La situation sécuritaire est toujours précaire dans l’Ouest libyen : Affrontements à Tripoli entre des milices rivales soutenant Dbeiba

13/04/2024 mis à jour: 07:19
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Abdelhamid Dbeiba éprouve les pires difficultés à imposer l’autorité de son gouvernement en Tripolitaine

La récente escalade armée jeudi, en début de soirée, sur la route de l’aéroport à Tripoli, montre que  le gouvernement Dbeiba n’est pas parvenu à centraliser l’autorité sécuritaire entre ses mains dans la capitale libyenne, ni à faire sortir les milices en dehors de la ville, comme il l’avait promis il y a plus de trois ans, lors de son installation au pouvoir en mars 2021. 

C’est cette fois encore, des échanges nourris de feu entre des éléments du service de renforcement de la stabilité et la force de dissuasion ont eu lieu au rond-point Madar, sur l’autoroute menant à l’aéroport international de Tripoli, comme en avril 2021. Rappelons que d’autres affrontements entre des milices rivales, ont eu lieu à Tripoli, pas plus tard qu’en en août dernier. 


Suite à cette récente escalade, les services de secours et d’urgence de la capitale libyenne ont diffusé des communiqués appelant les Tripolitains à rester chez eux et ne pas s’aventurer en ville, en cette 2e journée de l’Aïd El Fitr. Une accalmie précaire a pris le dessus tard dans la soirée et les fêtards sont revenus sur les grandes artères de la capitale libyenne. Toutefois, la succession des incidents depuis mai 2023, à Gharyan, Ezzaouia, Ras-Jedir, en plus de Tripoli, pour ne citer que ceux-là, entre des milices rivales dans l’Ouest libyen, pousse les observateurs à s’interroger sur le degré de sérieux des démarches d’«unification» des milices soutenant le gouvernement Dbeiba et du projet de leur intégration au sein de l’armée libyenne et leur sortie de Tripoli, entamée il y a quelques mois avec le soutien des puissances occidentales.  

Invité à commenter les événements de Tripoli, le juge Jamel Bennour a assuré dans une communication téléphonique avec El Watan que «les incidents armés à répétition dans l’Ouest libyen s’expliquent par l’émiettement de la direction de ces corps armés soutenant le gouvernement d’Union nationale ; l’obédience des milices porte sur leurs propres intérêts et non la Libye ; pareille situation appelle à des efforts pour donner plus de crédit au pouvoir politique afin de lui permettre le pouvoir décisionnel au sein de l’armée et des forces de sécurité, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui». 


Pour sa part, le politologue Ezzeddine Aguil a également expliqué la situation par «un retard affligeant dans le passage de la phase de l’autorité de la Révolution à celle de l’Etat de droit dans l’Ouest de la Libye, ce qui met encore le révolutionnaire, le milicien en termes pratiques, devant le soldat ou le policier, représentant de l’Etat de droit».  

Par ailleurs, le juge Bennour a rappelé que «la situation n’est pas similaire dans l’Est où l’opération El Karama, dirigée par Haftar depuis 2014, est basée sur l’instauration de l’autorité de l’Etat et la fusion de tous les groupes armés au sein d’une même formation qui est l’Armée nationale libyenne». Cette différence de taille serait à l’origine des incidents armés à répétition dans l’Ouest libyen, malgré le semblant d’allégeance partagée par tous les groupes au gouvernement de Tripoli, a encore expliqué le politologue Aguil. 
 

Formateurs américains

Les efforts de Khalifa Haftar dans l’Est libyen ont été renforcés par plusieurs puissances régionales et internationales, notamment la Russie, l’Egypte et les Emirats arabes unis. La présence du groupe armé russe Wagner (aujourd’hui rebaptisé Africa corps, Ndlr) a été cruciale pour la fondation de l’armée de Khalifa Haftar, tout comme l’apport financier émirati. Les rapports entre les Russes et Haftar sont arrivés à un point tel que Moscou a proposé de moderniser toutes les infrastructures des bases militaires de l’Est libyen et la formation des troupes de Haftar à l’utilisation des nouvelles technologies militaires en contrepartie de l’octroi à Moscou d’une base navale à Toubrouk ou Benghazi. Plusieurs rencontres de haut niveau ont débattu de ces propositions. 


L’homme fort de l’Est libyen, Khalifa Haftar, a même rencontré Vladimir Poutine en septembre dernier, sans parler des trois visites du vice-ministre russe de la Défense à Benghazi. Ce rapprochement a irrité les Américains qui, faute de pouvoir amadouer Haftar et le faire plier ont concentré leurs efforts sur l’unification de l’armée de l’Ouest libyen. Ainsi, et selon le journal français Africa Intelligence, et d’une manière similaire à celle des Russes à l’Est, l’entreprise militaire américaine Amentum a signé un accord avec le GUN de Abdelhamid Dbeiba pour fédérer progressivement les groupes armés de l’Ouest au sein de l’Armée libyenne et les faire sortir progressivement de la capitale Tripoli. 

La première étape du travail de l’entreprise «Amentum» aurait porté sur les trois bataillons 444, 166 et 111, en vue de les intégrer à l’armée libyenne et les charger des missions de protection des frontières et de récupération des armes. L’entreprise américaine a déclaré travailler pour le compte du département d’Etat américain et dit avoir signé un contrat dans ce sens avec le chef du gouvernent Abdelhamid Dbeiba. Amentum a édifié son site en 2023  ; elle a déjà dispensé des formations aux forces sécuritaires en Irak et en Afghanistan, entre autres.

 Les hommes d’Amentum se seraient installés dans la base militaire de Myitiga, libérée par les milices, toujours selon les sources d’Africa Intelligence. C’est dire que les Américains sont entrés en action dans l’Ouest libyen pour contrer les Russes, très actifs à l’Est du même pays. De l’issue de cette course contre la montre, entre Russes et Américains, dépend largement l’issue des divers conflits d’intérêts en Libye et, même, des élections générales en Libye, toujours planifiées depuis 2015, jamais réalisées. 

 

Tunis

De notre correspondant  Mourad Sellami
 

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