Alors que des combats au massif de Tibesti, frontalier à la Libye, opposent des groupes rebelles aux forces tchadiennes, les terroristes de Boko Haram multiplient leurs incursions meurtrières, tout le long du Lac Tchad, au sud de ce pays limitrophe du Nigeria d’où ils sont venus. Depuis le coup d’Etat d’avril 2021, la situation au Tchad s’enlise et menace d'entraîner dans son sillage de nombreux pays déjà confrontés à de graves crises politico-sécuritaires.
Tout comme au nord du Mali, la situation au nord du Tchad s’enlise, poussant le chef de la junte militaire au pouvoir, Mahamat Idriss Déby Into, autoproclamé président après la mort de son père, Idriss Déby, lors d’un accrochage avec les rebelles en 2021, à se déplacer jeudi dernier, à Bardaî, localité du massif du Tibesti, au nord du pays, théâtre d’une série d’attaques armées menées contre les campements de l’armée tchadienne, par les rebelles du CCSMR (Conseil de commandement militaire pour le salut de la République), basé entre le nord du Tchad et le sud de la Libye, d’où il mène ses actions armées.
Le porte-parole de la présidence tchadienne, Brah Mahamat, a expliqué à la presse que «le but de cette visite est de galvaniser les troupes et renforcer le dispositif existant au lendemain de l’attaque des positions militaires par des éléments armés se réclamant du CCMSR».
Il y a une dizaine de jours, le même groupe avait annoncé «un assaut foudroyant» contre ce qu’il a qualifié «d’ennemi du peuple tchadien» dans la région de Wour et Kouri, située à plus d’une centaine de kilomètres à l’est et à l’ouest de Bardai, ville choisie par le chef de la junte militaire, pour son déplacement et qui auraient fait «plusieurs morts et blessés» parmi les militaires tchadiens.
Dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux, le CCMSR a annoncé avoir capturé 23 soldats et détruit plusieurs véhicules blindés.
Le 12 du mois en cours, des vidéos montrant les militaires otages et l’armement récupéré sont diffusées sur la Toile, alors que les autorités sont restées silencieuses. Depuis près de cinq mois, les incursions armées du groupe rebelle se sont multipliées dans cette région aurifère et les plus meurtrières ont eu lieu au mois de juin.
Vendredi dernier, le même groupe rebelle a accusé «le pouvoir de préparer une incursion en territoire libyen pour attaquer nos bases armées afin de faire taire nos voix», et ce, après avoir dénoncé, sur la Toile, le «survol par l’aviation militaire française» de ses bases en Libye «dans le but de collecter des informations pour le compte Mahamat Kaka (chef de la junte, ndlr» et mis en garde «contre les éventuelles conséquences de cette énième ingérence».
Le même jour, un autre groupe rebelle, le FCT (Front pour l’alternance et la concorde au Tchad), a annoncé dans un communiqué sa décision de «rompre le cessez-le feu» qu’il avait déclaré en avril 2021, en expliquant «après le survol aérien de nos positions, la milice de la junte vient de bombarder notre base et nous déplorons trois morts et quatre blessés».
Et de préciser : «Malgré notre bonne volonté pour trouver une solution pacifique à la crise qui mine le pays, la junte militaire au pouvoir et après avoir échoué dans la gestion de la transition vient de nous déclarer la guerre.» De ce fait, le FACT a décidé de rompre le cessez-le feu unilatéral et promis que sa «réaction sera foudroyante et sans retenue».
Créé en 2016, ce groupe faut-il le préciser a également ses campements entre la frontière sud de la Libye et le nord du Tchad et c’est de ses entrailles que le CCMSR a été fondé, et ce, à la suite de dissidences internes. Il s’est illustré en 2019 par sa mise au service du maréchal Haftar, qui lui assure argent et armes.
En avril 2021, de nombreuses colonnes du FACT marchent sur N’Djamena avant que les forces militaires tchadiennes ne les bloquent, s’en est suivi un accrochage au cours duquel le président Idriss Déby est tué et son fils s’approprie le pouvoir. Les manifestations populaires contre ce coup d’Etat ont été violemment réprimées par les forces tchadiennes, faisant des centaines de morts parmi les civils.
Depuis, la situation ne cesse de se détériorer et au début de cette année, une flambée d’attaques armées menées contre les forces militaires tchadiennes, tantôt par les éléments du FACT, tantôt par ceux du CCMSR et tantôt par les membres du FNDJT (Front national pour la démocratie et la justice).Tout le long de ce massif aurifère du Tibesti, frontalier avec la Libye, est soumis à une guerre de contrôle du territoire, dont les bilans en termes de pertes de vies humaines entre belligérants sont très lourds.
A ces combats accentués et compliqués par la situation sécuritaire au sud de la Libye – où de nombreuses officines étrangères se livrent des guerres par procuration – s’ajoute la menace terroriste au Sud-Ouest et à l’Ouest, où les phalanges de Boko Haram, venues du Nigeria, dans cette région du Lac Tchad, une vaste étendue d'eau et de marécages, devenue leur repaire.
Des défit importants couplés à la grave crise politique qui compromet l’avenir immédiat du Tchad et de toute la région.