La philosophie politique dans la pensée d’El Hachemi Cherif (1re partie)

31/07/2023 mis à jour: 03:52
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De tous les politiques progressistes algériens, El Hachemi Cherif est celui qui incarne la plus grande fidélité à la pensée moderne. Il lui donne une lecture universelle en la dépouillant de son substrat religieux et archaïque. Son projet est fondé sur l’universalité et sa philosophie pose les jalons d’une réflexion qui ne cessera d’être améliorée, au fil de nombreuses tribunes publiées dans la presse nationale et internationale.  

La pensée chérifienne plonge ses racines dans les valeurs positives de notre civilisation, de notre histoire, dans l’œuvre révolutionnaire et démocratique du mouvement de libération nationale et des communistes algériens qui en étaient partie intégrante depuis les années 1920. C’est dans les conditions du monde contemporain qu’elle inscrit son action dans la marche de notre peuple vers le progrès. Elle lutte pour une Algérie moderne, démocratique, sociale et hautement développée : celle d’un peuple uni, soudé dans l’adversité, vertueux, fier de son histoire et ancré dans ses valeurs modernes, qui s’intègre avec toute sa richesse et son originalité propre au mouvement de la civilisation mondiale. 

Elle agit en faveur de l’unité d’action et de l’alliance la plus large de toutes les forces  démocratiques et modernes contre les forces politiques et économiques de l’obscurantisme et du conservatisme. Elle considère que les changements intervenus dans le développement mondial contemporain avec  la disparition de l’ex-URSS sont si profonds et importants qu’ils exigent une révision et une analyse d’ensemble de tous ses facteurs. Le tournant s’impose à la fois au niveau national et international. L’hégémonie de l’impérialisme oblige à adopter de nouvelles approches, de nouveaux procédés et formes de relations entre les divers systèmes sociaux, États et régions. 

El Hachemi livre les principales idées-clés de sa pensée politique, qui constitue aujourd’hui, l’une des expressions les plus abouties du développement de la raison politique. Il pose la problématique de la crise nationale en termes de fracture dans le processus de formation de l’Etat-nation moderne qu’il identifie à des intérêts fondamentaux de classe et à des enjeux idéologiques. Sa pensée témoigne de l’intérêt croissant que doit porter le militant à la vie humaine dans la société nationale en cherchant dans l’éthique politique les gages de démocratie, de laïcité, de justice, d’égalité et de stabilité sociale.  

Avant d’être un projet politique, la doctrine chérifienne est d’abord une pensée historique. Elle naît d’une critique sans concession sur le cheminement du mouvement national et sur l’Algérie d’après- guerre dans ses aspects multidimensionnels : politique, syndical, idéologique, économique, historique, éducatif et culturel. Il s’agit, en effet, de partir des faits, de les étudier scrupuleusement et d’en établir une description objective et quasi scientifique. C’est en étudiant les raisons des échecs et des succès politiques du passé qu’il est possible d’éclairer le présent et le transformer en avenir.   

Ancrée dans la philosophie de l’histoire du mouvement de libération nationale, dont il était partie intégrante, la vision d’El Hachemi est porteuse d’un projet de société moderne. Elle a pour mission de continuer et d’approfondir le combat d’émancipation en lui donnant de la manière la plus conséquente et à chaque moment le caractère national et démocratique à partir d’une position patriotique débarrassée du dogmatisme et du sectarisme. 
 

Les grandes tâches historiques des forces modernistes se déterminent par rapport à l’exigence du lien profond et permanent entre la démocratie et les masses populaires. En dernier ressort, c’est donc l’exigence d’entraîner ces dernières les plus larges dans la voie du progrès socioéconomique et politico-idéologique qui doit déterminer et vérifier à tout moment le cheminement du processus de maturation historique. 

C’est la capacité à mettre en mouvement les citoyens autour de leurs intérêts communs reconnus et dans le sens des tendances historiques objectives de modernité, qui assurera le mouvement réel vers la perspective démocratique. Cette doctrine qui identifie les éléments historiques qui animent en profondeur la marche de la société algérienne, a montré tous les tenants et les aboutissants de la crise d’Etat et les raisons pour lesquelles, c’est justement l’alliance islamo-conservateur, et non les forces politiques progressistes déjà en place au sein de la gauche traditionnelle, qui s’est saisie de l’initiative stratégique et s’est déployé sur le terrain pour récupérer à son profit le mouvement social en ébullition depuis le début des années 1980.  

La philosophie chérifienne a fait le bilan autocritique le plus lucide des forces qui avaient la prétention de représenter l’avant-garde révolutionnaire du peuple en expliquant comment l’Etat et la nation modernes, tels qu’ils ont commencé à se former aux prix de sacrifices inouïs, ont été avortés et détournés par le mouvement politico-idéologique contre-révolutionnaire : l’islamisme politique.   

Dans une minutieuse étude rétrospective, elle a analysé chaque moment historique de notre pays qui a contenu les prémices d’une évolution-régression dans différentes directions à propos du choix de société suivant le degré du mûrissement des facteurs objectifs et subjectifs antérieurs, leur combinaison et le rapport de forces qui en résultent à la fois dans le système et dans la société.  

