La Tunisie dans le rouge

09/03/2023 mis à jour: 08:58
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Après le FMI qui a renvoyé aux calendes grecques la demande de prêt de la Tunisie d’un montant souhaité de 1,9 milliard de dollars, c’est au tour de la Banque mondiale d’en faire autant. La BM a en effet décidé, lundi dernier, de suspendre son cadre de partenariat avec la Tunisie «après une montée des exactions contre les migrants africains» et un discours étonnement radical du président Kaïs Saïed clouant violemment au pilori l’immigration illégale afro-subsaharienne. Déjà prise dans la tourmente d’une crise économique sans précédent, cette suspension «jusqu’à nouvel ordre» (discussions prévues initialement pour le 21 mars) du programme de partenariat signifie un gel de tous les financements à la Tunisie. C’est une très mauvaise nouvelle pour l’Exécutif tunisien déjà endetté à 80% de son PIB à cause du poids de la fonction publique. Le pouvoir de Tunis était donc dans l’obligation de recourir à l’emprunt extérieur. Donc, sans les apports de la Banque mondiale et du FMI, le budget 2023 serait réduit à sa portion congrue et les possibilités du gouvernement à surmonter ses problèmes seraient très compliquées. Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie avait déjà averti en janvier de cette année que dans un contexte de faible croissance (moins de 3%), une forte inflation (plus de 10%) et un chômage galopant (plus de 15%), qu’il serait extrêmement aléatoire de devoir se passer de l’aide de ces deux institutions financières internationales.

Après une année 2022 très éprouvante pour les Tunisiens aussi bien sur le plan politique qu’économique et social, 2023 semble, a priori, annonciateur d’aucune embellie. Pire, cette situation de quasi-précarité financière, qui pourrait limiter les actes de gouvernance au palais de Carthage à une simple expédition des affaires courantes, risque de créer des tensions déstabilisantes que nous, Algériens, ne souhaitons nullement, pour la stabilité et la sécurité de notre voisin. Le virage autoritaire de Saïed Kaïs et les déceptions des Tunisiens après le printemps démocratique ont donné un premier coup de semonce après l’apathie générale du premier tour des législatives en décembre dernier (12% de l’électorat seulement se sont rendus aux urnes). Pour sortir de l’ornière, la loi de finances 2023 prévoit une forte augmentation des recettes fiscales, soit une hausse de plus de 15% par rapport à l’année dernière. En revanche, le train de vie de l’Etat va augmenter de 14% et, paradoxalement, l’enveloppe réservée aux subventions des produits de première nécessité (pain, sucre, lait, pâtes, etc.) va diminuer d’un tiers (une des exigences du FMI).

En fait, la Tunisie est véritablement dans le rouge. Les semaines et les mois à venir ne seront pas de toute quiétude pour le président Saïed Kaïs. Alors qu’il s’est attaqué et a emprisonné des opposants politiques accusés de comploter contre l’Etat et contre sa personne, il s’en est, dans la foulée, durement pris aux migrants afro-subsahariens. Même s’il s’en est excusé par la suite, ses propos, «à la limite du racisme», ont provoqué la désapprobation de l’Union africaine et des instances internationales. De nombreuses ONG avaient également accusé les services de sécurité tunisiens d’avoir fait subir des violences aux ressortissants subsahariens et africains qui, pour certains d’entre eux (ils étaient 21 000 dans toute la Tunisie), voulaient rejoindre l’Europe. Des acteurs politiques tunisiens et des membres de la société civile ont accusé le président Saïed de vouloir, par ces actes délibérés, détourner l’attention sur la grave «dérive» politique et la persistante crise économique qui dominent en Tunisie et qui rendent l’avenir incertain. La belle image que renvoyait la verte Tunisie, accueillante et attachante destination touristique internationale, vient d’être légèrement écorchée…

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