L’Algérie et l’Arabie Saoudite ont une «totale convergence de vues» sur tous les dossiers d’intérêt commun et renforcent leurs relations bilatérales.
Entre Riyad et Alger, le courant passe plutôt bien. Les deux pays, dont les relations bilatérales n’étaient pas toujours au beau fixe, revendiquent aujourd’hui une entente presque parfaite sur l’ensemble des dossiers d’intérêt commun. Et c’est le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan Al Saud, qui le fait savoir à la fin de sa visite mardi en Algérie, où il a été reçu par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune.
«J’ai noté, comme à l’accoutumée, une totale convergence des vues du royaume d’Arabie Saoudite et de l’Algérie, et j’ai aperçu un attachement de son Excellence le Président à aller de l’avant pour renforcer tous les domaines de coopération entre nos deux pays, à la faveur des nombreuses opportunités offertes dans ce cadre, à travers le renforcement des échanges commerciaux, qui ont connu une hausse constante ces dernières années», a déclaré le chef de la diplomatie saoudienne.
Une déclaration par laquelle le prince Faisal bin Farhan Al Saud semble chercher à rassurer sur l’état des relations bilatérales et à faire taire les rumeurs selon lesquelles Alger serait remontée contre Riyad, qui ne l’avait pas conviée à une réunion organisée la mi-avril à Djeddah sur le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe. Une réunion qui a regroupé neuf pays arabes : Bahrein, Koweït, Oman, Qatar, Arabie Saoudite, Emirats arabes unis, Egypte et Jordanie. Loin de toute autre considération, les bonnes pratiques diplomatiques auraient voulu que l’Algérie soit la première à être invitée à cette réunion, elle qui préside le Conseil de la Ligue arabe depuis le 31e sommet tenu en novembre 2022 à Alger, et qui a toujours œuvré pour la réintégration de la Syrie dans cette organisation et pour l’unification des rangs arabes.
«Contacts et échanges»
Si aucune protestation officielle n’a été élevée de la part de l’Algérie, la succession de visites de hauts responsables saoudiens à Alger sonne comme une volonté de Riyad de rectifier le tir. En effet, avant le prince Faisal bin Farhan Al Saud, c’est le président du Conseil de la Choura de l’Arabie Saoudite, le Dr Abdullah bin Mohamed bin Ibrahim Al Sheikh, qui a été dépêché le 2 mai à Alger pour rassurer sur «la qualité des relations unissant le royaume d’Arabie Saoudite et l’Algérie», ainsi que sur «les liens fraternels» entre le roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, le prince héritier Mohammed Ben Salmane et le président Abdelmajid Tebboune.
Ce haut dignitaire saoudien avait affirmé que sa visite s’inscrivait «dans un contexte qui exige davantage de contacts et d’échanges». Selon toute vraisemblance, la visite du ministre saoudien des Affaires étrangères va dans le même esprit de renforcement de la concertation bilatérale, à moins de dix jours de la tenue de la 32e session du Sommet arabe, le 19 mai, à Riyad, qui verra l’Arabie Saoudite succéder à l’Algérie à la tête du Conseil de la Ligue arabe.
Aussi, il est à noter que le prince Faisal bin Farhan Al Saud est venu en Algérie deux jours après le retour de la Syrie au sein de l’organisation panarabe, acté le 7 mai sous l’égide de l’Arabie Saoudite. Ce retour, après 11 années d’exclusion, a été longtemps réclamé par Alger. Le changement de position de l’Arabie Saoudite par rapport à la Syrie s’inscrit dans une stratégie globale, mise en œuvre depuis des mois par le prince héritier Mohammed Ben Salmane pour instaurer la paix au Moyen-Orient.
Conflit au Yémen
La «totale convergence de vues» entre Riyad et Alger s’explique par ce changement de paradigme de l’Arabie Saoudite dans le règlement de ses différends avec les pays de la région. Cette démarche empreinte de pragmatisme est visiblement dictée par l’ambition affichée par le prince héritier Mohammed Ben Salmane de faire de son pays une puissance économique régionale. Comme tout développement économique nécessite sécurité, l’Arabie Saoudite s’engage pleinement dans un processus de paix avec son voisinage immédiat. Outre le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe, la monarchie saoudienne a rétabli ses relations rompues avec l’Iran en 2016, dans le sillage de la guerre par procuration que se sont livrés ces deux pays au Yémen.
Eclatée en 2014, la guerre au Yémen oppose les forces progouvernementales, appuyées depuis 2015 par une coalition militaire de pays arabes conduite par l’Arabie Saoudite, aux rebelles houthis, soutenus par l’Iran. Affichant sa volonté de mettre fin à cette guerre après la normalisation de ses relations avec l’Iran, l’Arabie Saoudite a envoyé en avril dernier une délégation à Sanaa pour discuter du processus de paix avec les rebelles houthis, qui contrôlent, entre autres, la capitale du Yémen. L’Algérie, qui a refusé de prendre part à la coalition conduite par l’Arabie Saoudite, ne peut qu’applaudir cette démarche et œuvrer, grâce à ses bonnes relations avec l’Iran, à faire aboutir ce processus de paix au Yémen et permettre par ricochet à ce pays meurtri de retrouver sa place au sein de la Ligue arabe.
La convergence de vues sur ces dossiers et sur bien d’autres, comme la cause palestinienne, semble ainsi avoir renforcé les relations bilatérales entre ces deux pays. Des relations solides qui ne pourraient être altérées par quelques petits coups de froid qu’elles auraient connus par moment. D’ailleurs, le président Abdelmadjid Tebboune a choisi l’Arabie Saoudite pour sa première visite de travail à l’étranger en février 2020, deux mois seulement après son investiture.