Signée officiellement avant-hier par le président syrien, Ahmad Al Charaa, la Déclaration constitutionnelle, qui fera office de Loi fondamentale durant la période de transition, donne une idée assez séduisante de la Syrie telle qu’imaginée par les nouveaux maîtres de Damas. Sur le papier en tout cas, elle a tout d’une Constitution libérale digne d’une démocratie moderne. Elle a qui plus est le mérite de tenir compte de la diversité des composantes ethniques et religieuses de la société syrienne.
Nouvelle étape cruciale dans le processus de transition politique en Syrie : le président par intérim Ahmad Al Charaa a signé, ce jeudi 13 mars, une «Déclaration constitutionnelle» qui régira le fonctionnement institutionnel du pays durant la période transitoire. Le document dessine également les contours de la Syrie post-Assad en attendant la mise en œuvre de la nouvelle Constitution.
M. Al Charaa a réceptionné le projet de Déclaration constitutionnelle de la main du comité d’experts, constitué de sept juristes. «Nous espérons que cela sera de bon augure pour le peuple syrien et le mettra sur la voie de la construction et du développement», a-t-il lancé. Symboliquement, ce document représente une «nouvelle page d’histoire pour la Syrie», a-t-il souligné. «Elle permettra de remplacer l’ignorance par le savoir, l’oppression par la justice, et la souffrance par la miséricorde.»
Le comité d’experts, qui a rédigé ce projet de Loi fondamentale, a affirmé, au cours d’une conférence de presse à Damas, qu’il a travaillé en toute liberté et sans subir aucune contrainte. «Dès sa constitution, le comité a travaillé avec diligence pour achever le travail qui lui avait été confié en s’appuyant sur les résolutions de la Conférence de dialogue national», a affirmé le comité d’après l’agence Sana. La Conférence de dialogue national, convient-il de le rappeler, s’est tenue le 25 février et a réuni un grand nombre d’associations et d’acteurs de la société civile syrienne.
«Séparation des pouvoirs»
Le texte de la «Déclaration constitutionnelle», diffusé par l’agence officielle Sana, est constitué de 53 articles. Parmi les plus pertinents, l’article 2 qui annonce d’emblée la couleur en disant opter pour un «système politique fondé sur le principe de la séparation des pouvoirs». L’article 3 stipule que «la confession du président de la République est l’islam et la jurisprudence islamique est la principale source de la législation».
Le même article précise cependant : «La liberté de croyance est inviolable», ajoutant que «l’Etat respecte toutes les religions divines et garantit la liberté d’accomplir tous leurs rituels sans porter atteinte à l’ordre public». «Le statut personnel des communautés religieuses est protégé et respecté conformément à la loi», lit-on encore sous la même clause.
Dans un pays constitué d’une pléthore de communautés ethniques et religieuses, l’article 7 insiste sur «l’unité du territoire syrien», et «criminalise les appels à la partition et à la sécession, ainsi que les appels à l’intervention étrangère». «L’Etat s’engage à assurer la coexistence et la stabilité sociétale, à préserver la paix civile et à prévenir les formes de sédition, de division, d’incitation à la discorde et d’incitation à la violence», poursuit l’article 7.
Et devant la multiplication des appels à promouvoir une gouvernance inclusive ouverte à toutes les communautés, le document y répond en assurant que «l’Etat garantit la diversité culturelle de la société syrienne dans toutes ses composantes, de même que les droits culturels et linguistiques de tous les citoyens». L’article 8 complète en mettant l’accent sur le rejet de l’extrémisme: «L’Etat s’engage à lutter contre tous les types et toutes les formes d’extrémisme violent dans le respect des droits et des libertés.»
«Monopole de l’état sur les armes»
Face à la prolifération des factions armées sous le régime déchu, les nouvelles autorités se disent déterminées à démilitariser toutes les milices. Aussi la Déclaration constitutionnelle consacre-t-elle le monopole de l’Etat sur les armes : «Seul l’Etat possède une armée et il interdit à tout individu, organisme, entité ou groupe de créer des formations ou organisations militaires ou paramilitaires» (art.9).
Autre article pertinent : l’article 13 relatif aux libertés, notamment la liberté de la presse et d’opinion, en proclamant : «L’Etat garantit la liberté d’opinion, d’expression, d’information, de publication et de presse.» L’article 14 concerne quant à lui les libertés politiques et syndicales : «L’Etat garantit le droit à la participation politique et à la formation de partis sur des bases nationales, conformément à une nouvelle loi», indique le texte. En outre, «l’Etat garantit le travail des associations et des syndicats» complète-t-il.
L’article 21 évoque les droits des femmes en assurant : «L’Etat préserve le statut social de la femme, sauvegarde sa dignité et son rôle au sein de la famille et de la société, et garantit son droit à l’éducation et à l’emploi. L’État garantit les droits sociaux, économiques et politiques de la femme et la protège contre toute forme d’oppression, d’injustice et de violence.» Sur le fonctionnement des institutions durant la période de transition, le document prévoit que «le président de la République constitue un comité supérieur chargé de choisir les membres de l’Assemblée du peuple» (art. 24).
La période de transition fixée à cinq ans
L’article 26 précise que «l’Assemblée du peuple est l’autorité législative jusqu’à l’adoption d’une constitution permanente et la tenue de nouvelles élections législatives». Autre point significatif : l’article 43 qui consacre le principe de l’indépendance de la justice : «Le pouvoir judiciaire est indépendant et il n’y a d’autre autorité sur les juges que la loi», martèle le corpus constitutionnel. L’article 48 aborde un autre sujet important : la justice transitionnelle. «L’Etat prépare le terrain pour la réalisation de la justice transitionnelle», souligne le texte.
L’article 49 annonce la «mise en place d’une instance de justice transitionnelle» chargée de «déterminer les responsabilités» en garantissant «le droit à la vérité» et «la réparation pour les victimes». Enfin, l’article 50 dispose que «la durée de la période transitoire est de cinq années civiles à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente Déclaration constitutionnelle». Le même article stipule que la période de transition «prendra fin après l’adoption d’une Constitution permanente pour le pays et l’organisation d’élections conformément à celle-ci».
Nouvelle agression sioniste à Damas : Trois blessés (Sana)
Trois personnes ont été blessées jeudi soir, dont une femme âgée, lors d’une nouvelle agression sioniste contre un immeuble dans la capitale syrienne, Damas, a rapporté l’agence de presse syrienne Sana. Cité par Sana, le responsable de la Défense civile à Damas et dans sa banlieue, Hassan Al-Hassan, a indiqué que «l’attaque avait causé d’importants dégâts dans un immeuble, en plus de dommages partiels dans deux autres et a provoqué un incendie». Des pays et organisations internationales ne cessent d’appeler la communauté internationale à prendre «des mesures urgentes et décisives» pour mettre fin aux agressions sionistes répétées contre la Syrie, dénonçant des «violations flagrantes des lois internationales». (APS)