces averses torrentielles pourraient, certes, être bénéfiques pour certains secteurs, notamment pour l’agriculture, à condition que le cycle de rétention et de distribution des eaux soit adapté», souligne Saïd Chelmouni.
Vers des événements climatiques extrêmes
Les réservoirs et barrages sont remplis, mais le secteur agricole, dépendant d’un cycle d’irrigation et de gestion stable, peine à tirer profit de ces phénomènes extrêmes, dont les inondations subites et imprévisibles sont une conséquence fréquente. Ce déséquilibre met en péril les infrastructures, l’agriculture et, surtout, les populations exposées.
La mission de localisation et de quantification des orages violents demeure un défi permanent pour l’ONM. Les Bulletins météo spéciaux (BMS) constituent une première réponse pour alerter les citoyens, mais ils présentent encore certaines lacunes.
L’ONM a donc introduit, en 2017, un système de cartes de vigilance à trois niveaux (jaune, orange et rouge), accessible en ligne et via une application mobile. Grâce à un système d’actualisation en temps réel, les prévisions gagnent en précision, mais la difficulté de localisation reste essentielle, particulièrement dans le Grand Sud, où les orages sont imprévisibles et se produisent dans des zones souvent difficiles d’accès.
Les défis de la prévision météorologique ne se limitent pas à la quantification. Saïd Chelmouni souligne également l’importance du «No-Casting», c’est-à-dire des prévisions à court terme, capables de prévoir un phénomène une ou deux heures avant son apparition. Ce système d’alerte express permettrait d’informer les autorités et les populations de manière quasi instantanée, mais son efficacité dépend encore des ressources technologiques et de la coordination entre différents acteurs de la gestion des risques. L’ONM déploie en continu ses modèles de prévision, tenant compte des spécificités locales et de la climatologie algérienne.
Les défis de la météorologique
Cette vigilance se concrétise par une veille à la minute près, permettant de surveiller, d’analyser et de comprendre les phénomènes en temps réel. Comme le précise M. Chelmouni, le système d’alerte précoce mis en place repose sur trois phases essentielles : avant, pendant et après chaque événement extrême.
Ce processus, orienté vers les autorités publiques autant que vers les populations locales, garantit, selon l’invité de la Chaîne 3, que chaque acteur impliqué, des ministères aux responsables locaux, puisse réagir rapidement et efficacement. Les prévisions pour l’hiver à venir, basées sur des modèles saisonniers, laissent entrevoir une pluviométrie légèrement inférieure à la normale sur trois mois dans certaines régions du Nord, avec des probabilités de déficit évaluées entre 50 et 70%. Cette situation concerne également le Grand Sud, où la faiblesse des précipitations se profile, accompagnée de températures légèrement au-dessus des moyennes climatiques.
Cette situation pourrait renforcer la vulnérabilité du pays face aux épisodes extrêmes, en particulier face aux risques d’incendies de forêt et d’inondations dévastatrices, désormais de plus en plus fréquents. Afin de faire face aux défis croissants, l’Algérie prépare, selon M. Chelmouni, la mise en place d’un système d’alerte précoce spécialement conçu pour lutter contre les inondations.
Une commission mixte, comprenant l’ONM, l’Agence nationale des ressources hydriques (ANRH), et l’Agence de la gestion des ressources en eaux (Agire), a été constituée en coordination avec la Délégation nationale des risques majeurs (ANRM).
Cette initiative vise à anticiper et à minimiser les dégâts causés par les inondations, tout en prévoyant des systèmes d’alerte adaptés aux besoins des populations des zones les plus vulnérables.
Le fait est que l’Algérie est située dans une région particulièrement exposée aux bouleversements climatiques, subissant de plein fouet les effets d’une Méditerranée en surchauffe, avec une hausse de 1°C accompagnée de 7% d’humidité supplémentaire, et l’influence climatique du Sud tropical.