La solitude des Libanais

03/10/2024 mis à jour: 10:15
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L’armée de terre israélienne est entrée cette semaine au Liban. Paradoxalement, c’est Washington qui, le premier, a donné l’information, devenant pour la circonstance le porte-parole de Tsahal. Les chars ont envahi le Sud libanais, rappelant les mauvais souvenirs de 1982 quand Ariel Sharon est entré au pays du Cèdre. Auparavant, Benyamin Netanyahu avait informé le monde, avec son arrogance coutumière, que l’armée israélienne allait agresser ce pays dans une «opération limitée», malgré les appels de la communauté internationale. 

Une attitude dictée par cette croyance qu’Israël est au-dessus des lois et n’écoute que lui-même. Avant cette entrée des troupes, le Liban a été bombardé aveuglément, notamment avec des bombes intelligentes auxquelles peu de béton résiste. Beyrouth a renoué avec les affres de 1982 quand les troupes de Sharon avaient occupé la ville, provoquant durant leur présence les sinistres massacres de milliers de Palestiniens à Sabra et Chatila. C’est d’ailleurs à partir de là qu’a commencé la descente aux enfers d’un pays considéré à l’époque comme la Suisse du monde arabe. 

Le Liban rayonnait sur le Proche et le Moyen-Orient. Il avait une presse libre qui était très suivie et certains titres étaient inspirés par les régimes puissants de l’époque. Il était également cité en exemple pour la richesse et la diversité de son édition. Beyrouth a su gérer avec grande intelligence les diversités des régimes arabes, avec sa presse de haut niveau. 

Dans les années 1960-70 surtout, les journaux étaient un réceptacle des diversités arabes et c’est dans leurs colonnes qu’on pouvait avoir une idée des luttes sourdes qui minaient déjà les potentats arabes. Mais il faisait bon vivre dans ce pays et sa réputation de «Suisse arabe» n’était pas usurpée. 


Même les courants révolutionnaires qui secouaient la sphère arabe avaient pignon sur rue. Beyrouth était la capitale et le refuge des intellectuels arabes. C'était le Liban. Les influences étrangères, et surtout israéliennes, avaient programmé la destruction de ce bijou. En 1982, les soldats israéliens avaient occupé la capitale et y ont imposé leur loi. Le pays a vite sombré dans une guerre civile sanglante. Tout le monde se battait contre tout le monde. Les milices faisaient leur loi. Les destructions et la mort étaient devenues le lot quotidien de ce qui était auparavant un paradis, provoquant un exode terrible, une fuite éperdue des Libanais à l’étranger. 

Le régime de Hafez Al Assad, qui n’a jamais reconnu l’existence de l’Etat libanais, sous prétexte qu’il était partie intégrante de la «grande Syrie», profite du chaos pour envahir le pays. De leur côté, les mollahs iraniens ont trouvé l’occasion pour tenter de disséminer la révolution chiite à travers le monde arabe. D’où la création du Hezbollah au Liban, qui se développa de façon telle qu’il deviendra un Etat dans l’Etat. Pour ramener la paix, toutes les milices acceptent de restituer leurs armes à l’Etat libanais, à l’exception du parti de Dieu. La corruption, les assassinats politiques entrent dans les mœurs, affaiblissant du coup l’Etat libanais, qui devient doucement mais sûrement une coquille et qui n’a aucune influence sur les événements.

 Entre-temps, le Hezbollah monte en puissance et s’arme à outrance avec, derrière lui, le régime de Téhéran qui aspire à rayonner sur toute la région et qui l’utilise outrageusement pour atteindre ses objectifs politiques, c’est-à-dire l’exportation de la révolution islamique. Malheureusement, le Liban sombre dans la misère. Une terrible explosion dans le port de Beyrouth détruit une partie de la capitale. Elle a eu lieu dans un dépôt dans lequel était entreposé du nitrate d’ammonium. Il aurait appartenu au Hezbollah. Mais jusqu’à ce jour, la justice n’a rien pu faire. Les destructions engendrées sont toujours visibles. Et malheur à celui qui cherche à trop s’approcher de la vérité.

 Arrive le 7 octobre 2023. Une occasion rêvée pour Israël qui en profite pour régler définitivement ses comptes et assujettir des peuples de la région, avec la bénédiction de l’administration américaine qui, en période électorale, ne trouve pas moins que de mettre de l’huile sur le feu et à offrir à Israël les dernières armes de destruction massive sorties de ses usines. Les civils de Ghaza et de la Cisjordanie payent un lourd tribut à la barbarie israélienne, surtout les femmes et les enfants. De son côté, le Hezbollah, qui s’est engagé dans cette guerre pour le compte de Téhéran, n’échappera pas à la haine de Netanyahu. 

Toute sa direction politico-militaire a été éliminée, à croire qu’elle était infiltrée par le Mossad depuis des années. Malheureusement, une nouvelle fois, le peuple libanais subit injustement les bombardements israéliens. 

Plus d’un million de Libanais et, ironie du sort, certains d’entre eux sont partis se réfugier en Syrie alors qu’eux-mêmes avaient accueilli des réfugiés syriens fuyant les atrocités de Bachar Al Assad et ses tortionnaires. L’armée israélienne est depuis cette semaine au Liban. Un autre désastre est en cours. Et le monde arabe observe avec une extraordinaire passivité. 
 

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