C’est de cette manière qu’El Hachemi a mis en lumière les éléments structurants qui ont neutralisé le processus de formation de l’Etat-nation moderne en faisant régresser la société et l’Etat sur tous les plans, à entretenir et renforcer les archaïsmes. Il a souvent  souligné, enfin, la profonde dépolitisation qui affecte la société, du fait de son exclusion politique par le despotisme du système et de ses institutions. Cette dépolitisation se répercute, tout naturellement, sur l’attitude de la classe politique. 

La pensée chérifienne définit l’islamisme comme un mouvement politique et intellectuel contre-révolutionnaire qui entend maintenir les cadres traditionnels de la société algérienne avec le retour aux fondements de la société tribale, féodale et archaïque. En effet, l’Islam politique condamne énergiquement les valeurs universelles et remet en cause les avancées nationales. 

Il combat sans relâche l’engagement des progressistes algériens à vouloir édifier la liberté à partir d’une conception universelle de la démocratie et s’en prend largement à l’ambition rationnelle de la philosophie moderne. Les partisans de la contre- révolution tentent à chaque fois de briser l’élan de la dynamique citoyenne en condamnant en bloc l’ordre philosophique moderne.

La fin des années 1970 s’alimentait d’un fort courant islamiste, intolérable à l’égard des universalistes accusés de mener à bien une action de déstructuration des intérêts moraux, en prenant le contrôle de tous les rouages de l’Etat et de la société. 

La montée de l’islamisme s’accompagnait en effet d’une floraison d’essais et de pamphlets qui dénonçait les activités des forces modernistes qui œuvraient pour la personnalité nationale plurielle, ouverte et universelle. L’accusation était portée sur tous les progressistes, mais elle visait surtout les communistes algériens pour l’élargir, dans les années 1990 aux différentes composantes de la société qui s’opposaient à la théocratie totalitaire. 

Profitant de graves difficultés économiques et financières, les forces islamistes ont canalisé une grande partie des contradictions et du désarroi dans la société vers une alternative fascisante.

 A la manière d’une araignée tissant sa toile, les fondamentalistes procédaient ainsi à un vaste étranglement de l’Algérie et qui s’exprimait en termes de crise violente, en termes de vie ou de mort pour la Nation algérienne telle qu’elle s’est formée historiquement.     
L’œuvre chérifienne dans une vision particulière et éclairée a introduit une grande clarté dans les enjeux nationaux et a participé à l’émergence du patriotisme de combat en défendant les positions républicaines. 

Elle estime que la tâche la plus principale entre toutes, c’est d’orienter les luttes quotidiennes dans leurs multiples formes d’expression pour faire apparaître avec la plus grande netteté les véritables contradictions de notre société et leurs articulations réciproques. Elle œuvre énergiquement pour que les termes de cette principale contradiction se reflètent dans les projets de société pour accélérer ainsi la décantation politique entre les forces de progrès et les forces islamo-conservateurs.  
 

Selon El Hachemi Cherif, l’idée de la Nation Algérienne a pris son sens moderne dans le mouvement national, et par conséquent, elle doit s’intégrer dans une réflexion sur la nécessaire préservation des héritages légués par l’histoire. Les forces politiques, syndicales et culturelles qui doivent animer la société ne peuvent se construire en opposition au passé. Bien au contraire, c’est dans l’histoire qu’il faut rechercher les ressources et les éléments historiques pour réaliser le destin collectif national moderne. 

Les militants ne peuvent agir pleinement que s’ils sont enracinés dans une mémoire et une histoire qui les portent. De même, la Nation n’est pas un simple acte de volonté, elle est le riche héritage légué par l’histoire.    

La réflexion développée et portée par l’enfant de la Soummam a su tirer les enseignements de cette crise violente, complexe et mouvementée  à l’échelle de notre histoire. Ce faisant, son dépassement pose l’exigence de ruptures dans tous les domaines : politique, économique, social et culturel. Cette rupture doit tirer les leçons les plus justes des expériences nationales et internationales, pousser à l’assimilation des acquis de nouvelles technologies, développer et valoriser le travail productif et les capacités créatrices nationales, dans la justice sociale, gages de l’efficacité économique et de la démocratie effective.  

Ainsi, elle entend montrer que l’étude d’Etat est indissociable d’une réflexion plus profonde et plus large. Cette entité sociale supérieure est forgée par l’histoire et est le fruit d’une longue accumulation de règles politiques éprouvées dans les faits. Elle s’est patiemment consolidée dans les institutions politiques, sociales et économiques, qui assurent l’ordre et la stabilité des liens dans tous les lieux de la vie sociale. Sans les acquis du passé, l’ensemble des liens sociaux et des solidarités ne peuvent que se relâcher.  

Selon El Hachemi, le progrès social trouve son expression dans le développement du mouvement prolétaire national et le progrès de la société algérienne est directement lié, entre autres, à la révolution scientifique et culturelle qui accroît les possibilités matérielles et intellectuelles des masses populaires.

 

Par Mustapha Hadni , Coordinateur du Parti pour la laïcité et la démocratie (PLD)  

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