On ne sait pour quelles raisons les projets de loi sur l’information et l’audiovisuel ont été rejetés en Conseil des ministres, son communiqué n’ayant pas jugé utile de les évoquer, se limitant à exiger du gouvernement «qu’il enrichisse les deux textes».
On ignore si le président de la République a considéré leur contenu en-deçà de ses attentes, ou s’il a jugé préférable de maintenir le statu quo actuel.
Ce flou et cette incertitude ont de nouveau suscité le malaise chez les professionnels qui espéraient que ce Conseil des ministre allait être le début d’une refonte des textes régissant leur métier et qui ouvrirait la voie, si l’intention politique y est, à des réformes susceptibles de balayer tout le système actuel d’information, archaïque et dangereux.
Bâti dès le début de l’indépendance du pays, ce système a eu comme vocation essentielle de mettre au service des pouvoirs politiques en place les médias écrits et audiovisuels avec un financement du Trésor public.
Cela a duré une trentaine d’années. Introduite au début des années 1990, la presse de statut privé fut prometteuse, mais elle finit à la longue par s’insérer dans ce système et sa logique : les journaux, les chaînes de télévision et les sites électroniques furent soit phagocytés par l’Etat, soit laissés à la marge et rares furent les réussites, c’est-à-dire les médias qui purent s’assurer une certaine autonomie, essentiellement financière, et donc en mesure d’exercer correctement leur métier d’informer.
Comme il a produit une information au seul bénéfice des dirigeants, ce système a totalement perverti les notions de liberté de presse et de droit à l’information des citoyens.
De ce fait, il a été accompagné de multiples luttes de professionnels, organisées ou à titre individuel, à divers moments et en tous lieux dans le pays. Le pouvoir actuel a hérité de ce système, il en a pris conscience dès son intronisation, annonçant une certaine disposition à s’y attaquer. Mais force est de relever que plus de deux années après, c’est toujours le statu quo ravageur.
Les autorités n’ont jusque-là pas imaginé de textes novateurs, encore moins entrepris des réformes hardies. Pire, l’exercice de la profession s’est durci et est devenu même à risques. Est-ce pour ne pas lâcher la proie pour l’ombre ? En d’autres termes, les dirigeants ont-ils choisi de s’accrocher au système actuel, même imparfait et inique, que de courir le risque d’être remis perpétuellement en cause par une vraie liberté de presse retrouvée ?
Possible, et si tel était le cas, ce serait un mauvais calcul : l’immédiat et le factuel pourront être gérés, mais l’avenir d’une nation ne pourra pas se construire.
Une Algérie démocratique ne se bâtira que sur la liberté d’expression : si cette dernière a manqué dans les projets de lois retoqués par le Conseil des ministres, et il fallait la rétablir, alors il y a de l’espoir. Si, au contraire, il y a eu crainte qu’elle ne se faufile dans divers articles et entre les lignes, ce qui a poussé à leur rejet, il y a alors de quoi désespérer.