L’Algérie et le règlement de la crise au Niger : Construire le consensus pour un compromis politique

31/08/2023 mis à jour: 17:03
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Photo : D. R.

Les pré requis et les grands axes de l’initiative du président Abdelmadjid Tebboune pour le règlement de la crise au Niger sont désormais connus. Le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, les a longuement expliqués lors de sa prestation médiatique, mardi, au Centre international des conférences Abdelatif Rahal, à Alger. 

Ahmed Attaf et son équipe doivent désormais s’attaquer au colossal chantier de construction du consensus nécessaire à la mise en œuvre de cette feuille de route.  Arriver à mettre tout le monde d’accord pour parvenir à un compromis sur une solution politique n’est assurément pas une mince affaire, surtout dans ce contexte de crise qui secoue le Niger depuis le coup d’Etat du 26 juillet dernier contre le président Mohamed Bazoum.

Le ministre des Affaires étrangères en est conscient et le dit clairement : «Il faudra nous retrousser les manches et convaincre de la faisabilité de notre plan.» Pour ce faire, les diplomates algériens vont agir tout d’abord en direction des Nigériens qui sont les principaux concernés. Ils vont ainsi engager des pourparlers avec les différents acteurs de la classe politique et de la société civile pour trouver un terrain d’entente qui permettrait la mise en place des instances de transition pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel qui éloignerait le spectre d’une éventuelle intervention militaire aux conséquences désastreuses à la fois sur le Niger et sur toute la région.

Aucune exclusion

L’Algérie mènera également des consultations intensives avec toutes les parties en dehors du Niger qui peuvent contribuer et aider au règlement pacifique de la crise au Niger. En premier lieu, l’effort de la diplomatie algérien va vers les pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). L’Algérie va particulièrement intensifier la concertation avec le Nigeria qui assure actuellement la présidence de cette organisation sous-régionale.

Pour donner plus de chances à la réussite de ce plan de sortie de crise, l’Algérie pourrait élargir les consultations aux pays du voisinage. «Nous n’excluons pas de parler au Burkina Faso, au Mali, au Tchad, parce qu’ils sont aussi concernés par le règlement de cette crise», a affirmé M. Attaf. Il faut préciser que le Mali et le Burkina Faso ont affiché leur soutien aux auteurs du coup d’Etat et assuré qu’ils aideraient militairement l’armée nigérienne contre toute intervention militaire étrangère. Autrement dit, les responsables au Mali et au Burkina Faso peuvent contribuer à faire aboutir la solution politique proposée par l’Algérie.

L’élargissement de ces consultations aux pays frontaliers du Niger peut être également justifié par la nature globale de l’approche politique préconisée par l’Algérie qui  se situe dans le cadre plus large du Sahel. «Il ne faut pas que cela passe inaperçu. Cet élément est à prendre en considération et il est très important», a insisté M. Attaf lors de sa conférence de presse. D’ailleurs, dans la même feuille de route, l’Algérie prévoit l’organisation d’une Conférence internationale sur le développement au Sahel dans le but de «promouvoir une approche basée sur le développement dans le traitement des défis multidimensionnels auxquels sont confrontés les pays de cette région».

L’appui de l’Italie

Aussi, l’Algérie compte également solliciter la contribution de ses partenaires qui souhaitent soutenir le processus politique de sortie de crise au Niger. Certains pays européens, comme l’Italie, ont vite pris la mesure du danger d’une éventuelle intervention militaire. Son chef de la diplomatie, Antonio Tajani, a d’ailleurs réitéré hier son appui aux efforts de l’Algérie pour faire prévaloir une solution pacifique à la crise au Niger.

«L’Italie continue à être engagée en faveur d’une solution diplomatique de la crise au Niger, mais aussi celle plus récente au Gabon, en étroite coordination avec ses partenaires», a déclaré hier le chef de la diplomatie italienne, Antonio Tajani, dans un communiqué. «Il est fondamental que les pays européens maintiennent une pleine unité d’intention dans la recherche d’une issue pacifique qui assure paix et stabilité à l’entière région du Sahel», a-t-il ajouté, estimant que «l’Europe ne peut pas se permettre un affrontement armé».

M. Tajani a déjà exprimé son «soutien» à l’initiative algérienne pour le règlement politique de la crise au Niger en appelant Ahmed Attaf, alors qu’il était en pleine tournée en Afrique de l’Ouest, pour convaincre les pays de cette organisation sous-régionale de favoriser l’option politique dans le dossier nigérien. «L’Italie partage pleinement l’inquiétude de l’Algérie quant aux répercussions du recours à la force», a-t-il affirmé, exprimant ainsi toute «la disposition» de son pays à «soutenir les efforts et les démarches de l’Algérie, visant à apaiser la situation et à œuvrer au retour à l’ordre constitutionnel au Niger par des voies pacifiques».

Américains et Canadiens

En plus de l’Italie, l’Algérie pourrait également compter sur le soutien des Etats-Unis et du Canada qui semblent également privilégier le règlement politique de cette crise. «Lorsque j’étais aux Etats-Unis, le secrétaire d’Etat américain (Antony Blinken, ndlr) m’avait dit qu’ ‘‘il faut que nous travaillions et que nous réfléchissions ensemble’’ pour apporter une solution politique», a affirmé M.Attaf, assurant que «nous allons parler avec ses amis américains et partager ses idées avec eux».

M. Attaf a assuré également avoir reçu «un appel téléphonique hier ou avant-hier de la ministre canadienne des Affaires étrangères» qui a exprimé son soutien à la solution politique au Niger. Ainsi, la recherche de la solution politique à la crise n’est pas orpheline, comme l’a si bien précisé le ministre des Affaires étrangères. «Il y a des acteurs africains et des acteurs extra africains qui sont prêts à travailler pour faire prévaloir la solution politique», a-t-il dit. Des acteurs qui semblent prêts à apporter leur contribution dans ce processus de sortie de crise au Niger. Le moment semble ainsi propice pour la mise en œuvre du plan de paix proposé par l’Algérie.

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