La Syrie dans la tourmente : Les milices armées se rapprochent de Damas

08/12/2024 mis à jour: 09:36
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Le régime syrien menacé dans son existence - Photo : D. R.

Les groupes armés qui mènent une avancée fulgurante à travers la Syrie ont affirmé, hier, avoir «commencé à encercler» la capitale, alors que l’armée a démenti avoir fui ses positions près de Damas.

La coalition de milices armées dominées par Hayat Tahrir Al Sham poursuit son offensive éclair et se rapproche de Damas, capitale syrienne, dans le but de renverser Bachar Al Assad. Des combattants armés se trouvent désormais à une vingtaine de kilomètres de la capitale, après avoir pris le contrôle de la province de Deraa, dans le sud du pays, ont annoncé, hier, 7 décembre, un commandant de la coalition armée et une ONG, alors que l’armée a démenti avoir fui ses positions près de la capitale. 

Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) que des combattants locaux contrôlaient désormais toute la province de Deraa. «Nous sommes maintenant à moins de vingt kilomètres de l’entrée sud de la capitale Damas», a pour sa part affirmé Hassan Abdel Ghani, un commandant rebelle.

L’armée syrienne avait annoncé, dans la matinée, qu’elle se redéployait dans les provinces de Deraa et Soueïda (Sud). «Nos forces opérant à Deraa et Soueïda se redéploient, se repositionnent et établissent un périmètre de sécurité après que des éléments terroristes ont attaqué des points de contrôle isolés», selon un communiqué publié par un média d’Etat.

L’OSDH avait déclaré, avant-hier, que les factions locales avaient pris le contrôle de plus de 90% de la province de Deraa, y compris la ville du même nom. Dans la ville voisine de Soueïda, l’OSDH et les médias locaux ont rapporté que le gouverneur, les chefs de la police et des services pénitentiaires, ainsi que le chef de la section régionale du parti Baas, au pouvoir, avaient quitté leurs bureaux alors que les combattants prenaient le contrôle de plusieurs points de passage.

Dans le centre du pays, les forces gouvernementales «commencent à reprendre le contrôle des provinces de Homs et Hama», a ajouté le communiqué de l’armée. Après avoir pris Alep, la grande ville du Nord, et Hama, dans le Centre, en moins d’une semaine, les groupes armés ont progressé vers Homs, à 150 kilomètres au nord de la capitale – l’avancée la plus spectaculaire en 13 ans de guerre civile. Le directeur de l’OSDH a relevé que «les frappes aériennes et les tirs d’artillerie russes et syriens ont provoqué la mort de sept civils près de la ville de Homs». 

La province de Deraa avait été le berceau du soulèvement de 2011 contre le régime du président, Bachar Al Assad, mais elle est repassée sous le contrôle du gouvernement en 2018 en vertu d’un accord de cessez-le-feu négocié par la Russie, alliée du régime syrien.

Les anciens combattants qui ont accepté l’accord de 2018 ont pu conserver leurs armes légères. Cette province a été en proie à des troubles ces dernières années, avec de fréquentes attaques, des affrontements armés et des assassinats, dont certains ont été revendiqués par l’organisation Etat islamique. Quant à la province de Soueïda, elle est le fief de la minorité druze de Syrie et le théâtre de manifestations antigouvernementales depuis plus d’un an.

Un commandant de la coalition armée a dit vouloir «rassurer» les différentes communautés religieuses en Syrie. «Nous invitons toutes les confessions à être rassurées et à soutenir les mouvements des révolutionnaires, car l’ère du sectarisme et de la tyrannie est révolue à jamais», a affirmé Hassan Abdel Ghani sur Telegram.  Pour sa part, le premier ministre du Qatar a mis en cause le président syrien dans la survenue de la nouvelle crise qui secoue le pays.

«M. Al Assad n’a pas saisi l’occasion de dialoguer et de rétablir (la confiance) avec son peuple, et nous n’avons vu aucune initiative sérieuse sur le retour des réfugiés pour la réconciliation» nationale, a estimé Mohammed Ben Abdelrahmane Al Thani devant le Forum de Doha, une conférence pour le dialogue politique international. Le Premier ministre qatari a plaidé en faveur d’une «solution politique», estimant qu’un tel processus devrait être engagé de manière «urgente». 
«nouvelle réalité politique et diplomatique»

De son côté, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a estimé que le territoire syrien ne pouvait tomber sous le contrôle de «terroristes» à la suite de l’offensive fulgurante de groupes armés qui ont pris des pans entiers du pays. «Il est inadmissible de permettre à un groupe terroriste de prendre le contrôle de territoires en violation des accords existants, à commencer par la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui réaffirme fermement la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’unité de la République arabe syrienne», a déclaré M. Lavrov, faisant référence à une résolution de 2015 pour un règlement politique en Syrie.

Pour sa part, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a dit «souhaiter» que la Syrie «trouve la paix et la tranquillité dont elle rêve depuis 13 ans», affirmant que la Syrie est «fatiguée de la guerre, du sang et des larmes». «Nos frères et sœurs syriens méritent la liberté, la sécurité et la paix dans leur patrie», a insisté M. Erdogan, disant espérer «voir une Syrie où les différentes identités cohabiteront pacifiquement», lors d’un discours prononcé dans la ville de Gaziantep, où plusieurs centaines de milliers de réfugiés syriens ont trouvé refuge depuis le début de la guerre civile, en 2011.

«Il existe désormais une nouvelle réalité politique et diplomatique en Syrie», a-t-il ajouté, accusant Damas ne pas avoir saisi «la main tendue par la Turquie», qui avait cherché ces derniers mois à se rapprocher du régime syrien afin, notamment, de permettre le retour d’une partie des trois millions de Syriens réfugiés sur le sol turc.

Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères de la Jordanie, pays voisin de la Syrie, a appelé ses concitoyens «à quitter le territoire syrien», au lendemain de la fermeture par Amman du seul point de passage opérationnel entre les deux pays. 

Le président élu américain Donald Trump a déclaré, quant à lui, sur sa plateforme Truth Social, que les Etats-Unis ne devaient pas «se mêler» de la situation en Syrie, au moment où les groupes rebelles ont commencé à encercler la capitale Damas. «C’est le bazar en Syrie, mais elle n’est pas notre amie, et les Etats-Unis ne devraient rien avoir à y faire. Ce n’est pas notre combat. Laissons (la situation) se développer. Ne nous en mêlons pas ! » a écrit, avec certaines phrases en lettres capitales, le futur président américain. Le Russie a appelé ses citoyens à quitter le pays, de même que les Etats-Unis, la Jordanie et l’Iran.

L’émissaire de l’ONU appelle à éviter un «bain de sang»

L’émissaire spécial de l’ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, a appelé, hier, au calme dans le pays après l’avancée fulgurante des milices armées ces derniers jours. «Je réitère mon appel à la désescalade, au calme, à éviter un bain de sang et à protéger les civils, conformément au droit humanitaire international», a déclaré M. Pedersen lors du Forum de Doha, appelant à «lancer un processus qui mène à la réalisation des aspirations légitimes du peuple syrien».

Geir Pedersen a dit avoir appelé lors de réunions à des «discussions politiques urgentes à Genève pour mettre en œuvre la résolution 2254 du Conseil de sécurité», adoptée en 2015 pour un règlement politique en Syrie, où une guerre civile dévastatrice avait éclaté en 2011. «J’espère pouvoir annoncer une date pour cela très bientôt. La nécessité d’une transition politique (...) n’a jamais été aussi urgente, en commençant par la formation rapide de dispositifs de transition inclusifs et crédibles», a-t-il ajouté.

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