Des perspectives défavorables sur le moyen terme ont conduit la Chine à lancer récemment un plan de relance dont les implications économiques se feront sentir sur le plan international. L’économie chinoise est sortie de la pandémie avec des dommages structurels importants qui freinent sa croissance économique et l’ont plongé dans une spirale déflationniste.
En outre, des défis structurels majeurs assombrissent significativement ses perspectives macroéconomiques à moyen terme. Après avoir hésité pendant des mois, les autorités viennent de rendre public le 25 septembre un nouveau plan de relance ayant pour objectif, inter alia, de stimuler la liquidité, favoriser les dépenses de consommation et revitaliser le secteur immobilier.
Si initialement les marchés financiers internationaux (les investisseurs) ont réservé un accueil positif à ce plan, ils sont désormais sceptiques sur la capacité de ce dernier à relancer la Chine sur le chemin d’une croissance forte et saine. Nonobstant cet état de fait et en raison de son statut de seconde superpuissance mondiale, les premières mesures mises en place ne manqueront pas d’avoir des répercussions sur différentes économies à travers le monde. Cet article va discuter de ces points, y compris des impacts éventuels sur l’Algérie pour qui la Chine reste le premier fournisseur et le septième client.
Dans un contexte international tendu, l’économie chinoise est en phase de ralentissement et au bord d’une spirale déflationniste. Le PIB de la Chine a progressé de 5,2 % en 2023 et de 5 % en glissement annuel au cours du premier trimestre 2024 avant de baisser à 4,7% au second trimestre 2024 du fait de conditions météorologiques extrêmes, d’inondations et d’une demande effective insuffisante. La croissance a été portée par des investissements publics, la consommation privée et les exportations nettes.
L’inflation est restée faible au cours du premier semestre (0,2 %) plongeant la Chine dans la déflation. A fin 2024, pour le FMI la croissance devrait être globalement conforme à l’objectif du gouvernement (5,0%) et l’inflation devrait atteindre 0,2 % en cas de réduction de l’output gap et de l’atténuation de la baisse des prix des matières premières.
Les perspectives à moyen terme (2029) restent défavorables en l’absence de réformes. Trois raisons : (1) la faiblesse de la productivité et le vieillissement de la population entraineront une baisse progressive de la croissance à environ 3,3 % ; (2) une aggravation des pressions déflationnistes en cas de recul plus marqué du secteur immobilier et de la hausse des niveaux d’endettement qui porterait l’inflation à 2 % uniquement ; et (3) l’affaiblissement de la demande extérieure en cas de persistance des tensions géostratégiques et de renforcement de la fragmentation géoéconomique (surplus du compte courant de 1,2% et déficit structurel du budget de 8,2%).
A contrario, des mesures macroéconomiques et structurelles cohérentes appuyant un ajustement du secteur immobilier et favorisant la libéralisation des marchés pourraient rétablir et renforcer la confiance des agents économiques et conduire à des meilleures performances économiques.
Les réformes incontournables sur le court, moyen et long terme.
La Chine dispose d’un fort potentiel de croissance qui peut être exploité par une reprise de la consommation privée, hypothèse faite qu’elle surmonte les risques liés au marché immobilier et à la dette des gouvernements locaux. Dans un tel contexte, un plan en trois temps s’impose: (1) à court terme, il est essentiel de stimuler la demande intérieure et réduire les risques de déflation, ce qui implique un assouplissement monétaire, notamment des baisses de taux d’intérêt ; (2) à moyen terme, l’objectif serait de favoriser une croissance durable et verte à travers une approche équilibrée et des réformes pro-marché qui incluraient : (i) la stabilisation du secteur immobilier, la protection des acheteurs de logements inachevés et une plus grande flexibilité des prix ; (ii) une position fiscale neutre en 2025 afin de rétablir la confiance des consommateurs, notamment en renforçant les dépenses sociales et en se dotant d’un système fiscal progressif.
Ceci ouvrirait la voie à une réduction progressive du déficit budgétaire dès 2025 ; et (3) à long terme, il s’agirait de : (i) stabiliser la dette publique par le biais d’une consolidation fiscale continue, des réformes fiscales et une meilleur contrôle des finances locales ; (ii) construire un modèle de croissance tirée par la consommation, ce qui suppose la réduction des obstacles réglementaires dans le secteur des services et des réformes du secteur des entreprises publiques et du marché du travail ; et (iii) poursuivre le processus de décarbonisation et les réformes du secteur de l’énergie.
