Des recherches approfondies sur les aspects économiques, financiers et sociétaux de la transition vers la neutralité carbone ont étés engagées par le cabinet conseil international McKinsey afin de mettre en lumière les technologies, les chaînes d’approvisionnement et les infrastructures dont nous avons besoin pour faire fonctionner le système énergétique à haute performance et à faibles émissions du futur.
Il en ressort, d’après les experts de Mckinsey et leurs partenaires que la transition énergétique est une transformation physique qui n’en est qu’à ses débuts.
En effet, après avoir examiné sept domaines qui devaient être physiquement transformés, tels que l’énergie, l’industrie et la mobilité, et après s’être penché sur un paysage avec quelque 60 000 centrales électriques ; plus de 1,5 milliard de véhicules sur les routes ; et 2 millions de kilomètres d’oléoducs et de gazoducs, l’équipe du cabinet conseil américain s’est interrogé sur des sujets allant des innovations passionnantes en matière de chaleur industrielle en Europe, aux nouvelles technologies d’extraction du lithium en Argentine et aux derniers projets de stockage d’énergie de longue durée en Chine pour enfin identifier quelque 25 plus grands défis physiques, classés en trois niveaux de difficulté.
«Donc, en gros, nous disons que si nous voulons réussir la transition énergétique, nous devons examiner ses réalités physiques, les choses difficiles», a-t-on estimé. Certes, la transition énergétique a connu un énorme élan ces dernières années, en particulier dans les domaines de l’énergie éolienne et solaire, des voitures électriques, des pompes à chaleur. Le financement de la lutte contre le changement climatique a commencé à affluer.
Et de nombreuses entreprises ont pris des engagements considérables. «Mais à l’heure actuelle, ajoute-t-on, nous ne sommes qu’à environ 10% du déploiement des ''actifs physiques'' (technologies et infrastructures) dont nous aurons besoin pour respecter les engagements mondiaux d’ici 2050.
Il ne s’agit pas d’un chiffre abstrait, d’un objectif ou d’un cheminement théorique. C’est le monde physique qui existe autour de nous aujourd’hui. » Ainsi, estiment les experts de McKinsey, et malgré tout cet élan, «nous n’en sommes encore qu’aux tout premiers stades de la transition énergétique».
Il existe des moyens de progresser
Et de préciser que sur les 90% qu’il nous reste à faire, la moitié des émissions liées au système énergétique sont dans ce que nous appelons des défis de «niveau 1 et de niveau 2», «des choses qui sont relativement faciles à résoudre», puisqu’il s’agit de savoir comment déployer au mieux des technologies matures.
Mais l’autre moitié restante, de «niveau 3», est caractérisée par les défis les «plus difficiles» a-t-on tenu à souligner. Et d’indiquer que dans certains domaines, notamment l’hydrogène, le captage du carbone et la production industrielle, «nous sommes parfois à 1% de déploiement, voire moins, de ce que nous devrons être à terme».
A titre d’exemple, ajoute-t-on, de nombreuses technologies de production d’acier à faibles émissions sont relativement naissantes et posent des problèmes à résoudre. Ensuite, il y a le défi de la mise à l’échelle de toute nouvelle technologie puisqu’il faut moderniser d’énormes installations traitant des millions de tonnes d’acier dans le monde.
Comme il faut résoudre le problème connexe de l’accès à suffisamment d’hydrogène et d’électricité à faibles émissions, ainsi qu’à leurs chaînes de valeur respectives – des intrants nécessaires à la fabrication d’acier décarbonée. Cela illustre ce qui rend ce travail difficile. C’est ce que l’on voit dans le ciment, les plastiques et l’ammoniac : le thème récurrent des écarts de performance technologique, des besoins de mise à l’échelle massifs et des liens entrelacés.
Mais en dépit de la difficulté de la mission, les experts de McKinsey ont tenu, quand même, à indiquer que même dans le cas des défis de niveau 3, il existe des moyens de progresser. «Il est difficile de produire de l’acier vierge neuf à faibles émissions, mais le recyclage de l’acier est assez mature. Nous le faisons depuis des décennies, c’est assez peu coûteux.
Ainsi, le simple fait d’augmenter la part de recyclage de l’acier peut contribuer grandement à réduire les émissions», a-t-on précisé à titre d’exemple. Et de citer également de nombreuses nouvelles solutions potentielles : le projet Hybrit dans l’acier à faibles émissions, Leilac dans le ciment et Hubei Yingchang dans le stockage d’air comprimé pour le stockage d’énergie de longue durée. «Il s’agit maintenant de continuer à innover pour améliorer les performances, réduire les coûts et faire évoluer l’échelle», a-t-on estimé.
Pour ce qui est des difficultés de niveau 1, le cabinet conseil a estimé qu’«il y a encore du travail à faire, mais nous sommes proches». En effet, la voiture électrique moyenne vendue aujourd’hui peut couvrir les besoins de plus de 70% des ménages, et les modèles haut de gamme plus de 90%.
Un autre exemple est celui des pompes à chaleur à air, qui peuvent répondre aux besoins de plus de 95% de la population humaine, quel que soit l’endroit où elle vit. «C’est encourageant, car il s’agit de deux des technologies fondamentales dont nous avons besoin pour décarboner la mobilité et les bâtiments», a-t-on souligné. Pour ce qui est des défis dits de niveau 2, il a cité comme exemple la prévention d’une pénurie de minéraux critiques d’ici 2030.
En somme, et même si nous parlons souvent de technologies, de secteurs, d’entreprises ou de pays individuels, il s’agit essentiellement d’une transformation à l’échelle du système. «On ne remplace pas l’ampoule, on refait le câblage d’une maison entière», a-t-on conclu.