Les éléments du plan de relance du 25 septembre 2024. Ce dernier rappelle celui de 4000 milliards de yuans ($568 milliards) lancé par la Chine fin 2008 pour protéger son économie de la crise financière mondiale de 2008-2010. Le plan de 2008 avait alors permis à la Chine de devenir l’une des seules grandes économies à éviter une grave récession, augmenter la croissance réelle du PIB chinois à 10% en 2010 et booster la demande mondiale à travers le super cycle des produits de base.
Le plan actuel, pour sa part, vise à accroître la liquidité, stimuler les dépenses de consommation et revitaliser le secteur immobilier. Il comprend quatre volets et son succès est lié à plusieurs facteurs, dont son envergure, sa portée, sa capacité à stimuler la croissance intérieure et le contexte géostratégique.
Le volet monétaire : cible une hausse de la liquidité à travers une baisse des taux d’intérêt directeur de 20 points de base, des taux hypothécaires de 50 points de base et du taux de réserves obligatoires des banques commerciales de 50 points de base. Le volet immobilier : a pour but de relancer l’activité dans ce secteur en s’appuyant sur une baisse de l’apport minimum pour l’achat d’un nouveau logement et le renforcement des financements des entreprises d’État locales (qui devront acheter les stocks excédentaires de logements et les transformer en unités de logement abordables).
Des mesures supplémentaires prises par les gouvernements locaux devront compléter ce dispositif et booster davantage la demande d’achat de logements. Le volet boursier : bénéficiera de nouveaux outils devant encourager les investissements boursiers et permettre aux investisseurs institutionnels d’emprunter des actifs liquides comme les obligations d’État et assurer le rachat d’actions à crédit. Le volet budgétaire : inclut des mesures fiscales d’un montant de $285 milliards qui seront bientôt annoncées et détaillées (y compris des transferts monétaires aux ménages à faible revenu et aux familles avec de jeunes enfants). Dans l’intérim, 100 milliards de yuans ($14 milliards) initialement budgétisés pour 2025 seront dépensés avant la fin 2024 pour couvrir des dépenses stratégiques.
Après un accueil favorable, le plan de relance déçoit les investisseurs internationaux au vu de la faiblesse des mesures budgétaires et structurelles. L’accueil favorable de départ s’est traduit par des flux de nouveaux capitaux et un boost considérable aux actions chinoises (un gain de 20% de l’indice composite de Shangaï), notamment dans l’immobilier et les produits de base. Deux semaines plus tard, les investisseurs font désormais preuve de scepticisme et de prudence vis-à-vis de ce plan du fait des annonces budgétaires vagues et du manque d’ambitions en matière de réformes structurelles.
Pour les investisseurs internationaux, l’impact de ce plan sera limité par : (1) la faiblesse de la demande de crédit : malgré la baisse des coûts d’emprunt, les ménages et les entreprises vont hésiter à emprunter et les banques vont épouser la prudence en matière de prêts ; (2) l’absence de rebond de la demande de logements du seul fait de la baisse des taux hypothécaires en raison : (i) du manque de confiance des ménages (fortement ébranlée par l’effondrement du marché) ; du déséquilibre entre l’offre et la demande ; et (iii) des faibles rendements locatifs dans les grandes villes ; (3) le risque de création d’une bulle spéculative suite à la mise en place de nouveaux outils de soutien au marché boursier ; (4) le risque de canalisation de l’excès de liquidité vers des obligations d’état en raison du manque d’opportunités d’investissement viables ; (5) l’insuffisance du stimulus fiscal ($285 milliards) pour rebooster la croissance en 2025 ; et (6) l’absence de mesures structurelles fortes pour faire face aux défis structurels majeurs de la faiblesse de la productivité et de la baisse de la démographie.
Les retombées économiques mondiales du nouveau plan de relance. Avec un PIB de $17768 milliards et une part de la production mondiale de 18%, le nouveau plan de relance ne manquera pas d’avoir des retombées positives pour l’économie mondiale. Ainsi : (1) l’Australie et la Corée du Sud seraient particulièrement avantagées surtout si le secteur immobilier se redresse, ce qui stimulerait la demande en minerai de fer et autres matières premières australiennes.
La Corée du Sud, avec ses fournisseurs-clés dans les chaînes de valeur régionales de la Chine, verrait une augmentation de la demande pour ses exportations industrielles ; (2) La France et l’Italie pourraient bénéficier d’une hausse des dépenses des touristes chinois (qui consomment des articles de luxe), notamment à l’occasion du Nouvel An chinois en janvier 2025 ; (3) Les Etats-Unis : devraient engranger des gains modestes du fait des restrictions commerciales en place ; (4) Le Japon dont de nombreuses entreprises pourraient bénéficier de commandes de la part de la Chine ; et (5) Le monde émergent, notamment les pays d’Asie du Sud-Est comme la Thaïlande et la Malaisie ainsi que des producteurs de matières premières comme le Chili, l’Argentine et l’Algérie pourraient bénéficier d’une demande accrue de la part de la Chine.
La Chine et l’Algérie : des échanges commerciaux à rééquilibrer à travers des stratégies multiformes prenant appui sur le potentiel de croissance inexploité.
•A fin août 2024, la Chine demeure le premier fournisseur de l’Algérie ($6,5 milliards d’importations) et le septième client ($1,2 milliards d’exportations). La Chine continue d’être un acteur clé du commerce extérieur algérien, représentant la principale source d’importations de l’Algérie, principalement des machines, équipements électroniques, véhicules, et produits chimiques (certains en appui des projets d’infrastructures en Algérie). Côté algérien, les hydrocarbures, notamment le gaz naturel et le pétrole, constituent l’essentiel des exportations vers la Chine. Quelques produits non énergétiques, tels que les engrais, complètent les échanges, bien qu’ils soient marginaux. In fine, un commerce bilatéral déséquilibré en faveur de la Chine.
•Un rééquilibrage des échanges bilatéraux impliquerait une stratégie globale de réformes visant un double objectif :
La restauration incontournable de la stabilité macroéconomique. Des politiques macroéconomiques adéquates doivent stabiliser l’économie, favoriser la compétitivité à l’international et éviter les fluctuations des taux de change. Ceci implique : (1) la mise en place d’une règle budgétaire : pour éviter les politiques procycliques et mieux gérer l’épargne publique ; (2) l’ajustement du taux de change pour qu’il reflète l’équilibre économique ; (3) une gestion des revenus pétroliers qui soit séparée de celle de la liquidité locale ; et (4) des salaires publics dont la progression est déterminée par la productivité pour limiter les coûts salariaux qui affaiblissent la compétitivité.
La diversification de la production et des exportations. Implique plusieurs réformes essentielles visant : (1) le renforcement du capital humain à travers l’amélioration de la qualité de l’éducation à tous les niveaux (primaire, secondaire, supérieur) pour améliorer les compétences des travailleurs, encourager l’innovation et stimuler la croissance économique ; (2) la bonne gestion des investissements publics : par le biais du renforcement du cadre budgétaire à moyen terme pour optimiser l’utilisation des ressources publiques et aligner les projets d’investissement sur les priorités stratégiques du gouvernement ; (3) l’ouverture commerciale : pour accroître la participation aux échanges internationaux, favoriser la concurrence et attirer les investissements directs étrangers (IDE), notamment dans les secteurs où l’Algérie dispose d’un avantage comparatif ; (4) le renforcement de la gouvernance et des institutions : pour instaurer un climat de confiance autour de l’étiquette «Made in Algeria» ; (5) le développement d’infrastructures modernes dans les domaines des transports, des télécommunications et de l’internet, essentielles pour participer pleinement aux échanges internationaux, y compris le commerce électronique ; (6) l’ouverture financière : pour mobiliser l’épargne étrangère, notamment les investissements directs étrangers dans des secteurs stratégiques comme les mines ; (7) le développement et la modernisation du secteur financier pour améliorer l’accès au crédit et assurer une meilleure répartition des ressources financières appuyant l’innovation et la croissance des entreprises ; et (8) le développement d’une politique industrielle : favorisant la compétitivité des entreprises algériennes à l’international et leur intégration durable sur les marchés mondiaux.